Outreau une Mise au Point Outreau 3 (Jour 10) Compte-Rendu de l’Audience du Mardi 2 Juin 2015

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1. Daniel Legrand

Ce mardi matin, après la mini conférence de presse des avocats de la défense, la matinée a démarré avec l’audition de Daniel Legrand, qui devait cette répondre aux questions des avocats.

C’est Me Reviron qui commence, et l’interroge sur sa garde à vue, où il dit qu’on lui a « mis la pression », alors que le policier Bollard, qui a témoigné quelques jours plus tôt a bien expliqué qu’il avait eu beaucoup de sympathie pour ce jeune type.

Legrand dit quand-même qu’on lui a mis une giffle parce qu’il donnait des coups de pied à la porte de sa cellule.

Me Reviron lui demande si ses auditions « étaient conformes » à ce qu’il avait dit, mais il ne se rappelle plus trop. On évoque ensuite la confrontation avec Pierre Martel, le chauffeur de taxi qui l’a reconnu et dit qu’il l’avait déjà pris à la Tour du Renard, avec Badaoui ou peut-être Monique F.

Legrand explique que Martel « croyait » l’avoir vu, ce qui n’est pas vrai: il l’a formellement identifié lors d’une confrontation, avant de se rétracter. Me Reviron rappelle que Martel était sûr de lui, qu’il a l’a pris moins de trois fois, « toujours avec des gens de la tour du Renard ».

Or, Legrand avait dit qu’il n’allait jamais à Outreau. Lors de son audition chez le juge, durant sa garde-à-vue, il dit qu’il est innocent et il est mis en examen.

On le questionne sur son audition devant la chambre d’instuction, mais il ne se rappelle plus. Daniel Legrand, en effet, ne se rappele plus de grand chose.

Le 17 décembre a eu lieu une confrontation avec Badaoui, Grenon, et Delplanque, et Legrand dit que celle-ci s’est passée « normalement ». Badaoui a fait pas mal de déclarations, mais Legrand a nié.

Puis, Legrand veut parler et le juge le voit en urgence. « J’avais pas l’impression que mon avocat faisait quelque chose, j’ai commencé à dire n’importe quoi ». A ce moment, Daniel Legrand est donc au courant de ce qu’ont dit Badaoui et le juge, c’est tout.

Il explique qu’il a aussi lu le journal Détective, qui a parlé de l’affaire, et disait qu’il était impliqué. « Je comprenais rien, ‘jai essayé de m’informer de quoi qu’on m’accusait et quoi on accusait mon père », a-t-il dit.

Legrand a expliqué dans son livre qu’il avait appris par coeur l’article de Détective pour inventer toute l’histoire du meurtre.

Me Reviron souligne que « beaucoup de choses sont fausses dans cet article »:

> On parle d’un sex shop à Ostende, or il n’en a pas été question, du moins pour la justice.

> On dit qu’on a retrouvé des cassettes vidéos « abominables », ce qui n’est pas le cas: on n’a retrouvé aucune de ces cassettes, bien que plusieurs adultes et enfants aient parlé de films tournés lors des « orgies ».

> On dit aussi que c’est à cause de ces cassettes que Grenon et Badaoui ont avoué, ce qui n’était pas le cas.

Me Reviron demande aussi à Legrand si un codétenu lui a conseillé de faire des aveux. L’accusé explique: « j’étais perdu et j’ai demandé conseil aux autres détenus ». L’avocat souligne alors qu’il est étonnant d’avoue faussement un viol quand on est détenu, alors que les pointeurs sont très mal vus en prison.

On en arrive alors à l’affaire de la petite fille tuée, dont Legrand a été le premier à parler.

Il a écrit une lettre à France 3 et au juge Burgaud, qui l’a reçue le jour où France 3 en a parlé. Il est donc convoqué chez le juge Burgaud. « J’improvise, j’invente, j’ai donné des détails imaginaires », explique Legrand qui, en effet, a donné moult détails.

Il a cité Myriam Badaoui, David Delplanque, puis dit qu’il est d’accord pour reconnaître les autres sur photo, ainsi que les enfants victimes.

Mais ensuite, Legrand a dit qu’il a accusé des innocents. « Le juge me présentait des photos et me demandait si la personne avait fait quelque chose », et il a donc inventé des histoires. Ceci, alors qu’il avait dit le vendredi précédent qu’il savait très bien que ça ne le ferait pas sortir de prison.

Il explique qu’il était « écoeuré » qu’Aurélie Grenon soit sortie de prison malgré ce qu’elle avait avoué, et qu’il voulait qu’elle y retourne.

Contrairement à ce que disait l’article de Détective, Legrand a dit que personne ne lui avait parlé de cassettes vidéos. Il ne l’a donc pas tellement appris par coeur, cet article.

Là, les avocats de la défense font un mini scandale, et ils tentent de faire cesser les questions au sujet de ses aveux. « Je sais plus je suis perdu », dit encore Daniel Legrand, qui perd vite la mémoire quand on lui demande des choses un peu plus précises que « j’ai inventé ».

Puis il tente d’expliquer: « J’ai surement du avoir des informations », pour justifier d’avoir donné des détails si précis.

Il dit qu’il a « inventé » pour toutes les personnes qu’il a désignées comme agresseurs, notamment Jean-Marc l’handicapé dont il précise, comme l’ont dit plusieurs enfants, qu’il était « agressif et violent », ou Sandrine Lavier dont il a dit qu’elle venait avec deux filles: « j’ai du en entendre parler pendant l’instruction (…) J’ai inventé », répond Legrand. Les deux filles qu’il identifie comme venant avec Sandrine Lavier étaient bien ses filles, et elles ont été reconnues victimes. Encore une fois, en plus d’être un menteur,Daniel Legrand serait extralucide pour deviner ce genre de choses.

Il « ne sait plus » comment il a fait pour tomber juste sur les trois.

A ce stade de l’audience, beaucoup d’entre nous sont interloqués par une des assesseuses, qui fait partie du jury et est censée rester neutre, qui affiche un large sourire narquoi et passe son temps à chercher du regard les avocats de la défense.

« Quand j’ai menti, j’essayais de bien mentir », dit Daniel Legrand, et il est clair qu’il donne pas mal de précisions sur les gens qu’il met en cause.

Il donne aussi plus de 50 lignes de détails sur le meurtre de la petite fille, qu’il donne spontanément.

Dans cette audition au sujet de la petite fille, il parle de « thierry et Myriam » qui revenaient de Belgique, de cette fillette amenée chez eux par « un vieux moniseur », grand, un peu dégarni, sans barbe ni moustache, d’une fillette brune de 5 ou 6 ans, habillée d’un pyjama bleu ciel, avec une culotte blanche.

Legrand a précisé que la petite fille a saigné quand le vieux monsieur l’a pénétrée, que des amis de Thierry Delay étaient présents, ainsi que des enfants, que Thierry Delay et le monsieur sont arrivés dans un break immatriculé en Belgique. Le vieux aussi a violé le petite pendant que Delay filmait, la petite hurlait, Delay l’a frappée. Elle a signé de la tête puis est elle est morte.

Ensuite, Delay s’est énervé sur tout le monde et sur le vieux monsieur aussi, il a menacé et dit de ne rien dire, a débobiné la cassette et fait disparaitre le corps, enveloppé dans un « truc rouge ». Il situe ce meurtre fin 1999.

« Je ne dors plus à ma conscience tranquille », avait dit Daniel Legrand.

Le même jour, Myriam Badaoui, à qui on a seulement lu une lettre succincte dans laquelle Legrand a évoqué le meurtre, se met à parler à son tour.

Elle confirme que c’est la vérité et dit que s’il n’avait rien dit, elle ne parlerait pas non plus. Elle a dit qu’un monsieur belge et Thierry Delay ont ramené une petite fille, qu’elle décrit brune, bronzée, avec un jogging bleu, des chaussures rouges?

Elle dit que la petite a joué avec ses fils dans une chambre, avant le viol et le meurtre, ce qui a été confirmé par Jonathan qui ne pouvait pas savoir ce qu’avait dit sa mère.

Badaoui aussi raconte que Thierry a violé la petite, qu’il l’a frappée parce qu’elle résistait, qu’elle a été violée par Delay et le type belge, qu’elle saignait au niveau du sexe, que Delay lui a donné des coups de pied, qu’il a menacé tout le monde. Badaoui précise que la fillette crachait du sang par le nez et par la bouche. Badaoui dit qu’elle a voulu appeler le Dr Leclercq mais Delay a refusé, puis que l’enfant a été emballée dans un drap rose, et que Delay, le belge et un troisième homme sont allés l’enterrer plus loin.

Badaoui situe elle aussi fait en 1999.

On demande à Legrand pourquoi il y a autant de détails similaires dans entre ses déclarations et celles de Badaoui, et Legrand nous explique: « Il ont du lui donner ma déposition c’est sûr car c’est une invention ».

« Je voulais enfoncer Myriam Badaoui ». Legrand est donc un étrange stratège, à avouer avoir lui-même commis des viols pour enfoncer Aurélie Grenon, et sa présence lors du meurtre d’une fillette pour enfoncer Myriam Badaoui.

Me Revrion lui fait remarquer que s’il a avoué pour prouver que Badaoui mentait, c’était inutile car quelle que soit la réaction de Badaoui, cela ne prouvait rien.

Legrand maintient qu’on a du lire ses déclarations à Badaoui. Mais cela ne colle pas du tout avec ce qu’a dit le greffier du juge Burgaud, ni le juge Burgaud qu’on voit mal créer des éléments de preuve de toute pièces, pour étoffer un dossier déjà bien épais.

C’est alors qu’Hubert Delarue se met à crier que Legrand n’a pas été mis en examen pour le meurtre, puis tous les avocats de la défense se mettent à parler en même temps. Soudain, ils veulent rester dans le cadre du débat, eux qui ont demandé à ce que tous les acquittés viennent nous parler de leur « calvaire » et dire qu’ils ne conaissaient pas Legrand. Là non plus, on n’a pas du tout avancé dans les débats.

Me Reviron en vient alors aux rétractations de Legrand, qui viennent assez tardivement.

Car, le 15 janvier il est confronté à Dominique Wiel qu’il exonère, mais lui-même ne dit pas qu’il est innocent. Il accuse aussi encore Thirry Delay, qui a pourtant toujours nié les faits. Comment Legrand pouvait-il le savoir coupable, alors?

QUelques jours plus tard il innocente Pierre Martel, et explique que Delay et Badaoui lui ont dit d’accuser Wiel et Martel (alors que Delay ne les accusait pas, ce qui est illogique).

On se rappelle qu’surveillant pénitentiaire est venu témoigner pour dire qu’il a vu Legrand au retour d’une visite au tribunal, et que Legrand lui avait dit qu’il était innocent et avait tout inventé pour se rapprocher de sa famille.

Ce jour-là, Legrand revenait d’une audience à la chambre d’instruction. Et au lieu de dire qu’il était innocent, il a encore une fois avoué les mêmes faits, toujours avec force détails. Les magistrats, en tout cas, l’ont trouvé très convaincant.

Daniel Legrand parle ensuite à l’expert psychologue qui l’expertise.

« Je vous ai donné de la véracité dans mes mensonges », a déclaré Legrand, toujours empêtré dans les explications sur ses aveux et rétractations.

Me Guérin, avocate d’Enfance Majuscule, fait le parallèle entre Legrand et les frères Delay, mais Legrand nie avaoir jamais été victime d’abus sexuels.

Elle lui demande s’il a eu un suivi psychologique. Il répond qu’il ne voyait pas assez son psy « une fois tous les deux ou trois mois. J’aurais du le voir toutes les semaines. Ca m’aurait surement évité de tomber dans la drogue ».

Durant tous ces débats, l’assesseure à la gauche du président a continué à bailler à s’en décrocher la mâchoire et à afficher le même sourire narquois.

C’est au tour de l’avocat général, qui tente de sortir Legrand d’affaire, mais il éprouve quelques difficultés. Il tente de faire dire à Daniel Legrand que le juge Burgaud est devenu méchant après ses rétractations. Daniel Legrand met un peu de temps à comprendre mais il finit par répondre dans le sens de ‘lavocat général.

Les avocats de la défense demande à l’accusé « vous réalisez que vous mettre en cause, c’est aussi mettre en cause votre père ». Daniel Legrand réagit vite cette fois-ci et embraie sur son père « qui n’est plus là pour se défendre ».

Puis c’est le quart d’heure émotion avec Me Vigier, « fallait qu’on mette nos pantoufles à la maison, c’était comme ça fallait être droit », raconte Legrand.

« Il regardait les infos le soir… » continue Vigier, parti sur sa lancée.

Puis hubert Delarue fait dire à Legrand que « le juge il me désignait [les gens sur les photos] avec le doigt ».

2. Jean-Jacques Zirnhelt

Retraité depuis 2011, M. Zirnheit, procureur à Saint-Omer en 2005, est le maistrat qui a décidé de ne pas audiencer le procès de Daniel Legrand pour les faits commis lorsqu’il était mineur.

Lors d’une réunion avec plusieurs des avocats des accusés d’Outreau qui portait sur un dossier connexe, M. Zirnhelt leur a fait « la promesse » (cf. Eric Dupond Moretti) que le procès n’aurait pas lieu.

« J’ai réuni dans mon cabinet les avocats du dossier (…). J’ai abordé le problème du dossier de Daniel Legrand en expliquant que compte tenu des circonstances », il était plus sage, finalement, de ne pas audiencer le procès. Selon lui, c’était mieux pour les enfants qui venaient de subir deux procès.

« J’ai dit que je n’avais pas l’intention d’audiencer le procès », nous a expliqué M. Zirnhelt, qui « ne pense pas que les avocats des mineurs étaient présents ».

Interrogé par Me Reviron, Jean-Jacques Zirnhelt admet qu’il n’a « jamais eu à prendre une telle décision », il est vrai tout à fait exceptionnelle, et heureusement. On imagine mal que des magistrats puissent décider d’un coup qu’un procès qui doit avoir lieu ne soit jamais mis à l’agenda, en fonction de critères totalement obscurs.

Me Reviron s’étonne aussi que le magistrat n’ait pas prévenu les avocats des parties civiles.

On lui demande si sa hiérarchie était au courant, il dit « je pense », mais il ne se rappelle pas d’une éventuelle réaction de ladite hiérarchie.

Me Reviron rappelle qu’au moment où M. Zirnhelt a décidé de ne pas audiencer le procès de Daniel Legrand, on venait d’apprendre que la fille de François Mourmand avait parlé d’agressions sexuelles de la part de son père et de son oncle, et celle-ci avait des traces de défloration.

En juillet 2002, cette victime avait rapporté, dans le cadre de l’instruction d’Outreau, des propos tenus pas son père, qui lui a dit en remontant dans le camion où elle l’attentdait en bas de la tour du Renard, qu’une petite fille venait d’être tuée.

Mais en 2006 une expertise considère le « caractère contestable des déclarations de cette enfant » malgré des « traces anciennes de défloration ». Toutefois, ce médecin préconise de procéder à de nouveaux examens et le procureur général de Douai se dit d’accord pour ouvrir une information judiciaire délocalisée à ce sujet.

Me Reviron lui demande si cela a été fait, mais M. Zirnhelt n’en a « aucun souvenir ».

Me Reviron continue: « cette décision est totalement liée à l’atmosphère de l’époque », puis les avocats de la défense commencent à faire le cirque quand Me Reviron commence à parler d’ « accord secrtet » entre le parquet et la défénse au sujet de ce non audiencement.

On apprend aussi que M. Zirnhelt n’a même pas évalué les charges qui pesaient sur Daniel Legrand avant de ne pas audiencer le dossier.

Le magistrat explique qu’il n’a pas reçu de refus formel pour refuser le non audiencement du procès. Il rappelle que le responsable des mineurs concernés était le conseil général.

On apprend aussi que M. Zirnhelt n’a jamais demandé à sa hiérarchie ce qu’il fallait faire. Il dit qu’il a pris cette décision tout seul.

Il n’a pas repensé à cette décision durant les années suivantes, même quand l’affaire d’Outreau est revenue dans l’actualité, à diverses occasions.

Il y avait aussi l’affaire Danger Vandevelde. De quoi s’inquiéter qu’une partie des faits concernant ce quartier d’outreau ne soient pas examinés par un tribunal.


3. Roselyne Godard

En début d’après-midi, c’est Roselyne Godard qui témoigne, par visioconférence.

Elle non plus ne connaissait pas Daniel Legrand, si bien qu’on comprend qu’on va encore passer une heure à faire le procès du juge Burgaud.

« Depuis que je sais que je dois venir témoigner, c’est un afflux de souvenirs et de cauchemards », commence par dire celle qu’on a appelée la boulangère « ce jeune homme est innocent. Ca aurait pu être moi. On a l’impression d’un acharnement sur lui, sur nous par ricochet ».

Le président l’interroge sur ses liens avec le couple Delay-Badaoui. « Elle était une clinete. Je vendais de la confiserie et j’ajoutais du pain. Ils venaient à mon véhicule. J’ai aussi eu l’occasion de leur faire crédit (…) je me rendais chez eux pour récupérer l’argent qu’ils me devaient ».

De fait, en quelques mois d’activité, de nombreuses personnes lui devaient de grosses sommes, et son déficit s’est élevée à plus de 25.000F. Son mari, lui, avait parlé d’un déficit de 300.000 F.

On lui demande ensuite comment elle a vécu sa mise en examen, une question qui n’apporte strictement rien au débat concernant Daniel Legrand, mais on n’est déjà plus à cela près dans ce procès. « Je pensais qu’ils allaient bien se rendre compte que je n’avais rien à voir dans cette affaire-là », répond Roselyne Godard.

Quand elle a été libérée en conditionnelle, elle dit qu’elle a cru que c’était fini, mais elle a été renvoyée au tribunal, où elle a été acquittée. « C’est une histoire de fous », dit-elle en pleurant.

On lui demande ensuite comment elle vécu l’audience de Saint-Omer et les accusations de Myriam Badaoui (sauf que Badaoui n’a pas été la seule à l’accuser. Plusieurs enfants ont parlé d’elle aussi). La boulangère continue à pleurer et raconte à quel point cela a été difficile, surtout qu’elle a toujours aidé Myriam Badaoui pour l’amener voir Chérif à Samer où il était en famille d’accueil. Elle l’a aussi emmenée faire ses courses, qu’elle payait parfois elle-même d’ailleurs.

Elle a ensuite été citée comme témoin à la cour d’assises de Paris où elle a tenu à « accompagner » les six qui avaient été condamnés en première instance et qui avaient fait appel, elle leur a même créé un comité de soutien.

Pour elle, la décision de Saint-Omer a été « une lotterie »: « je ne comprends pas pourquoi ils ont été mis en cause », dit-elle en parlant des six futurs acquittés.

Elle raconte ensuite son parcours après son acquittement. De 2006 à 2009 elle s’est inscrite à la fac de droit à Lille « pour aider les victimes » d’erreurs judiciaires. Elle a aussi beaucoup aprlé de l’affaire d’Outreau: « j’ai accepté toutes les demandes de témoignages et conférences ». Mais en 2009 elle s’est cassé les deux bras et a du interrompre ses études.

Son mari, lui aussi mis en cause durant l’instruction, est décédé en 2009, ce que leur fille ‘naurait pas supporté, si bien que Roselyne Godard s’est consacrée à sa fille et à ses petits enfants. « Je n’ai plus d’activité. Je n’ai plus de vie sociale. Je ne veux pas qu’on diffuse mon image. Aujourd’hui je veux rester anonyme, l’anonymat c’est précieux », lâche-t-elle, toute chamboulée.
« Je me réveille la nuit encore et encore », « ça a brisé ma famille », dit-elle encore. A l’entendre, on se demande comment peuvent se passer les nutis des enfants reconnus victimes, si le fait d’être impliqué dans une procédure est déjà aussi traumaisant.

Léon Lef Forster, avocat de Chérif, lui demande si elle était au courant des abus commis par les parents Delay. Elle répond qu’elle n’en savait rien, sinon elle l’aurait dénoncé.

« Je ne connaissais pas Daniel Legrand ni son existence. Je l’ai su après avoir été arrêtée », précise encore Mme Godard, « J’ai appris qu’il avait parlé du meurtre et je me suis dit au moins lui il essaie de prouver que Myriam Badaoui elle ment »..

4. Alain Marécaux

L’acquitté s’est mis à pleurer dès le début de son audition, et on sent qu’on est partis pour de longues minutes de gérémiades. Tous les jours il pense à Outreau. Il est même allé à l’enterrement de sa mère menotté. « Daniel Legrand est innocent et c’est flagrant », assure l’huissier qui a été grassement dédommagé après son acquittement.

Puis Maracaux en vient à taper encore une fois sur « le couple Myriam Badaoui et Fabrice Burgaud ».

L’avocat général rappelle qu’il a été condamné en première instance pour des agressions sexuelles sur son fils, mais il tient à dire, on ne sait pourquoi, qu’il s’agit de fausses accusations. Alors que Marécaux lui-même a avoué à son fils durant l’audience : « je suis coupable mais à cette époque je ne savais plus où j’en étais ».

Marécaux embraie: « mes enfants ne vont pas bien. Je n’ai plus de contact avec ma fille (depuis le procès), mon fils on l’a arrêté, il avait 13 ans et demi. On me ‘la rendu à 17 ans, il connaissait le juge des enfants, il était cassé, détruit. Mon deuxième fils est allé de famille d’accueil en famille d’accueil. Ils ne travaillent pas, n’ont pas de diplôme et mon aîné se contente du RSA ».

L’avocat général revient encore une fois avec sa théorie bidon des faux souvenirs et se transforme en expert psychiatre: « les enfants chez qui on créé de fausses allégations c’est presque comme s’ils avaient subi les faits ».

Alain Marécaux explique qu’il connaissait le coupe L, car ils faisait du tennis avec mme L. venue témoigner quelques jours plus tôt. Mais lui a beaucoup de moins de souvenirs du couple L. que le couple L. n’en a des Marécaux.

Hubert Delarue, avocat de Legrand, vient ensuite nous expliquer que le discours du fils de Marécaux a été « contaminé », qu’il « a été manipulé »; et que les enfants mentent.

Marécaux termine par évoquer Aurélie Grenon, libérée alors qu’elle avait avoué.

5. Odile Polvèche

L’ex épouse Marécaux tremble énormément dès son arrivée dans la salle, elle doit se cramponner au pupitre. Elle est aujourd’hui infirmière scolaire.

Elle non plus ne connait pas Daniel Legrand.

« Je ne remets pas en cause la parole des enfants mais je pense qu’ils se trompent de cible. Ils devraient passer à autre chose », dit-elle d’emblée.

« Daniel legrand, je l’ai connu plein de vie, là il est sous traitement et je devine la détresse dans laquelle il est », puis elle craque, tremble encore plus et dit en criant que « c’est une honte de nous faire venir ici… Je ne peux plus là je craque, et c’est pas normal ».

S’ensuit un débat sur qui a fait venir Odile Polvèche. Il s’avère qu’elle était sur la liste de la défense m’ais n’a pas été appelée, et Me Reviron l’a signalé pensant que c’était un oubli, si bien que l’avocat général l’a finalement appelée.

Le témoin continue « J’ai une petite de 8 ans et elle sait rien et je vais lui dire quoi? », puis elle se tourne vers Daniel Legrand « c’est pas normal Daniel qu’on t’ait mis mà, c’est dégeulasse ».

Elle parle ensuite de ses enfants, dont a déjà parlé son ex mari. « Mes enfants tout le monde s’en est lavé les mains. On a du se battre pour qu’ils reviennent ».

6. Dominique Wiel

Ensuite, on doit écouter Dominique Wiel. Un interminable après-midi à entendre les complaintes des acquittés, à ne pas parler de Daniel Legrand et à refaire le procès d’Outreau. Mais Wiel nous a surpris, revenant sur ses propos quand il a traité les enfants de menteurs et dit que les 4 coupables étaient innocents.

Il ne connaissait pas Daniel Legrand mais a connu les enfants Delay quand ils étaient enfants.

« Je suis désolé de ce qu’il se passe pour Daniel Legrand. Je suis désolé pour les enfants de Thierry Delay et Myriam Badaoui. Je n’ai pas de raison de mettre en doute la sincérité de leur parole », commence par déclarer l’ancien curé, qui se demande « comment définir la part de la vérité, de ce qu’il s’est vraiment passé ».

Puis il suggère à la cour de « relire le compte rendu qu’ont fait les policiers » de la PJ de Lille.

On lui demande si Legrand a été vu à la tour du Renard, il dit que non et ‘na rien d’autre à dire.

On revient ensuite sur sa garde-à-vue en novembre 2001, suivie d’une mise en examan. Le président lui demande quel était son état d’esprti pendant l’instruction, mais Wiel se bloque, on dirait qu’il pense qu’il y a un piège dans la question, ce qui n’est pas du tout le cas, bien au contraire, cette question est totalement complaisante.

Wiel répond: « je ne vois pas ce que cela apporte », et demande « je suis un peu surpris, est-ce qu’on est là pour refaire le procès d’Outreau? ». Nous, on se pose la même question depuis des jours, et on est étonnés que ce soit Wiel qui mette les pieds dans le plat.

Mais il a tout à fait raison, on est davantage en train de refaire le procès d’Outreau que d’évaluer les charges pesant sur Daniel Legrand.

L’ancien curé demande ensuite si le tribunal a « trouvé des faits » concernant Legrand, puis il se met lui aussi à critiquer le travail du juge Burgaud, expliquant qu’il a commis des fautes, notamment de ne pas faire de confrontations deux par deux. Il dit que s’il avait eu Myriam Badaoui en face il est sûr qu’elle n’aurait pas maintenu ses accusations.

Wiel est toujours hésitant, mais dit qu’il venait chez les Delay pour parler jardinage (en effet il avait dégotté une parcelle à Delay qui n’y connaissait rien), et il était leur voisin.

Wiel explique que le juge Burgaud a refusé de lire les cinq lettres que Badaoui lui avaient envoyées depuis la prison, et qui ont pourtant été saisies durant la garde-à-vue de Wiel et jointes au dossier.

Il s’est demandé comment les policiers ont pu aller directement vers ces lettres, lors de la perquisition, et dit qu’il pense qu’ils sont venus la veille quand il n’était pas là.

Dans ces lettres, Wiel explique que Badaoui lui demandait de surveiller l’appartement, qui a été vidité dès le lendemain par les gosses du quartier, ou de prendre le courrier.

Me Reviron, l’avocat de Jonathan, revient sur la lettre ouverte que Wiel avait adressée aux enfants Delay, juste après le procès en appel. Dans cette lettre il avait écrit: « Je n’ai jamais cru un mot de vos salades. Je n’ai jamais cru ni à la réalité des viols et ni à la culpabilité de vos parents ».

Mais aujourd’hui, Wiel est moins sûr. Il dit qu’aujourd’hui il se pose des questions.

Il maintient que les Delay étaient « très isolés », ce qui n’était pas l’avis de tout le monde.

Un peu plus tard, alors qu’il est interrogé par Me Monneris, avocat de Chérif et Dimitri, Wiel revient sur cet étrange procès: « Ce qui me gêne, Monsieur le président, c’est qu’on est en train de refaire le procès d’Outreau.Est-ce que c’est le procès de Daniel Legrand ou est-ce qu’on refait Outreau? ».

Mais, pas plus que nous il n’aura de réponse.

On lui demande encore s’il n’a jamais rien constaté d’anormal chez les enfants, aucune trace de coup, mais non Wiel ‘na jamais rien vu.

Me Lef Forster, avocat de Chérif, lui demande: « Est-ce que des choses qui se passaient chez les Delay auraient pu vous échapper? », mais Wiel est catégorique, c’est « non ».

Puis Me Guérin, avocate d’Enfance Majuscule, lui demande s’il se pose des questions au sujet des enfants. Apparemment oui, il se demande s’ils sont « sincères », et trouve « ça pose des questions au sujet de la fabulation des enfants ». « Par exemple quand ils voient celui qui était handicapé ce qui était matériellement impossible, comment est-ce que c’est possible? », demande-t-il. C’est sûr que posée ainsi, la question semble insoluble.

Puis Wiel raconte qu’il a eu un « souvenir très désagréable de l’audience » à Paris, « de la manière dont ça s’est passé avec les enfants ». Il explique; « Je vois par exemple l’aîné qui ne sait pas quoi faire de son corps, qui était debout, il a 15-16 an. Il répond par des oui, par des nons. Il n’arrive pas à s’exprimer. Les petts ils sont l’un à côté de l’autre, ils regardaient leur mère, Myriam badaoui ».

Il a aussi déclaré que « les enfants n’ont pas été respectés, on s’est adresé à eux avec des mots d’adulte ».

Si même Dominique Wiel trouve « désagréable » la manière dont on a traité les enfants à Paris, on peut s’étonner que les avocats de la défense estiment que tout s’est déroulé parfaietement bien, normalement et dans le respect des victimes présumées.

Wiel explique aussi qu’on avait réaménagé la salle pour le procès, mais pas correctement. Il explique que les accusés étaient assis avec leurs avocats sur les premiers rangs.

Puis Me Delarue lui dit, « vous avez raison, c’est le procès de Daniel legrand

- Oui mais on finit par l’oublier, répond Wiel.

Delarue parle ensuite du « petit Daniel », du « ptcho Daniel »…

Il revient ensuite sur Jean-Marc, ‘lhandicapé. Me Delarue avait fait citer sa mère mais elle ne pouvait pas venir.

Wiel raconte que quand sa mère travaillait, elle laissait Jean-Marc dehors (alors qu’on dit qu’il était incapable de se déplacer), afin qu’il se socialise.

A l’époque des faits, Jean-Marc « tombait tous les trois mètres s’il marchait », nous dit Wiel, qui précise que depuis il a fait des progrès mais qu’à ce moment-là il ne pouvait pas monter un seul étage.

Wiel raconte que la journée, Jean-Marc se mettait au pied de l’escalier et il ne bougeait plus. Il demandait des cigarettes aux gens qui passaient, pour nouer le contact.

On l’interroge sur les accusations de Legrand à son encontre, mais Wiel a oublié. A ce moment, Legrand dort, avachi dans son box.

A chaque blague de Wiel, les journalistes rigolent, comme s’ils étaient au spectacle. Wiel conclut en disant qu’il y a un « acharnement » contre Legrand.

Mais c’est me Vigier qui aura le dernier mot, disant à Wiel « vous avez un sens critique extraordinaire », « en quelque sorte vous avez souffert pour ces gamins », puis « c’est une formidable leçon que vous donnez à certains ici présents ».

7. Pierre Martel

Le chauffeur de taxi lui non plus ne connait pas Daniel Legrand. Il emmenait par contre des gens du quartier dans son taxi, dont la famille Delay, dans différents magasins du coin, au début de mois quand les allocations tombaient.

Il a été mis en garde-à-vue puis en examen en novembre 2001.

On évoque tout de suite ce témoignage dans lequel il dit reconnaitre Daniel legrand fils pour ‘lavoir transporté plusieurs fois dans son taxi, à la tour du Renard, des propos confirmés lors de la confrontation qui a suivi avec Daniel Legrand.

Martel dit qu’ila « pensé » reconnaître Legrand, qu’il l’avait « peut-être » pris dans son taxi. « Le policier m’a dit c’est oui ou c’est non alors j’ai dit oui », explique le témoi, « pour moi j’ai pu le confondre avec le fils d’une client, mais on a refusé de modifier ma déclaration »..

Pourtant, Martel avait même précisé que Legrand n’était pas seul dans le taxi, précisant qu’il ‘lavait pris avecd es enfants, et Badaoui ou Monique F.

Me Lef Forster lui parle alors de la confrontation avec Daniel legrand, dans laquelle il l’identifie formellement et avait ajouté que « il était toujours accompagné de gens de la tour du renard »

L’avocat isniste pour rappeler que Martel avait identifié Legrand sans nuance, et les avocats de la défense se remettent à faire un mini scandale.

Martel dit que toutes es accusations de BAdaoui (et des enfants, accessoirement) contre lui sont fausses. Il dit que le seul fait daté précisément qui lui est reproché se déroule à un moment où il était au golf alors qu’elle disait qu’il se trouvait en Belgique.

A une question de son ex avocat me Corbanesi, sur son arrestation, Martel se met à pleurer. Il explique qu’il a deux petites filles et que maintenant il a peur d’être avec elles.

Il a joute que pendant sa garde-à-vue, il a dit qu’il n’était pas sûr que c’était bien Legrand qu’il avait pris dans son taxi.

A ce moment, Me Lef Forster demand eune confrontation entre Martel et les policiers qui se sont chargés de la garde-à-vue, dont le policier Bourlard qui appréciait tellement Daniel Legrand, afin de voir qui dit vrai dans cette histoire « car on vient de dre des choses très graves sur cette garde-à-vue ».

La défense refait un scandale, et Me Lef Forster leur répond que li n’a jamais agressé ses confrères, ce qui a été loin d’être le cas dans l’autre sens.

Il rappelle aussi que c’est bien la défense qui refait Outreau.

Enfin, il demande à martel pourquoi il ‘na pas dit à paris et Saint -Omer qu’il ‘na pas tout à fai reconnu Legrand et qu’il l’a dit aux policiers, qui auraient refusé de le noter?

FInalement, Martel admet qu’il avait bien identifié formellement Daniel Legrand, comme c’est écrit dans le dossier.

8. Lettre d’Olivier de Baynast

Il s’agit du procureur qui a fait audiencer le procès de Daniel legrand. Il a été cité à comparaitre par la défense mais n’a pas répondu, excepté via un courrier que lit le président.

Le magistrat y explique qu’il a été « saisi d’une demande d’Innocence en Danger pour savoir quand serait audiencé ce procès ». Il ajoute que FO Magistrats a « souligné le risque de prescription ».

Il a rappelé l’ordonnance de mise en accusation devant les assises des mineurs, signée le 1er juillet 2003 et la condamnation de Legrand à 3 ans de prison à Saint-Omer.

Il explique que « dans un souci d’apaisement et compte tenu des acquittements », ce dossier ‘navait jamais été audiencé.

Lui a demandé l’audiencement et le dépaysement.

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