Outreau une Mise au Point Outreau 3 (Jour 9) Compte-Rendu de l’Audience du Lundi 1° Juin 2015

Ce lundi matin au parlement de Bretagne, on a comme d’habitude le point presse de la défense, puis on sent l’ambiance se tendre un peu. Les avocats de Daniel Legrand, qui ont prévu de nous faire assister au bal des acquittés durant les 2 ou 3 prochains jours, ont appris que Dimitri Delay allait venir témoigner, ce matin.

Mais avant, le président du tribunal tient à entendre deux des personnes qui ont été impliquées dans le dossier l’espace de quelques heures. Catherine D., ex épouse L., est donc venue témoigner ce matin, ainsi que son ex mari venu à la barre juste après.

1. Catherine D.

Cette infirmière de 53 ans qui vit dans le Nord a été appelée à témoigner par les avocats de Daniel Legrand. Elle a commencé par expliquer sa mise en garde-à-vue en mars 2002, suite à des accusations des Delay, et dit que sa fille Céline était un peu le souffre douleur de Dimitri, qui était dans la même classe qu’elle.

« Ils disaient que j’allais chez leurs parents en étant enceinte« , raconte Catherine D., « Mais j’étais enceinte de jumeaux en 1995-1996, et je n’étais pas dans la région de Bloulogne. Je ne connaissais par Outreau, je n’avais aucune attache là-bas« .

Le couple arrive à Samer, la même ville que le couple Marécaux, en octobre 1998.

En 2000, Céline est au CE1 avec Dimitri, puis c’est la garde-à-vue.

« Ca a été un grand choc. Je ne connaissais pas Thierry Delay. Pour moi le seul lien qui existait c’était Céline, et Dimitri« .

« Deux jours après la garde-à-vue, Dimitri avait dit à Céline : ‘tu as vu ce que j’ai fait à ta mère ?’ » Catherine D. avait été mise ne cause par les trois frères Delay aînés suite à un signalement des services sociaux qui relataient un entretien avec Dimitri et Chérif, qui avaient voulu leur parler du couple L.

Dimitri avait expliqué qu’elle venait avec les jumeaux (dont elle était enceinte en 95-96) pour les violer. Selon les enfants, cette infirmière était là pour « vérifier que les enfants n’étaient pas trop abîmés« , selon les mots du président. Les enfants ont aussi dit qu’elle était présente en Belgique.

Chérif avait déclaré qu’il avait connu Catherine D. quand elle était enceinte des jumeaux.

Le président lui demande si elle connaît un Philippe L. (l’un des patronymes d’abuseurs donnés par les enfants Delay), puis l’interroge sur ses liens avec les Marécaux.

« Je les ai connus car les enfants avaient les mêmes activités, et nous prenions des cours de tennis avec Madame Marécaux. J’ai aussi fait appel à Alain Marécaux qui était huissier, afin de faire un constat de dégât« .

Après leur installation, elle a dit n’être allée à Outreau qu’une fois, en 2001.

Le président revient sur des déclarations de Dimitri à l’époque, qui avait dit avoir été menacé par Catherine D. et Mme Marécaux alors qu’il jouait devant chez sa famille d’accueil. Elle nie l’avoir menacé et ajoute qu’à ce moment elle ne connaissait pas les accusations portées contre elle.

On lui demande comment elle a pris tout cela, elle répond que « c’est difficile on se pose beaucoup de questions pour savoir comment on est arrivé dans le dossier« . Selon elle, tout serait parti du fait que sa fille et Dimitri étaient dans la même classe. Puis elle explique que ses enfants aussi ont été interrogés dans cette affaire, et que tout cela a nui à leur équilibre.

Le président demande alors à Chérif de se lever.

– Vous avez désigné Mme L. (Catherine D. depuis son divorce), fait-elle partie des agresseurs ?

– Elle n’a pas fait partie des agresseurs

– Pourquoi l’avez-vous accusée ?

– Je ne sais pas

– Vous vous rendez compte de l’impact de tels propos ?

– Aujourd’hui oui.

– Vous avez quelque chose à lui dire ?

– Je suis désolé, je vous demande pardon. Je ne connais pas cette femme.

Le président lui fait alors remarquer qu’il a donné deux pages de détails, et Mme D. explique que Chérif avait tenté de se rapprocher de Céline pour en savoir plus sur la famille, et qu’elle a compris pourquoi ensuite.

Le président demande alors à Dimitri, qui était assis à côté de Chérif, de se lever et lui demande s’il connaît Mme D.

– Oui. Elle venait à la maison. Je ne reviendrai pas sur mes accusations.

Me Lef Forster, avocat de Chérif, demande au témoin si elle a quelque chose à dire sur Daniel Legrand, « car aujourd’hui c’est son procès« , tient-il à rappeler. Car en effet, bien souvent on s’est demandé si on n’était pas dans un remake d’Outreau, ce qui a d’ailleurs été encore plus marqué dans l’après-midi.

L’infirmière répond qu’elle ne connaissait pas Daniel Legrand.

Elle ne connaissait pas non plus Myriam Badaoui.

Catherine D. est ensuite questionnée par Me Delarue fils, qui revient sur la Belgique où elle dit n’être jamais allée.

2. Stéphane L.

C’est l’ex mari de Catherine D. lui aussi appelé par la défense.

« Je ne sais pas ce que je fais ici, je pensais que c’était terminé. Je ne comprends pas pourquoi je suis impliqué dans cette affaire« , dit-il en guise de déposition.

Puis il raconte qu’il s’attendait à la visite de la police à cause de la « rumeur« , car la presse parlait d’un médecin hospitalier impliqué dans les faits. Du coup, tout le village en parlait.

Il a été nommé à l’hôpital de Boulogne en novembre 1998, et se rappelle que Dimitri causait des problèmes dans sa classe, où se trouvait donc Céline, la fille du couple.

Stéphane L. explique qu’il n’a pas été mis en garde-à-vue. Il croisait souvent les Marécaux qu’il « appréciait beaucoup même si on n’est jamais allés manger les uns chez les autres« .

Me Lef Forster demande alors s’il a « quelque chose à dire sur Daniel Legrand« , et le témoin répond qu’il ne le connaît pas.

Puis l’avocat général tente de justifier pourquoi il a accepté de le faire venir, parce qu’il est vrai qu’on était vraiment en train de se demander si on ne s’était pas trompé d’adresse tellement on n’a pas parlé de Daniel Legrand durant ce début de matinée.

Puis Me Berton se lève et dit que c’est dommage que les frères Delay ne soient plus présents dans la salle, alors le président demande à leurs avocats de les faire venir.

Les deux arrivent, et Chérif, comme pour Catherine D., dit qu’il ne connaît pas ce témoin.

Le président demande alors à Dimitri :

– Vous le connaissez ?

– C’est le mari de Mme L.

– Ce Monsieur a-t-il commis des faits ?

– Pour moi oui.

– Quels souvenirs en avez-vous ?

– Pour moi M L. fait partie des gens qui m’ont agressé ; d’après mes souvenirs.

– Ca se passait où ?

– A la maison, et aussi en Belgique… Il me semble que j’ai le souvenir de leur véhicule, un 4×4 noir que j’ai vu lors d’une kermesse…

Il se rappelle aussi les prénoms des trois enfants du couple. Le président lui fait alors remarquer que son frère n’a pas reconnu le témoin. Puis c’est Stéphane L. qui prend la parole : « Je suis complètement désolé des horreurs qu’il a subies, mais ni moi ni ma femme n’ont participé à ça« 

Puis le président demande à Dimitri : « Vous avez parlé deux fois d’un Philippe L.. D’où vous vient ce prénom ? » -Je ne sais pas.

3. Dimitri

Enfin vers dix heures, c’est au tour de Dimitri de s’exprimer. Un témoignage autant attendu par les soutiens des trois frères que redouté par la défense.

Le jeune homme commence : « Je peux expliquer comment ça a commencé. Je ne suis pas là pour justifier des détails. Je ne répondrai pas aux questions sur les acquittés car on est au procès de Daniel Legrand« .

Il raconte un peu son parcours, qui révèle sous un jour cru comment les services sociaux sont capables de broyer des enfants, qui plus est des victimes. Plongée dans un monde qu’on ne souhaite pas à ses ennemis.

« A 7 ans et demi j’arrive chez Mme Bernard à Samer [l’assistante maternelle chez qui il a été placé]. J’ai eu un choc en arrivant car j’ai découvert la notion de famille. Le langage, la tenue… L’hygiène, j’en avais pas…« 

Le président lui demande si Daniel Legrand « A commis des agressions sexuelles sur vous ? »

– Oui

– Avez-vous le souvenir de l’âge que vous aviez ?

– Il m’a abusé quand j’étais petit je me rappelle de son visage. SI je ne me rappelais pas de sa tête je ne serais pas ici.

– Vous ne l’aviez jamais reconnu, demande le président

Puis, Dimitri doit rappeler que ce n’est pas de sa faute si on ne l’a pas interrogé sur Daniel Legrand à l’époque.

– Comment vous rappelez-vous de lui ?

– Pas dans un environnement agréable. La première fois que je me rappelle de lui c’est chez mes parents.

– C’est quoi des abus sexuels ?

– Oui on peut parler de pénétration

– Vous voyez d’autres visages en même temps ?

– Oui mais je n’en parlerai pas

– Son père ? , insiste le président, manifestement décidé à revenir sur les acquittés, chose que ne voulait pas faire Dimitri.

– Oui, répond le jeune homme

– Daniel Legrand aurait-il pu être agressé comme vous.

– Je ne sais pas, je ne suis pas dans sa tête.

Dimitri précise bien qu’il ne se rappelle pas de Daniel Legrand en tant que victime.

– Avez-vus vu Daniel Legrand violer Jonathan ?, enchaîne le président.

– Oui

Mais, il n’a pas de souvenir de Daniel Legrand agressant Dylan, leur plus jeune frère, ou Chérif.

Le président reprend ensuite l’historique des accusations de Dimitri, qui commencent avec la liste de prénoms qu’il a donnée à son assistante maternelle, qui les a notés et l’a transmise aux services sociaux, ce qui était une obligation pour elle.

On lui demande s’il se rappelle des circonstances dans lesquelles il a fait cette liste : « Non mais si j’ai écrit ces noms on ne me les a pas soufflés« , répond Dimitri. « Vous y associez des visages à cette liste ?« , interroge le président, décidément tenace, qui se met à énumérer les prénoms donnés sur la liste en attendant que, pour chacun Dimitri fasse un commentaire :

– Jean-Marc ?

– Il pouvait marcher. Il bégayait. Ca l’empêchait pas de monter les étages.

– Il fallait qu’il soit aidé ?

– Je n’en ai pas vraiment le souvenir.

Le président interroge ensuite Dimtiri sur David Deplanque, Aurélie Grenon, « le mari de Monique », Thierry Dausque, Francis, Julien, Marc… Toute la liste y passe. Il en arrive à Emeline Delay, et demande si elle aussi a été abusée. « C’est possible mais je ne peux pas poser un nom sur son visage« .

On revient aussi sur cette histoire remontant à 1999, quand Dimitri a dénoncé des abus qu’il aurait subis, par « un monsieur », dans la cave de leur immeuble. Des faits qui remontaient à 1997. Il avait fini par mettre en cause quelqu’un qui a été placé en garde-à-vue, et l’examen médical (réalisé plus d’un an après les faits) n’avait rien donné. En fait, il s’est avéré que c’est Thierry Delay qui l’avait agressé cette fois, mais ce lundi matin à Rennes, Dimitri ne se rappelait plus de cet épisode. Bien qu’avec ses frères, il ait été l’un des seuls témoins à faire des efforts de mémoire à ce procès.

Le président continue son interrogatoire, et passe à Karine Duchochois, que Dimitri pense faire partie des agresseurs ben qu’à l’époque il avait dit que ni elle, ni David Brunet ne l’avaient abusé.

On en vient ensuite à la deuxième liste rédigée par Dimitri, dans laquelle il mentionnait Céline L, la fille du couple venu témoigner juste avant. « J’ai fait cette lettre d’après mes souvenirs » explique Dimitri. Il ne se rappelle plus dans quelles circonstances il l’a rédigée, et on ne l’a plus interrogé à ce sujet durant toute la procédure.

C’est ensuite la troisième liste de noms de Dimitri, celle-ci rédigée par une assistante sociale, qui arrive sur le tapis. Dans cette liste, Dimitri parle d’ « un grand que je conné pas« , que les avocats de la défense ont déclaré être Daniel Legrand alors qu’il s’agissait du fils aîné des Marécaux, dont il ne connaissait pas le nom. Le cas Marécaux est donc abordé, et Dimitri rappelle qu’il est allé chez les Marécaux et qu’il a même pu décrire l’intérieur de l’habitation aux policiers. Il ajoute aussi que les Marécaux sont venus chez ses parents.

Au sujet de cette liste, Dimitri doit encore préciser que « c’est n’est pas elle qui m’a soufflé les noms« .

– Vous parlez de Daniel Legrand et de la Belgique… continue le président.

– L’accusé que je vois ici est bien la personne impliquée dans les faits.

– Pourquoi vous associez Daniel Legrand à la Belgique ?

– Parce que que c’est la deuxième fois où je l’ai vu.

– Mais vous ne parlez que d’une seule fois où vous l’avez vu

– Je réponds à vos questions. Vous me parlez d’une fois, je réponds sur cette fois-là. Les autres qui sont venus ici ont eu plein de trous de mémoire et on n’en a pas fait tout un plat.

Puis, Dimitri revient sur la Belgique. Il se rappelle d’un endroit très précis, près d’un parc d’attractions. Il parle d’un chemin après le parc, d’une petite route, d’un virage, du deuxième chemin à droite puis d’un chemin de terre près de forêt avec une ferme isolée.

Le président change de sujet, on revient aux déclarations de Dimitri en 2001. Dans une audition où on lui a montré des photos d’adultes, Dimitri n’a pas reconnu Gilbert Delobel, l’employé du sex shop. On en revient à cette histoire de « Dany », était-ce un nom ou un prénom ? « Quand on est petit on ne fait pas la différence entre un prénom et un nom« , répond Dimitri.

Réentendu en décembre 2001, l’enfant a cité plusieurs noms d’abuseurs : Delplanque, les Marécaux, le couple Lepers, la boulangère, Jean-Marc, Karine, David Legrand, Olivier, Franck lavier, un docteur, et il a aussi cité d’autres enfants.

Au sujet du taxi Martel, Dimitri se rappelle qu’un soit il les amenés dans un cimetière, à Saint-Martin, et que son père y a « cassé des tombes » et récolté des ossements pour faire peur aux enfants et aussi les violer avec. A l’époque, il avait parlé de cela aux enquêteurs, et d’ailleurs Thierry Delay avait confirmé cette passion morbide pour les crânes, les os et les cimetières.

Le président l’interroge alors sur les faits qui auraient eu lieu chez ses parents. Dimitri se rappelle de scènes d’orgies, où il pouvait y avoir une vingtaine de personnes en plus des enfants. Il précise que « tous les acquittés n’étaient pas là« .

« Je connais qui m’a agressé mais je ne pense pas que ce sont les seuls. Ce n’était pas une affaire que de région, ça dépassait Outreau. Le réseau n’était pas qu’à Outreau« , explique Dimitri. Il revient ensuite sur le bébé enfermé dans un placard, dont il avait déjà parlé à l’époque. « Dans mes souvenirs il se prend des coups.. Il a été mis dans un sac… Je me rappelle d’un trou qu’ils ont creusé près de l’école maternelle« , raconte le jeune homme, qui fait visiblement de son mieux pour en dire le plus possible.

Puis il explique que c’est Jonathan qui pourrait parler le mieux de la scène qui l’a le plus choqué : le meurtre de la petite fille, auquel il pense avoir été présent. A ce sujet, Dimitri n’a que vaguement des souvenirs : « je vois une grande salle, la salle à manger. Je vois deux personnes dans la pièce, et des enfants. J’ai le souvenir de jouer avec une petite, avec mes frères, dans ma chambre. On faisait une cabane… Il y a une dizaine d’années que ça me suit » (des propos qui ont été confirmés par Badaoui, alors en prison, quand elle a raconté le déroulement de ce meurtre au juge Burgaud, après les aveux de Daniel Legrand).
Dimitri n’a plus de souvenir une fois que la petite fille a quitté la chambre. Il se rappelle juste des cris de la petite et de Thierry Delay.

Selon Dimitri, ses parents, les Lavier, Daniel Legrand étaient là au moment où la petite fille était chez ses parents.

On en revient à Daniel Legrand : « la première fois que je l’ai vu, il était chez moi avec son père« , dit Dimitri.

On l’interroge ensuite au sujet des procès d’Outreau et de l’acquittement des gens qu’il avait mis en cause. Mais à ce moment là, il était trop absorbé par ses problèmes et par le choc du procès, des accusations contre lui et les autres enfants, pour se préoccuper de cela.

– Quel est votre sentiment ?, demande le président.

– Il serait temps de se remettre en question

– Pourquoi vous n’avez jamais reparlé de Daniel Legrand pendant l’instruction ?

– On a eu une bonne pression, dans le box des accusés, 7 h avec un verre d’eau, on s’est fait insulter, on nous a demandé si on s’était fait violer par des extra terrestres. Il faut pas oublier. Je l’ai très mal vécu. Il y a un minimum de respect à avoir ».

Il continue : « Moi j’ai de la colère, je n’en parle pas, j’essaie de rester le plus respectueux même si on ne m’a pas accordé de respect. Un enfant qui a une telle pression pendant un procès, je vois pas comment il peut s’exprimer autrement. Je sais ce qu’il m’est arrivé« .

Dimitri ne va pas bien, comme il l’a rappelé, lui aussi doit prendre « plein de médicaments« , et a des nuits « difficiles« .

Puis le président l’interroge sur sa situation « après ». C’est là qu’on découvre le récit d’une inhumanité au quotidien, d’un gamin en souffrance laissé avec toute sa douleur, à gérer seul. Envoyé de foyer pour jeunes difficiles en centre fermé, et si possible à l’étranger.

Le jeune homme explique qu’à 12 ans, comme il commençait à trop s’attacher, on l’a enlevé à sa famille d’accueil, là où il avait été placé au début de l’affaire : « Au bout d’un certain nombre d’années, on écarte la famille d’accueil des enfants. Ils m’ont éduqué comme leurs propres enfants, je n’ai jamais vu de différence. Je pense que c’est grâce à eux que j’ai compris. Ils m’ont appris ce que c’est qu’une famille… J’ai pas compris pourquoi à 12 ans on m’a envoyé dans ce foyer« . Il a expliqué également qu’il n’a pas pu avoir de suivi psychologique avec sa famille d’accueil car sinon ils perdaient leur agrément.

A 12 ans, donc, Dimitri a été placé dans un foyer, envoyé en Belgique par le conseil général du Pas de Calais. C’est un centre pour les jeunes en réinsertion éducative qui lui ouvre ses portes, jusqu’à ses 14 ans. Il passe ensuite deux ans dans un centre éducatif renforcé, toujours en Belgique, avec un des légionnaires à la place des éducs. Ou des éducs légionnaires, amateurs d’exercices de survie nocturnes dans la forêt, ce qui a pas mal traumatisé Dimitri (« des exercices de chasse à l’homme à 23h le soir, on devait se cacher la nuit dans les bois et des gens nous cherchaient… je l’ai mal vécu« ).

Dimitri a fugué plusieurs fois, cherchant à se débrouiller « par lui-même », puis le foyer n’a plus voulu le récupérer. Il est donc envoyé à Boulogne après un passage par un foyer d’urgence.

« Après mes 18 ans, je suis resté pas mal de temps à la rue »…

Puis le président lui demande comment il ressentait les actes en eux-mêmes. « Il y avait la souffrance mais au moment où ça se passe je pense pas qu’on ait la possibilité de penser à quoi que ce soit« , répond le courageux Dimitri, toujours debout à la barre, répondant à ces questions d’une indécence rare.

Puis, me Lef Forster, son avocat, demande si tous ces gens qui ont déclaré ne pas connaître Daniel Legrand lui ont soufflé le nom de Daniel Legrand. « Comment ce nom a-t-il pu se retrouver sur la liste de Dimitri ? Comment quelqu’un qui ne connaît pas Daniel Legrand peut-il avoir soufflé le nom de Daniel Legrand ? » interroge l’avocat.

Car il est vrai qu’officiellement, personne ne connaissait Daniel Legrand, qui officiellement n’est jamais venu à Outreau, ou seulement pour le foot. Si ce nom se retrouve sur la liste de Dimitri, ce n’est donc pas parce qu’on lui l’a « soufflé« .

« Son visage, je le connais. Je sais très bien ce que je connais de cette personne. Je sais qu’il était là, je sais ce qu’il a fait« , répond Dimitri.

– Comment vous faites le lien entre « Dany legrand » et la Belgique ?, demande encore le président.

– C’est la même personne.

Au sujet de Dany, il se trouve que le matin dans la queue avant d’aller au tribunal, un de nos amis voit une vieille dame munie d’un ticket de bus sur lequel était inscrit le nom « Dany » avec deux numéros de téléphone, un fixe et un portable. La dame était au téléphone et demandait « quand est-ce que vous arrivez ? », on entend « on arrive » dans le haut parleur, et devinez qui cette dame a retrouvé dans la salle d’audience quelques minutes plus tard ? La famille de Daniel Legrand. On n’ose imaginer que ce « Dany » soit LE « Daniel Legrand » du procès.

Dimitri tente de préciser une période à laquelle remonteraient certains faits concernant Legrand, et il explique se rappeler d’un sac de sport avec la mascotte de la coupe du monde de foot de 1998, Daniel Legrand avait ce sac la première fois où il l’a vu.

L’avocat de Dimitri demande s’il peut décrire l’appartement où se déroulaient les faits, et il parle d’une pièce secrète avec plein de cassettes vidéos que la mère de Thierry Delay rangeait. Il a du revenir ensuite le week end, mais « l’ambiance avait changé« .

Il explique que dans certaines situations, il visualise Daniel Legrand, « je sais qu’il était là et je l’ai vu abuser d’enfants dont moi et mes frères. Dans mes souvenirs, je l’ai vu plusieurs fois dans plusieurs endroits. Je sais que mon père lui mettait la pression parce que c’était filmé« .

L’avocat général revient sur les procès d’Outreau, puis lui demande « que pensez-vous des déclarations de votre mère, de votre père, de deux voisins qui sont venus dire que Daniel Legrand n’était pas là ? »

– C’est leur vision.

Puis l’avocat général revient avec la même question qu’il a posée à Jonathan, et qui en fait n’est pas du tout une question. Il s’agit de trois propositions foireuses destinées à faire Dimitri qu’il a menti, ou inventé, ou quelque chose comme ça. Ses trois propositions ont fini par « … ou alors vous dites faux mais vous ne mentez pas… Est ce que ça n’est pas inenvisageable que ça se mélange dans votre tête de jeune homme complètement traumatisé« .

Même si cela aurait fait très plaisir à l’avocat général qu’il revienne sur ses déclarations, Dimitri a maintenu ce qu’il a toujours dit : « je crois que peu importe ce que je dirai, vous aurez votre avis. Je sais ce que j’ai vécu. Je ne suis pas dans un jeu ici. Je peux comprendre que vous ayez un doute, mais moi je me rappelle de ce que j’ai vécu, et je ne pense pas que vous étiez là. Je ne reviendrai pas sur ce que j’ai dit « .

Ajoutons que les avocats de la défense n’ont posé qu’une mini question à DImitri, pour aller ensuite se répandre dans les médias. Nous, on pensait qu’ils auraient plus d’éléments à soulever…

La suite de la journée, demain …

4. Georges Huercano-Hildalgo

L’audience reprend en début d’après midi, avec le directeur des magazines de RTL TVI, une chaine belge privée. Agé de 53 ans, il a aussi cité par la défense, pour nous expliquer sa magnifique enquête sur l’affaire d’Outreau.

Il explique qu’en tant que journaliste Belge, il s’est intéressé à l’affaire d’Outreau dès que « la piste belge » a été éventée, début 2002.

« On a travaillé sur des affaires de réseaux pédophiles dont le réseau Spartacus, j’ai beaucoup travaillé sur l’affaire Dutroux », explique le journaliste qui est originaire de Charleroi, la ville de Dutroux. La piste belge, pour lui, c’était le sex shop à Ostende (il dit qu’il n’y a pas de sex shop à Ostende, mais en fait cette piste n’a été abordée que dans la presse), la fillette belge (mais il n’a trouvé aucune disparition correspondante et il n’y a donc pas de meurtre) et la ferme en Belgique (où il a interrogé les propriétaires qui n’ont rien vu, rien entendu).

Le journaliste est donc allé à la rencontre de la famille Legrand. Il dit avoir été surpris : « j’ai rencontré des chefs de réseaux pédophiles, et ils ont des grandes villas, beaucoup d’argent. Je ne trouvais pas de trace d’argent chez les Legrand », qui, dit-il, n’avaient même plus de domicile ni d’abonnement téléphonique à l’époque. Il a même trouvé les fiches de paie du père Legrand, avec ses heures de pointage notées dessus, preuve selon lui que ses horaires étaient parfaitement réguliers et que les déclarations de Badaoui ne collaient pas.

Georges Huercano Hidalgo a ensuite rencontré Jean-Marc Couvelard, l’handicapé « incapable de marcher tout seul » qui a été accusé par plusieurs enfants, puis d’autres futurs acquittés, avant le procès en appel. « Les accusations nous paraissaient de plus en plus invraisemblables. Par exemple Franck Lavier a été accusé de viols sur un bébé qui n’était pas encore né ».

Il revient sur les accusations de Dimitri suite à une agression dans la cave de l’immeuble en 1997, pour laquelle il avait d’abord accusé un voisin. « Il est apparu que ces accusations étaient fausses. L’expertise de Dimitri n’a montré aucune trace de sévice », dit le grand journaliste. Sauf que Dimitri n’a juste pas dénoncé le vrai coupable, pour épargner son père. Et l’expertise n’ayant été réalisée qu’en 1999, elle ne pouvait trouver aucune trace de sévice.

C’est là que Huercano Hidalgo a eu l’idée d’une erreur de nom sur les Daniel Legrand. C’est même Roselyne Godard qui lui met la puce à l’oreille en parlant du fameux « Dany » Camporini, qui était « grand » et a vécu dans le quartier, un nom qui se trouvait dans le cahier de la boulangère, où elle notait les gens qui lui devaient de l’argent (et il y en avait beaucoup, puisqu’elle a accumulé des dizaines de milliers de francs de déficit).

Le journaliste parvient même à nous expliquer les aveux de Daniel Legrand sur sa présence lors du meurtre de la fillette belge (ce que même Daniel Legrand ne parvient pas à faire clairement). Il dit qu’après que la lettre de Legrand ait été diffusée, « les enfants Delay livrent six versions différentes de ce meurtre », ce qui n’est pas le cas d’après le dossier, en tout cas.

Le témoin fait aussi un parallèle entre les affaire Dutroux et d’Outreau, car « dans les deux cas il y a eu des écrans de fumée : les réseaux de pédophilie ». Selon lui, dans le cas de l’affaire Dutroux, la mise en avant de ces réseaux aurait permis de « masquer les erreurs de la gendarmerie », et à Outreau ce sont les erreurs des services sociaux qu’il a été question de masquer, car ils ont mis du temps à réagir et auraient donc poussé dans le sens de la thèse du réseau.

Nous on trouve que c’est de la théorie du complot, mais passons.

Manifestement, Georges Huercano Hidalgo est intervenu en tant que pourfendeur de la piste du réseau, tellement certain que l’affaire Dutroux s’était dégonflée, et que l’affaire d’Outreau allait faire de même.

Il répète que les assistantes maternelles ont pu « s’influencer les unes les autres ».

Le journaliste a aussi suivi la fausse piste de cette inscription de Dimitri, désignant l’un de ses agresseurs, « un grand que je conné pas ». Une fausse piste, puisqu’il est évident que ce terme désigne un enfant dont il parlait.

« Nous avons fait notre travail de journaliste, nous ne sommes pas auteurs de justice. Notre rôle n’est pas d’influencer l’enquête de justice », dit le cadre de RTL.

Me Reviron, l’avocat de Jonathan, le questionne alors. Il souligne : « Vous vous honorez d’avoir fait tomber la piste des notables dans l’affaire Dutroux », et continue, précisant qu’il a rencontré la famille de Daniel Legrand, qu’en mars 2002 il sort un documentaire et juste après il arrive sur l’affaire Dutroux, avec un reportage intitulé « Mirages à Boulogne », et peu avant le procès de Paris. Il récidive avec un livre intitulé « Contre enquête à Outreau : sexe, mensonges et vérité »

En octobre 2005 il sort un documentaire sur France 3 intitulé « le destin brisé des Legrand ». Me Reviron ajoute : « vous avez joué un rôle, vous avez communiqué des informations importantes pour Daniel Legrand », faisant référence à la piste du Dany Camporini qui a justifié un supplément d’information et a entraîné que l’on décale l’ouverture du procès.

Me Reviron continue , reprenant le livre du témoin, lui disant qu’il parle d’un juge « inexpérimenté », d’une « simple affaire d’inceste », d’ « hystérie », de « procureur amorphe », de « cour d’appel en léthargie qui croyait avoir trouvé une affaire de réseau pédophile », d’un « magistrat qui extorque des aveux aux trois suspects »…

On discute un peu sur la notion d' »aveux extorqués », et Me Reviron finit par qualifier le livre de « pamphlet ». En outre, le journaliste a cité les noms des mineurs, ce qui est interdit, et aussi des adultes, « même ceux qui n’ont pas été mis en cause ». Dans son livre, il qualifie même Jonathan de « menteur » et d’ « affabulateur ».

« Il y a tellement de fausses accusations de la part des enfants, qui ont été influencées par leur mère et par leurs assistantes maternelles », lâche Huercano Hidalgo.

Effectivement, p. 93, il avait écrit : « les assistantes maternelles des fils Delay se concertent. Sur demande, Dimitri rédige une liste ». C’est faux, Dimitri a dit ces noms spontanément.

Plus loin, Huercano Hidalgo écrit :  » ‘un grand que je conné pas’ devient Dany Legrand ».

Le président tente de couper l’avocat, mais celui-ci insiste sur le fait que « c’est cette interprétation qui a eu une influence sur le procès en appel ».

Il en vient aux aveux de Daniel Legrand. « Il dit la vérité et le magistrat ne l’a même pas écouté », lit Me Reviron. Et selon le journaliste, Daniel Legrand a avoué pour sortir de prison. On lui demande d’où il tient ses informations, et c’est … Daniel Legrand. Oui, la source du journaliste au sujet des aveux de Legrand est Legrand lui-même. Il y a aussi la sœur de François Mourmand.

Puis, le président dit qu’il ne veut plus qu’on pose de questions sur l’enquête de ce journaliste et ses interprétations, car cela « ne fait pas avancer le débat qui nous intéresse ». Certes, mais il a été invité à témoigner, et le défilé des acquittés qui ne connaissaient pas Daniel Legrand n’a rien apporté aux débats non plus.

On évoque ensuit une autre affaire d’Outreau, qui est l’affaire Danger /vandevelde, ces trois couples de frères et sœurs mariés les uns aux autres, et qui ont été condamnés dans un procès séparé du reste, bien que des enfants Danger aient témoigné dans l’autre affaire d’Outreau et que Myriam Badaoui ait dénoncé l’une des femmes, mais celle-ci dit que c’était au hasard. Les Danger /Vandevelde disent qu’il ont été accusés à tort dans l’affaire Badaoui.

Me Reviron demande ensuite au journaliste pourquoi il a été voir la famille de Legrand après que Daniel Legrand ait fait ses aveux. Il répond qu’il a voulu comprendre pourquoi Legrand avait avoué toutes ces choses.

Puis c’est à l’avocat général, qui félicite le journaliste : « vous avez fait un gros travail sur cette affaire et lui demande comment il a trouvé la piste du Dany Camporini. C’est un témoin anonyme qui lui a donné la photo de celui-ci et le journaliste a fait le tour de l’immeuble avec.

5. Marc Melen

Ce citoyen belge, « docteur en psychologie », est venu nous faire un résumé des tendances de la recherche en psychologie expérimentale sur les témoignages oculaire, et aussi sur « l’étude de la mémoire ».

Vaste programme en perspective, qui va s’avérer particulièrement soporifique tant nous étions loin des débats qui nous intéressaient.

D’emblée, le spécialiste nous explique que « les enfants apportent des témoignages moins fiables que les adultes ». A ce moment, on a envie de lui demander si, à son avis, un enfant reconnu victime de viols de la part de ses parents apporte un témoignage « moins fiable » que celui de ses parents, pédocriminels condamnés.

Il sera donc question de la fiabilité des témoignages des enfants, qui sont de plus en plus pris pour des menteurs a priori. Ce lundi, on était en plein dedans. « Les enfants, même jeunes, ne sont pas des moins moins fiables », continue Marc Melen, « mais il faut nuancer en tenant compte des circonstances précises ». Il faut donc rechercher les « influences » éventuelles sur le discours de l’enfant.

Rappelons qu’à Rennes, on ne parle pas de choses anodines comme un vol de bicyclette, éminemment moins traumatisant que des viols répétés commis en réunion. Et un enfant qui désigne avec constance des personnes bien précises devrait être pris un peu plus au sérieux qu’en recherchant toutes les « influences » éventuelles, histoire de dénaturer voir effacer ce que dénonce l’enfant. Parce qu’on trouvera des influences là où il n’y en a pas, c’est une évidence, surtout avec des psychologues aux raisonnements abscons.

Et alors, combien de victimes ne seront pas repérées parce qu’il y aurait peut-être une « influence » quelque part ? Peut-on sérieusement prendre ce risque ? C’est pourtant bien ce qu’il se passe, tous les jours, dans les tribunaux français. Et en général, l’ « influence », c’est le parent protecteur.

« La fiabilité du témoignage dépens de la manière dont le témoignage est recueilli », dit Melen, qui enfonce une porte grande ouverte, mais va progressivement dériver.

On est d’accord avec lui quand il dit qu’il faut « des enquêteurs formés », mais on sent l’embrouille quand il dit que s’il y a plusieurs auditions l’enfant évolue dans son discours. Et bingo : le spécialiste enchaîne en nous donnant les grandes principes de ce qui, selon lui, est une bonne audition. Il énumère 10 principes dont les plus dangereux sont :

> « idéalement, selon la recherche » (il dit toujours « la recherche » mais ne précise que rarement par qui elles ont été réalisées), « l’audition doit être la plus courte possible ».

> Le récit doit être libre (ne pas poser de questions à l’enfant)

> « Ne pas prendre de déclarations nouvelles et s’en tenir à ce qui a été dit auparavant », car comme il l’explique ensuite « il y a un grand risque qu’un enfant qui complète son témoignage ait subi des influences ».

Nous tenons à répondre à cela. Après avoir discuté avec un gendarme responsable de la formation de ses confrères aux méthodes d’audition des enfants victimes, il est apparu clairement que :

> La plupart des enfants ne parlent pas tout de suite, et pas toujours dès la première auditions

> En 20 minutes d’audition, ce gendarme (formateur à l’échelon régional) certifiait que la plupart des enfants, mêmes victimes, ne disent rien

> Même en respectant scrupuleusement le protocole d’audition, ces témoignages ne sont pas pris au sérieux devant les tribunaux

Toutefois, selon le Dr Melen, les chercheurs sont d’accord là-dessus. Nous serions curieux de voir dans quel domaine ces chercheurs travaillent, mais ce n’est probablement pas la victimologie.

Melen explique qu’il étudie la question des faux souvenirs depuis 30 ans, mais admet qu’il n’a presque rien publié sur le sujet. Il en a conclu que « plus un enfant est jeune, plus il est suggestible ».

Il nous parle ensuite d’obscures expériences censées prouver que les enfants sont suggestibles, mais qui n’ont aucune chargé émotionnelle pour les cobayes et ne peuvent donc pas être transposées au cas des abus sexuels.

D’un coup, les journalistes commencent à prendre frénétiquement des notes.

Sa conclusion, c’est que les enfants mentent plus que les adultes, et qu’ils peuvent même « être amenés à croire qu’ils ont été violés par des extra terrestres », comme il l’a dit.

Selon, il n’y a aucun moyen d’être sûr qu’un enfant dit la vérité.

Puis, Melen disserte sur les différents types de mensonges. « Dès l’âge de 2 ans les enfants peuvent mentir sur tel ou tel événement s’ils apprécient une personne », commence-t-il, avant de préciser que les « vrais mensonges » n’arrivent qu’après l’âge de 10 ou 12 ans.

Puis il explique qu’il est « impossible de définir un mensonge », et là on commence à avoir sérieusement mal à la tête.

Puis le président lui demande si des victimes peuvent être traumatisées par le statut de menteur qu’on leur a donné, mais au lieu d’examiner la questions des fausses rétractations (sur lesquelles la recherche est bizarrement très lacunaire), on revient encore sur la capacité des enfants à mentir.

Le club des 6 nous fait un mini scandale quand un avocat des enfants Delay demande à Merc Melen quelles sont ses sources.

Le spécialiste finit par concéder malgré ces longues minutes de monologue, que « on ne peut pas déterminer de manière absolument certains qu’il y a de faux souvenirs ». Heureusement pour nous, le président, pressé car de nombreux autres témoins attendent, demande de hâter les débats.

Me Guérin, avocate de l’association Enfance Majuscule, l’interroge ensuite sur la mémoire traumatique, et selon melen « n’importe quel souvenir peut être reconstruit les flashs ne sont pas moins altérables que les autres souvenirs ». Puis l’avocate lui demande s’il a déjà entendu beaucoup d’enfants lui dire qu’ils ont été violés par plusieurs personnes, ce qui n’était pas le cas.

Le psy admet qu’il n’y a pas d’étude expérimentale qui permette de comprendre les réactions des enfants.

Me Reviron lui demande si « les faux souvenirs pour les adultes, ça existe aussi ? » et s’il a travaillé sur le sujet, ce qui n’est pas le cas. Le psy admet quand-même que si on traite une enfant de menteur cela peut l’influencer.

Selon lui, aucun teste ne permet de valider la parole des enfants.

Finalement, on a juste perdu plus d’une heure avec des théories issues d’un lobby pédophile américain. Et qui n’ont rien à voir avec notre débat.

6. David Brunet

C’est l’ex de Karine Duchochois , le père de leur enfant qui avait dit à l’époque que son pape lui avait mis son zizi dans la bouche. En janvier 2001, il a donc été placé en garde-à-vue pour ces faits.

« J’ai de la colère et de la haine pour ce qu’on m’a fait » dit-il.

Il est relâché puis à nouveau arrêté le 7 mai 2002, pour des attouchements : « j’ai jamais compris pourquoi on m’a accusé d’une telle chose »

Il fréquentait les Delay, de « simples voisins », et ensemble ils jouaient « au nain jaune » pendant que tous les enfants étaient au lit. Il n’a jamais rien vu de suspect chez les Delay, et a « fait en sorte d’oublier » toute cette affaire, donc il ne se rappelle plus de grand-chose.

Il explique qu’il a eu du mal à récupérer son fils.

Le président demande alors à Jonathan, qui est là, de se lever et de dire si Brunet faisait partie des agresseurs, ce à quoi il refuse de répondre.

Pour terminer, brunet demande aux enfants Delay « d’oublier tout ça ».

7. Sandrine Lavier

Elle ce connaissait pas « du tout » Daniel Legrand. A l’époque, les Lavier vivaient au 3 étage, les Delay au 4e. « Pour moi, c’était des voisins tout à fait normaux sinon je l’aurais signalé. M Delay était violent, les gosses s’enfuyaient. M Delay était porté sur le sexe. Il y avait des cassettes pornos dans une vitrine dans le salon »…

Mme Lavier explique que parfois Badaoui envoyait ses enfants pour demander l’argent.

Me Monneris, avocat de Chérif, demande si A. leur seconde fille, reconnue victime à Paris, leur a parlé de quelque chose.

Selon Sandrine Lavier, « c’est pas possible qu’elle soit victime, elle était toujours avec moi » et n’allait jamais seule chez les Delay, ce qui ne correspond pas aux propos de la fillette devant les enquêteurs.

Puis Me Berton, qui a défendu les Lavier en 2012 quand ils ont été condamnés pour maltraitances habituelles sur leurs deux plus jeunes enfants, interroge alors le témoin. A. est née en 1996, est donc reconnue victime, commence-t-il, et Sandrine Lavier se met à pleurer. Berton rappelle que Thierry Delay a dit qu’il n’y a pas d’autre victime que les enfants Delay étaient les seules victimes (mais il a aussi dit que son fils Dimitri n’avait pas menti).

8. Yves Jannier

Il a été avocat général lors du procès de Paris. Il avait demandé que le procès soit décaler afin de vérifier la piste « Dany Camporini », dont s’est brusquement souvenue Roselyne Godard.

Les avocats des parties civiles ont souligné que c’était « du jamais vu » que de faire venir un avocat général en tant que témoin à un procès.

Il explique sa vision de la procédure : « Ce qui m’a frappé c’est qu’il n’y avait pas d’élément matériel à charge. Dans mon souvenir, aucun des enfants n’a reconnu Daniel Legrand fils » . Sauf qu’il était déjà passé à la télé, et qu’ils auraient pu le reconnaître sans problème. Comme cela a été expliqué à ce procès de Rennes, les enfants n’étaient pas dans les dispositions pour reconnaître les coupables.

Le magistrat témoin évoque ensuite les recherches de Daniel Legrand en Belgique, le meurtre dont Legrand s’est accusé, rappelle qu’il a été condamné en première instance à 3 ans de prison pour des agressions sexuelles commises sur Dimitri et Jonathan, mais selon lui, Daniel legrand fils « n’avait rien à faire là ».

Il estime que ses aveux « étaient surréalistes », et il a trouvé qu’il n’y avait « rien dans le dossier ».

Me Reviron, avocat de Jonathan, lui demande s’il n’a pas été étonné qu’une commission d’enquête parlementaire se penche sur l’affaire d’Outreau alors qu’elle n’était pas terminée, ce qui est illégal. D’ailleurs, il est amusant de noter que cette commission censée réfléchir sur les dysfonctionnements de la justice se soit tenue de manière illégale.

M Jannier ne se rappelait pas non plus avoir demandé à un des enfants s’il avait été violé par un extra terrestre.

Me Reviron lui demande aussi ce qu’il a pensé de l’intervention de Yves Bot, mais il refuse de donner son avis à ce sujet.

L’avocat de Jonathan lui fait ensuite remarquer qu’il avait déclaré que Jean-Marc Couvelard était incapable de monter les escaliers, pourtant sa chambre se trouvait au premier étage de la maison familiale, et il a pu monter les trois étages pour se rendre au commissariat.

Me Reviron précise que le 27 août 2001, Badaoui a parlé de Daniel Legrand père et fils, reconnaissant le premier sur photo. Et le 23 août Burgaud a été mis au courant de l’existence d’une fiche impliquant Daniel Legrand fils pour des chèques volés à Mouscron, en Belgique. Lui dit qu’il a un père du même nom. Ce n’est donc pas de Badaoui que tout est parti, mais à cela Yves Jannier n’a pas d’explication.

Me Reviron lui parle alors de tous les détails communs donnés par Badaoui et Legrand au sujet du meurtre de la fillette belge, mais pour Yves Jannier « c’est peut-être l’avocat qui lui a donné les noms », alors qu’il ne savait pas que cette confrontation allait avoir lieu, comme l’a rappelé l’avocat. Et si l’avocat n’est pas présent, c’est le juge qui a soufflé.

Me Lef Forster demande, lui, comment Myriam Badaoui a pu sortir de nulle part le nom de Daniel Legrand, si elle ne le connaissait pas.

AU final, Yves Jannier a « cherché à démontrer l’innocence des personnes renvoyées aux assises. J’ai démontré qu’il avait pas de charges qu’on pouvait retenir contre eux ».

Me Monneris, avocat de Chérif, demande alors si Yves Jannier a trouvé que l’audition des enfants s’est passée normalement, mais le magistrat refuse de répondre. Selon lui cependant, « les débats se sont déroulés de la façon la plus complète et la plus apaisée possible », ce qui est loin d’être l’avis des enfants.

Vient alors Me Berton, avocat de Daniel Legrand, qui lui demande s’il est « un magistrat partisan », et déclare qu’Yves Jannier n’a jamais demandé à un enfant s’il était violé par un extra terrestre. Il a joute que els avocats étaient présents et qu’ils auraient réagi si cela avit été le cas.

Yves Jannier considère aussi que que les faits reprochés à Legrand sont « globalement la même enveloppe de faits » que lors des procès où il était jugé pour des faits qu’il n’a donc pas commis (il a été acquitté) quand il était majeur.

Enfin, selon Yves Jannier, « les éléments à charge ont disparu au fil de la procédure ».

9. Karine Duchochois

« Je trouve que ce procès ne devrait pas avoir lieu », dit-elle d’emblée, « J’ai été pris dans cette affaire par malchance : j’étais voisine de Myriam Badaoui »

Elle dit qu’elle a été arrêtée « deux ans après avoir quitté Outreau ».

« Pour moi l’affaire Outreau c’est un jeu maléfique entre Myriam Badaoui et le juge Burgaud », explique-t-elle, tentant d’enfoncer encore le clou qsur le juge, elle qui n’a jamais fait de prison dans cette affaire. « Aurélie Grenon a été remise en liberté parce qu’elle a avoué, et Myriam Badaoui a cru qu’elle pourrait faire la même chose », et elle pense avoir été balancée par Grenon suite à une dispute entre elles, parce que Grenon aurait dragué son copain, David Brunet.

Puis elle revient sur le juge Burgaud : « c’est M Burgaud qui a donné des noms lui-même de personnes qui n’étaient pas citées par Myriam Badaoui », ce qui est une accusation aussi grave que fausse, d’après ce qui a été dit par le greffier du juge. Elle qualifie Burgaud de « complètement fermé », qui « n’écoutait pas ». Elle estime qu’elle aurait pu être remise en liberté (elle n’a pas fait de préventive) dès la confrontation avec Badaoui car celle-ci a donné des dates pour les faits qui ne collaient pas, selon elle : « à ces dates je n’habitais plus à la tour du Renard ». Selon Duchochoix, le juge Burgaud a refusé de faire acter les dates données par Badaoui. En outre, David Delplanque avait déclaré lors de cette confrontation qu’elle n’était pas là lors des viols.

Mais Duchochois explique qu’à ce moment, le juge Burgaud a « tapé du poing sur la table » et « crié » à Delplanque « si vous mentez vous allez prendre 10 ans de plus ».

Puis elle tente un peu de compassion envers le victimes : « je comprends ces enfants. Ils ont un peu de mal avec le fait qu’on dise que c’est des menteurs. Mais ils ont menti, il faut qu’ils l’admettent (…) Daniel Legrand, ils ne l’ont jamais accusé à l’époque. Moi, je pense qu’il y a autre chose »

Sous-entendu : ils ont été manipulés.

Interrogée par les avocats de la défense, Karine Duchochois explique qu’elle consommait du cannabis, qu’elle achetait dans l’immeuble.

Selon elle, il n’y avait pas beaucoup de passage chez les Delay. C’est d’ailleurs la version qui a été donnée par Dominique Wiel, également voisin, mais pas par le couple Grenon Delplanque.

Elle explique qu’elle n’a « jamais vu Daniel Legrand à la tour du Renard », contrairement, donc, à Pierre Martel qui l’a formellement reconnu (avant de se rétracter).

Manifestement perturbée par les questions des avocats de la défense, le témoin s’emporte et se met même à crier et à couper la parole aux avocats, voulant expliquer à la cour comment, selon elle, « Dany legrand » est arrivé dans le dossier. Car elle insiste pour dire que « sur la liste [de Dimitri, rédigée par Mme Bernard] il n’y a jamais eu de Daniel Legrand »

Elle nie qu’il y avait un point de vente de drogue dans l’immeuble, alors que plusieurs personnes, dont Dany Camporini et son ex, ont parlé.

Elle se plaint même, en pleurant, que son fils est « détruit » à cause de cette affaire, parce qu’il a été placé quand tout a éclaté. C’est un mensonge : son fils lui a été retiré quand elle a eu des problèmes avec la justice pour des histoires de stupéfiants, juste avant que l’affaire d’Outreau ne démarre.

10. Thierry Dausque

Lui non plus ne connaît pas Daniel Legrand. Il ne connaissait pas les enfants Delay.

« Je n’ai jamais fait toutes ces monstruosités-là », dit-il.

Il ne serait allé que « deux, trois fois » chez les Delay, n’a rien vu de bizarre, à part que Delay était violent avec Badaoui. Depuis 1998, il n’habitait plus dans le quartier.

Encore une audition qui a juste servi à nous faire perdre du temps car on n’a toujours pas parlé de Daniel Legrand.

11. Franck Lavier

Lui non plus ne connaissait pas Daniel Legrand.

Lors d’une audition, il avait dit « moi j’ai rien fait mais j’ai regardé », et il avait décrit une scène de partouze entre adultes, et une scène où il aurait vu Delay qui venait de violer un des fils avec un camion de pompiers.

Il dit qu’il a inventé : « j’ai dit ça parce que je voulais sauver ma femme et mes gosses (…) il fallait bien que je dise des trucs », dit le grand type dégarni, calme, habitué à répéter sa petite chanson.

On lui lit ses déclarations, et il explique : « j’ai inventé et j’ai du rendre ça crédible pour sauver ma femme et mes enfants ». Un héros, quoi.

De faux aveux répétés deux fois au juge Burgaud.

On lui fait remarquer que les déclarations de Badaoui, Grenon et Delplanque à son sujet sont concordantes, on rappelle qu’il a quand-même pris six ans à Saint-Omer, et a fait 36 mois de prison au total.

« Tous les jours quand je me couche je repense à l’affaire », dit-il.

On lui parle de la fille aînée de Sandrine Lavier, qu’on va a appeler ici Aurélie. Elle avait décrit des coups donnés par Lavier, des punitions, des heures durant, des faits très proches de ceux pour lesquels le couple Lavier a été condamné en 2012 pour « maltraitances habituelles » sur leurs deux plus jeunes enfants. A ce procès, une vidéo de corruption de mineurs a été diffusée, mais plusieurs vidéos de ce type avaient été retrouvées dans l’ordinateur familial.

D’ailleurs, me Reviron avait demandé que ce dossier soit joint à l’affaire mais cela a été refusé.

Le 28 janvier 2002, Aurélie avait écrit : « il avait laissé la culotte pleine de pisse à [sa sœur]. Le matin il lui a mis une claque ». Il s’agit bien des méthodes éducatives de lavier, qui va même s’en vanter devant le tribunal. Mais là, il dit qu’Aurélie a menti.

On évoque A., la sœur d’Aurélie, qui a été reconnue comme victime à Paris, et à cela Lavier répond : « elle est pas victime ». Lui et Sandrine Lavier sont donc en train de nier le statut de victime de leur fille, qu’ils disent n’avoir jamais revue, ce qui peut se comprendre vu le déni dans lequel est enfermé ce couple, ne serait-ce qu’au niveau des maltraitances.

A a été placée suite à l’affaire. « On a essayé de faire des visites », explique le témoin, mais cela n’a pas marché.

Me Guréin, avocate d’Enfance Majuscule, intervient : « Vous avez dit que vos enfants sont perturbés et que vous avez du les faire rentrer dans le rang ». La réponse de Lavier vaut des points :  » entre ça et une thérapie qui dure 20 ans… » il a choisi la méthode forte. Et il en est fier, bien qu’il ait été condamné pour cela en 2012.

Puis Me Berton ressort une lettre d’insultes écrite par lavier à badaoui, dans laquelle il la critique pour avoir violé ses enfants. Là encore, cela n’apporte rien à l’affaire concernant Legrand.

« Maintenant je suis un père normal » dit Lavier.

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