Titre d’origine: « La victime du sadique de Romont est bien devenue un coupable »
Dernière proie du tueur en série et rescapé du pire, le prévenu n’a pas réussi à convaincre les seconds juges de son innocence. En appel, le Vaudois écope d’une peine de 3 ans et demi pour avoir commis des actes sexuels sur trois enfants dans le cadre familial
Devant la justice
Le fait que le prévenu ait été la victime du sadique de Romont «ne joue aucun rôle dans l’appréciation des faits». La Cour d’appel pénale du Tribunal cantonal vaudois l’a dit d’entrée de cause ce mardi en rendant son arrêt. Elle ne croit pas à un pseudo-déterminisme qui ferait de la dernière proie du célèbre tueur en série un agresseur en puissance. Si les juges ont acquis la conviction que Thomas, c’est ainsi que la presse l’a surnommé, a bien abusé de trois enfants dans un cadre familial, c’est essentiellement en raison des déclarations crédibles et véridiques des petits.
Le sort judiciaire de Thomas n’aura pas beaucoup varié à l’issue de ce procès en appel. Reconnu coupable d’avoir infligé des actes d’ordre sexuel et des coups à ces enfants, le quadragénaire est condamné à une peine de 3 ans et demi de prison. C’est un peu moins que les 4 ans prononcés en première instance, mais c’est encore trop pour pouvoir bénéficier du sursis partiel plaidé à demi-mot par la défense. Le président Bertrand Sauterel a pris soin de préciser que cette diminution de peine n’était pas liée à la prise en compte du passé traumatique du prévenu, mais aux nuances apportées à certaines infractions qualifiées désormais de tentatives ainsi qu’à leur fréquence.
Expert privé critiqué
En substance, la cour a estimé que les déclarations des enfants, remises en cause par Thomas, reflétaient bien leur vécu et non pas ce qu’ils auraient vu, imaginé ou entendu. L’avis médical privé, émanant du psychiatre français Paul Bensussan, a reçu un accueil plus que glacial de la part des juges. Ces derniers n’ont pas eu de mots assez sévères pour remettre en cause l’objectivité de ce travail et relever ses erreurs factuelles. La cour a également critiqué les multiples casquettes endossées par ce spécialiste qui s’est mué en expert du prévenu, en sur-expert de l’expertise de crédibilité des enfants et en censeur du premier jugement.
Pour fixer la peine, la cour a tenu compte du rôle destructeur joué par Thomas et de l’atteinte sévère dont a souffert psychiquement l’un des enfants. Les juges ont relevé l’absence de regret de cet homme «qui nie tout et se pose en victime». «Le seul élément à décharge», souligne encore le président, est le parcours de vie de Thomas, agressé avec une cruauté indescriptible à l’âge de 16 ans, le crâne fracassé à coups de marteau, laissé pour mort dans une rivière. La dernière victime du sadique de Romont a survécu mais elle a été marquée de manière indélébile. Des céphalées persistantes et une distorsion de la personnalité que la cour a qualifiée d’inquiétante. En plus de sa peine, Thomas devra donc aussi suivre un traitement pour diminuer le risque de récidive.
A l’issue du verdict, la défense a annoncé un recours au Tribunal fédéral. «Cette décision ne me surprend pas. Mon client n’a pu faire valoir aucun moyen de défense en appel et le postulat de départ – l’abusé abuseur – a été validé encore une fois», réagit Me Jacques Barillon. L’ombre du sadique de Romont n’a donc pas fini de hanter la justice.