Le Matin Suisse: Des parcs bientôt réservés au sexe ?

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Des villes romandes réagissent à la proposition d’une sexologue tessinoise.

Un couple a défrayé la chronique au Tessin. Dimanche dernier, vers 19 h, sur une plage et près d’un parc de Lugano, il a été surpris en pleins ébats sexuels par une passante. Choquée, cette dernière a voulu alerter la police. Elle a photographié le couple pour pouvoir le dénoncer.

«Il faisait chaud et ils avaient beaucoup bu. La femme m’a demandé ce que je regardais et m’a lancé: «On fait l’amour et alors?» raconte Anastacia Cuomo au site Internet Ticinonline. L’habitante de Lugano n’a pas toléré ce genre de spectacle proche d’un parc public où se baladent enfants et famille.

Et pourtant, suite à cette sulfureuse histoire, une sexologue tessinoise, Kathya Bonatti, propose d’aménager des «parcs de l’amour» avec une porte à l’entrée, un distributeur de préservatif et de l’eau fraîche afin que les couples puissent faire l’amour librement en pleine nature, notamment pour les jeunes couples qui ne savent pas toujours où le faire. Alors que l’idée séduit ses consœurs romandes, les autorités politiques n’ont pas l’intention d’entrer en matière.

Un ghetto du sexe

«Je n’ai qu’un mot pour y répondre: ridicule, a réagi Guillaume Barazzone, conseiller administratif de la Ville de Genève en charge du Service des espaces verts. Les parcs sont publics, accessibles à tous, y compris des enfants. Que des gens s’embrassent peut-être, mais là non.» Même réaction de l’élue lausannoise Florence Germond, en charge des parcs. «Nous n’avons pas l’intention d’aller dans ce sens-là. Les parcs sont des lieux publics, il ne s’agit pas d’y intégrer la vie intime des individus.»

Quid des endroits de Lausanne, comme le parc du Denantou, déjà connu pour être un repaire de rencontres sexuelles? «On ne maîtrise pas les comportements de tout le monde ou de ce qui se fait en catimini», rétorque la municipale. Pour le syndic de Vevey (VD), Laurent Ballif, une telle zone reviendrait à «une ghettoïsation du sexe, c’est idiot. Chacun doit être suffisamment responsable de ce qu’il fait, ça s’appelle l’éducation. Ou alors que les gens assument les conséquences légales de leurs actes.» Et d’ajouter: «La mise en œuvre d’une telle zone serait trop complexe, autant laisser les choses comme elles sont.»

Si les élus ne sont pas prêts à voir émerger de tels aménagements, l’idée est soutenue par des sexologues, à l’instar de Juliette Buffat: «Je suis plutôt favorable à cette idée, car c’est une forme de naturisme originale et novatrice.» Et de faire remarquer que «durant la canicule, j’ai eu des retours de couples qui sont allés faire l’amour au frais et à l’air libre dans des lieux publics. Cela amène de la nouveauté et donne du piment. Des espaces réservés et sécurisés pourraient permettre à certains de réaliser certains fantasmes exhibitionnistes ou voyeurismes d’amour dans la nature. Et de les mettre à l’abri des regards des enfants curieux des jeux des adultes.»

C’est bien l’autre crainte de la sexologue Marie-Hélène Stauffacher, qui nuance: «Pour les jeunes couples, j’ai tout de même une crainte qu’il y ait des voyeurs. Nos jeunes ont plutôt besoin d’être protégés, car la sexualité doit rester quelque chose d’intime. Mais l’idée de mettre en place des zones sexualisées, c’est intelligent. On vit dans une société sexualisée, donc c’est adapté. Surtout, cela permettrait d’informer au moins les badauds et ainsi tout le monde est affranchi. Pourquoi pas mettre une barrière ou un panneau informatif à l’entrée. Car au final ce qui choque les badauds, c’est juste qu’ils ne sont pas préparés à voir cela.»

Photo: «Des espaces réservés et sécurisés pourraient permettre à certains de réaliser certains fantasmes», a déclaré la sexologue Juliette Buffat. Image: Anastacia Cuomo / Blick

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