Selon nos confrères du « Monde », Frédéric Mion était au courant des accusations d’inceste depuis deux ans. « J’ai manqué de discernement », assure-t-il.
Le directeur de Sciences Po, Frédéric Mion, a admis auprès du « Monde » avoir été alerté en 2019 des accusations d’inceste visant Olivier Duhamel, ex-président de l’instance qui chapeaute l’institut d’études politiques parisien.
Lundi 4 janvier, quand ces accusations ont été révélées, le directeur de Sciences Po Paris s’était dit « sous le choc ». Il avait ensuite fait part de sa « stupeur » en découvrant « par des articles de presse, des faits très graves reprochés à l’ancien président de la Fondation nationale des sciences politiques ».
Or d’après les informations du « Monde », Frédéric Mion était au courant des accusations d’inceste depuis deux ans déjà.
« Je n’ai pas réagi »
En 2019, l’ancienne ministre socialiste de la Culture, Aurélie Filippetti, enseignante à Sciences Po Paris, apprend par deux proches d’Olivier Duhamel que ce dernier, professeur honoraire de Sciences Po, est accusé d’abus sexuels sur son beau-fils à la fin des années 1980, rapporte le quotidien. Elle décide alors d’en informer Frédéric Mion.
« Je vais trouver à son cabinet Jean Veil, avocat dont Olivier Duhamel est l’associé », a expliqué Frédéric Mion au Monde mercredi 6 janvier au soir. « Il m’assure qu’il ne s’agit que de rumeurs. Je me suis laissé berner », a-t-il ajouté.
« C’est vrai, je n’ai pas réagi après avoir été contacté par cette enseignante », a aussi convenu le directeur de Sciences Po, affirmant avoir « manqué de discernement » et se disant « prêt à en subir les conséquences ».
Le directeur de Sciences Po « a souhaité être transparent », « il assume le fait d’avoir été au courant de ces rumeurs », a-t-on précisé dans son entourage. Il était « persuadé qu’elles étaient infondées ».
Appel à la démission du directeur
Jeudi 7 janvier au matin, une dizaine d’étudiants se sont installés devant l’Institut de la rue Saint-Guillaume pour réclamer sa démission. La veille, des étudiants en master d’Affaires publiques à Sciences Po ont appelé tous les étudiants de l’institution à se rassembler pour exiger la démission de leur directeur comme le relate « Libération ». Ils n’étaient qu’une poignée en fin de matinée selon l’AFP, mais devaient se relayer toute la journée.
« Des violeurs enseignants, un complice président », clame une pancarte en carton placardée sur la grille d’entrée.
« L’impunité doit cesser, et passera par la démission de tou.te.s celles et ceux qui la garantissent, à commencer par Frédéric Mion », ont-ils déclaré dans une lettre ouverte publiée dans la foulée, intitulée « La honte ».
Une étudiante à l’origine du rassemblement, victime elle-même d’inceste lorsqu’elle était plus jeune, souhaite avant tout une « conversation très honnête sur les violences sexuelles à Sciences Po ». « Il faut un geste fort, une grande réforme de Sciences Po pour que ça ne se reproduise jamais » conclut-elle.
En dernière année de Sciences Po, Luka qui a appelé à ce rassemblement sur Facebook s’offusque que Frédéric Mion ait « menti » à ses étudiants. « Plus généralement, nous voulons dénoncer un climat d’omerta qui gangrène notre école, et l’impunité généralisée face aux violences sexistes et sexuelles. », explique-t-il.
Frédéric Mion a adressé un second courrier à ses étudiants en début d’après-midi ce jeudi, où il confirme les faits relatés dans le « Monde », et ajoute : « Aurais-je pu ou dû agir différemment ? La question peut se poser et je suis prêt à en débattre. Je n’ai à aucun moment cautionné ni contribué à dissimuler les faits dont il est ici question. Je n’ai à aucun moment contribué à l’édification du silence. Ma ligne de conduite a été, est et restera la même : la protection et le soutien des victimes et l’intérêt général de notre communauté. »
Interrogé sur une éventuelle démission de Frédéric Mion, son entourage a indiqué à l’AFP que « pour l’instant il travaille à assurer la continuité de l’établissement ».