Valérie Dubois n’a jamais eu de problèmes psychologiques. Et pourtant, en 2010, elle a été internée abusivement pendant 28 jours. Son mari, avec la complaisance d’un médecin de famille, a obtenu de faux certificats pour que sa femme fasse un séjour forcé en hôpital psychiatrique. Aujourd’hui, malgré un mari et un médecin condamnés, elle a perdu la garde de ses enfants. Elle témoigne.
Mon mari a commencé à me frapper en décembre 2009. J’étais allée faire constater mes blessures auprès du médecin de famille. Il m’avait fait un certificat de trois jours d’incapacité temporaire de travail (ITT).
Pendant quelques mois, je n’ai rien dit, mais quand il s’en est pris à mes deux enfants mon sang n’a fait qu’un tour. J’ai décidé de porter plainte. Nous étions le 1er mai 2010.
Je n’ai pas averti mon mari de cette démarche, mais je suis certaine qu’il a deviné. Pendant un mois, nous avons donc continué à vivre sous le même toit. Tout a basculé le 11 juin 2010 quand j’ai vu débarquer devant ma porte des infirmiers et des policiers. Mon mari les accompagnait, puis il a déclaré :
« C’est la dame. C’est elle que vous devez emmener. »
Mon mari cherchait à me faire interner de force…
Quelques jours plus tôt, une de mes amies avait tenté de me prévenir. Elle s’était rendue dans le cabinet du même médecin qui avait constaté mes blessures. Et là, en plein milieu de la salle d’attente, sur une pile de documents, elle avait été interpellée par plusieurs feuilles. Elle y avait découvert des certificats d’internement sans consentement et une ordonnance d’Haldol, un puissant neuroleptique … à mon nom !
En sortant du cabinet, elle m’avait immédiatement téléphoné, mais j’avais du mal à croire ce qu’elle me racontait. Ça me semblait incroyable, impossible.
Le 11 juin, j’ai compris qu’elle avait raison : mon mari cherchait à me faire interner dans un hôpital psychiatrique.
Je me souviens qu’une heure avant que le convoi arrive, il m’avait passé un coup de fil pour me demander si j’étais bien à la maison. Ça m’avait semblé bizarre sur le coup.
Et j’ai passé 28 jours en hôpital psychiatrique
En ouvrant la porte, je n’ai pas tout de suite compris ce qu’il se passait. J’ai commencé par me dire que mon mari avait appelé la police pour se plaindre de moi, pour dire que je le battais. Il le faisait assez régulièrement. À chaque fois, j’étais obligée de sortir mes propres certificats pour prouver que c’était plutôt le contraire.
Alors que je dirigeais vers ma voiture pour récupérer les dits papiers, l’un des policiers s’est glissé derrière moi, m’a fait une prise pour que je me mette à genou, et m’a menotté. J’ai été balancée dans une sorte d’ambulance. J’étais totalement sonnée, incapable de réagir, de comprendre. Je me souviens simplement de ma fille de dix ans courant vers le véhicule et criant :
« Maman, qu’est-ce qu’on fait nous ? Qui je dois appeler ? »
Je n’ai pas pu lui répondre. Les portes se sont fermées.
Tenue blanche, mais pas de traitement
Ce n’est qu’en arrivant à l’hôpital psychiatrique que j’ai vraiment réalisé la situation dans laquelle je me trouvais. On m’a mis dans une salle d’isolement. J’ai dû troquer mes vêtements pour une tenue blanche avec des boutons dans le dos. Pendant deux heures, j’ai attendu que quelqu’un daigne venir me voir, comprenne que je n’avais rien à faire ici.
Au bout de deux heures d’attente, le médecin de garde est entré dans la pièce. Il m’a simplement dit qu’il avait besoin de dormir :
« Je prendrais bien un médicament. Pas vous ? »
J’ai répondu que non. Il a pris deux ou trois notes, puis il est parti. L’échange a été très court. Des infirmiers ont fini par me monter ma chambre.
Je cachais mon téléphone dans mes sous-vêtements
Je ne saurais pas vraiment l’expliquer, mais je me suis retrouvée dans un état d’inertie, comme paralysée. J’ai retiré mes bijoux, toutes mes affaires personnelles ont été confisquées. Heureusement, le médecin qui m’avait ausculté ne m’avait donné aucun traitement.
Ce n’est que quelques jours plus tard, que j’ai repris du poil de la bête. Avec un peu de malice, j’ai récupéré mon téléphone portable. Je le cachais dans mes sous-vêtements. Dès que je le pouvais, je passais des coups de fil des toilettes, toujours la tête en bas, scrutant la moindre venue.
Autour de moi, il y avait de tout. Beaucoup de personnes dépressives, d’autres qui disaient des choses absurdes. Mes journées étaient rythmées par les repas. J’avais l’impression d’être dans un monde parallèle, où personne ne s’intéresse à vous. Ni les infirmiers, ni les médecins.
Durant mon séjour dans cet hôpital psychiatrique, une infirmière seulement a compris que je n’avais rien à faire ici. Elle a tenté d’en parler à mon médecin, qui lui a répondu qu’elle ne savait pas de quoi elle parlait. La discussion était close.
Au fur et à mesure, et grâce à l’aide de quelques amies, j’ai réussi à faire venir un avocat de Paris. Il fallait qu’il me sorte de là. Comment est-ce que j’avais pu me retrouver enfermée ?
« Votre dossier est vide »
Mon avocat a finalement réussi à mettre la main sur mon dossier. Je le réentends encore me dire :
« Il n’y a rien dedans. Je ne comprends pas ce que vous faites ici. »
À ce moment, un poids s’est soudain envolé de ma poitrine. J’ai compris que j’allais pouvoir sortir. Par la suite, le juge des libertés et de la détention s’est saisi de l’affaire. Constatant que je n’avais ni antécédents psychologiques, ni traitement, il a décidé de me laisser partir.
Je suis finalement sortie de l’hôpital psychiatrique le 9 juillet 2010, après 28 jours d’internement.
Dehors, j’ai immédiatement cherché à récupérer mes enfants. Quand ma fille m’a vu à la sortie du centre aéré, elle n’a pas osé m’approcher car personne n’avait pris soin de recueillir sa parole et d’en tenir compte depuis mon internement.
En retournant chez moi, j’ai découvert que la serrure avait été changée en mon absence. J’ai pu récupérer quelques affaires, puis je me suis réfugiée chez une amie. J’ai revu mon mari à ma sortie. Il n’a pas su me dire rien d’autre que :
« Il faut que tu retournes là-bas. »
Évincée du domicile, j’ai aussi perdu la garde de mes enfants
Le tribunal a fait appel de la décision du juge, mais le 28 juillet 2010, mais la Cour d’appel du TGI d’Orléans a confirmé que je n’avais aucune pathologie, que je ne représentais pas un risque pour la société et que les certificats médicaux établis pour mon internement étaient des faux.
Le médecin a été jugé coupable, tout comme mon mari, condamnés tous les deux à une peine de prison avec sursis. Mon mari a continué à me harceler pendant des mois et des années. Six ans plus tard, nous ne sommes toujours pas divorcés, car monsieur ne s’attendait pas à se voir condamné et a compris qu’il perdrait tout.
En septembre, nous avons été convoqués par le juge des affaires familiales. Ce dernier n’a pas pris en compte la décision de la Cour d’appel du 28 juillet 2010 et a ordonné mon éviction du domicile que nous avons pourtant acheté ensemble. J’avais huit jours pour partir de chez moi, seule et sans mes enfants.
J’ai respecté ce jugement, persuadée que la situation serait réglée dans les mois à venir.
Je passe 4 jours et demi avec mes enfants par an
Depuis six ans, j’ai multiplié les procédures, mais je n’ai pas pu récupérer la garde de mes enfants à cause des décisions rendues par la chambre de la famille et la chambre des mineurs du TGI d’Orléans.
J’ai simplement l’autorisation de les voir cinq heures toutes les deux semaines, hors vacances scolaires, hors congés de monsieur, et autres alors que nous résidons dans la même ville. Je ne les vois que très peu, soit environ quatre jours et demi par an, c’est-à-dire moins qu’une nounou. C’est insupportable, j’ai le sentiment d’avoir tous les torts dans l’affaire, et pourtant je n’ai rien fait.
Aujourd’hui, je n’ai plus qu’un seul recours : je viens de déposer une requête en récusation pour cause de suspicion légitime et partialité des magistrats. J’ai la foi en Dieu et je sais que je vais retrouver mes enfants, c’est ce qui nous a gardé unis jusqu’à ce jour. Je ne baisserai jamais les bras.
Propos recueillis par Louise Auvitu.