(France TV Info) Caroline De Haas dénonce la « chape de plomb » qui pèse sur la pédocriminalité, « c’est encore plus tabou que les violences faites aux femmes »

« La pédocriminalité en France n’est pas un petit sujet », affirme jeudi 2 janvier sur franceinfo Caroline De Haas, fondatrice d’Osez le féminisme qui cite les chiffres d’une enquête de l’association l’Enfant Bleu révélant que 16% de la population française a subi des maltraitances sexuelles dans l’enfance. « En matière de pédocriminalité, il y a encore une chape de plomb très forte, qui pèse sur notre pays », dénonce la féministe, alors que sort en librairies le livre Le Consentement de Vanessa Springora. Caroline De Haas estime que la pédocriminalité est « un sujet encore plus tabou que les violences faites aux femmes », et pointe du doigt des « dysfonctionnements ».

« La prise de conscience passe par des moyens ! »

« Il y a un paradoxe, relève Caroline De Haas. On est dans un mouvement d’accélération très important et, en face, les politiques publiques ne sont pas au rendez-vous. (…) Alors que le président de la République aurait sans aucun problème une majorité politique, une majorité sociale, pour mener des politiques publiques ambitieuses pour en finir avec les violences, il n’est pas là. Le Grenelle [des violences faites aux femmes] a permis de prendre quelques mesures, mais quand vous regardez ce qu’il va se passer en 2020, le Projet de loi de finances 2020, ce qu’on va faire cette année, c’est peu ou prou les mêmes politiques publiques qu’en 2019. »

Caroline De Haas cite en exemple la prise de conscience sur la sécurité routière qui « n’a plus rien à voir avec celle d’il y a trente ans ». Sur ce sujet, elle cite les moyens mis en œuvre, les campagnes menées dans le cadre de l’école, la fomation des professionnels, les campagnes de communication. « Les présidents de la République successifs ont mobilisé les services de l’État. La prise de conscience passe par des moyens !, insiste-t-elle. L’État va mettre 361,5 millions d’euros en 2020 sur la question des violences, c’est quasiment la même chose que l’an dernier. En 2019, il y a eu 149 féminicides. Mêmes moyens, ça veut dire qu’on aura globalement les mêmes chiffres ! On ne fera pas baisser les violences avec les mêmes politiques publiques. »

« Autre époque, autres mœurs », un argument qui ne tient pas

Caroline De Haas revient sur l’affaire Gabriel Matzneff. Dans un livre, Le Consentement, Vanessa Springora décrit la relation sous emprise qu’elle a entrentenue avec l’écrivain alors qu’elle avait 14 ans et lui 50, à partir de 1986. Elle dénonce dans un entretien au Parisien les « dysfonctionnements » des institutions et « l’hypocrisie de toute une époque ». « La pédocriminalité est punie dans la loi depuis 1810, rappelle Caroline De Haas. L’argument ‘autre époque, autres mœurs’, je ne le reçois pas. » Elle insiste sur le fait qu’au moment des faits décrits par Vanessa Springora, « la pédocriminalité était punie ». Et elle abonde en son sens sur les « dysfonctionnements » : « Quand vous voyez des affaires sortir après un, deux, dix ans parfois, de violences, et qu’au niveau de l’école, de la police ou de la gendarmerie, de la justice et de l’hôpital, on n’a pas été capables de les détecter, c’est bien qu’il y a un problème. »

La pédocriminalité et les violences sexistes et sexuelles existent dans tous les milieux.

Caroline De Haas, fondatrice d’Osez le féminisme

à franceinfo

« Il y a peut-être une chape de plomb dans les milieux où il y a beaucoup de pouvoir, estime par ailleurs Caroline De Haas, mais penser que c’est un certain milieu qui est concerné par ce type de violences, c’est faire une erreur. C’est se tromper sur le diagnostic et sur les solutions. »

La pédocriminalité n’est pas une opinion, c’est un crime

Caroline De Haas interpelle sur le danger de « banaliser » les violences. « Beaucoup de médias parlent d’affaires de pédocriminalité. La Une de Libération sur Matzneff parle en sous-titre des viols comme ‘d’ébats avec les enfants’. L’AFP, ce matin, fait un tweet parlant de ‘deux regards sur la pédophilie’. La pédocriminalité n’est pas une opinion, un courant de pensée, c’est un crime. Ces termes visent à banaliser la gravité des violences et, de fait, à faciliter la tolérance de la société vis-à-vis de ces violences sexuelles ».

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