Gilles Belzons, le président du club de rugby de Narbonne, ancien joueur de Béziers est accusé par son ex-femme d’agressions sexuelles sur son fils. L’enfant de 8 ans se serait confié à plusieurs reprises à des professionnels de santé et aux enquêteurs. Une information judiciaire est ouverte.
Chaque année, plus de 20.000 enfants seraient victimes de viols ou d’agressions sexuelles par leur père. Ce constat alarmant est celui de la commission de l’inceste. Elle a rendu à l’automne dernier ses premières recommandations pour mieux prendre en charge les victimes présumées. Son rapporteur recommande notamment une meilleure prise en compte de la parole de l’enfant. Ce qui serait loin d’être le cas dans bon nombre d’incestes. Pour un parent ayant des doutes et désirant protéger son enfant, commence alors un combat fastidieux.
Ce combat, c’est celui de Djemila, infirmière libérale installée à Narbonne. La professionnelle de santé a porté plainte il y a un an, pour la seconde fois, contre son ex-mari Gilles Belzons dont elle est séparée depuis 2018. Son premier recours (octobre 2020) a été classé sans suite après une enquête préliminaire de trois mois, ouverte pour viols et agressions sexuelles incestueuses suite aux confessions de leur fils, âgé de bientôt 8 ans. Les faits reprochés (2018 à 2020) n’étaient pas suffisamment caractérisés pour le parquet de Narbonne.
Un notable dans le monde du rugby à Narbonne
Gilles Belzons, surnommé « Bébelle » est un notable dans le Narbonnais, coprésident du club de Rugby de Narbonne (Pro D2), propriétaire de trois restaurants, c’est aussi un ancien joueur de rugby professionnel ayant joué à Béziers, Montauban, et Narbonne. « À chaque fois que j’allais porter plainte au commissariat de Narbonne, mon ex-mari était au courant dans l’heure qui suivait, confie son ex-épouse. J’ai fini par me rendre à la compagnie de gendarmerie de Narbonne. Nous avons alors été orientés à Carcassonne. »
Des propos jugés crédibles par un expert psychologue
L’enfant a été entendu à sept reprises lors de la première enquête, et s’est confié avec des détails précis sur l’agression dont il aurait été victime. À l’automne 2020, ce sont les gendarmes de Carcassonne qui le reçoivent. La compagnie est équipée d’une salle Mélanie. Cet espace est aménagé pour libérer la parole des enfants victimes de violence. À deux reprises, le garçonnet décrit les mêmes attouchements dont il aurait été victime. Auparavant, il avait manifesté cette même souffrance d’abord à un médecin de garde, puis à un urgentiste de l’hôpital Lapeyronie à Montpellier (des alertes ont été envoyées aux autorités).
Un expert psychologue nommé par la cour d’appel expliquera dans son rapport que les propos de l’enfant sont crédibles. “Aucun élément ne permet de douter de la crédibilité de l’enfant. Il minimise les faits pour réduire son stress. Il éviterait certains détails afin de ne pas inquiéter sa mère et ne pas exacerber son père. L’expert constate que l’enfant se sent sale”.
Aucune expertise médico-légale de l’enfant n’a été demandée au cours de l’enquête préliminaire
Gilles Belzons a bien été placé en garde à vue en novembre 2020. Au cours de son audition, il s’est opposé dans un premier temps à la saisie de son téléphone portable. Il finira par accepter. Les gendarmes découvriront alors des connexions sur des sites pornographiques dont une quinzaine de recherches employant les mots « jeunes et ados ». Mais à l’issue de cette enquête préliminaire, il a été blanchi des accusations portées contre lui. Avant son audition, le ministère public avait ordonné aux gendarmes de ne réaliser aucune saisie d’ordinateur ni de son téléphone portable, de ne réaliser aucun examen clinique de l’enfant. Aucune fouille de son domicile, ni de son lieu de travail n’ont été réalisées. Enfin, l’intéressé avait été prévenu quelques jours plus tôt du motif de sa mise en garde à vue.
Une enquête bâclée selon l’avocate de la maman
“Cette enquête préliminaire a été bâclée” dénonce l’avocate de la maman. Récemment, maître Hayet Djefaflia a saisi le Procureur général de la cour d’appel de Montpellier mettant en exergue “les carences du dossier, et le manque d’impartialité des magistrats compte tenu de la notoriété du mis en cause. Ce manque d’investigations est susceptible d’entraver la manifestation de la vérité”. « Cette affaire illustre parfaitement les difficultés liées à l’inceste et le manque de considération de la parole de l’enfant, déplore Me Hayet Djefaflia J’ai le sentiment que la parole de l’enfant n’est pas prise en compte. Elle est frappée d’une forme d’invisibilité sous couvert de prétendu conflit parental et d’une instrumentalisation de la mère.«
« De nombreux actes habituellement réalisés n’ont pas été effectués dans ce dossier. » – Me Hayet Djefaflia
À la suite du classement sans suite de sa plainte par la justice, la maman s’est portée partie civile en février 2021. L’été dernier, une information judiciaire a été ouverte en raison de “l’existence de présomptions graves”. Gilles Belzons a été placé cette fois-ci sous le statut de témoin assisté.
« Tout est diffamation. Une multitude de faux. » – Gilles Belzons
Gilles Belzons, que nous avons contacté a aussitôt clamé son innocence en invoquant une manipulation de la part de la maman. Il n’a pas souhaité s’exprimer à notre micro. Il explique cependant que les certificats médicaux fournis par son ex-femme sont des faux, “des certificats de complaisance”. Djemila n’accepterait pas qu’il ait refait sa vie, il dénonce “un féminisme extrémiste”.
« Que changerais-tu si tu avais une baguette magique ? Je ferai disparaître papa. »
Pourtant plusieurs professionnels de santé ont alerté les autorités après les déclarations de l’enfant, certains exprimant une inquiétude sur l’état de santé de la jeune victime. À l’automne dernier, le petit garçon se serait en effet de nouveau confié à un psychothérapeute et un médecin généraliste. « L’enfant supplie sa mère de ne rien dire à la police, sans quoi son papa irait en prison » explique la partie civile. Entendu le 16 décembre 2021, le petit garçon se confie une nouvelle fois, devant le juge des enfants. Il aurait décrit de nouveau les attouchements et précise qu’il en a marre d’en parler. À la question “que changerais-tu si tu avais une baguette magique ? Je ferai disparaître papa”. Voilà des mois en effet que la victime présumée multiplie les auditions de gendarmerie, d’experts et professionnels de santé. Certains ne cachent pas leurs crainte que l’enfant finisse par se refermer sur lui-même comme une huitre, exaspéré par autant d’auditions.
Une ancienne fonctionnaire de police croit en la parole de l’enfant et apporte son soutien à la maman
Une ancienne commandant de police de Créteil et chef du groupe investigation au commissariat de Carcassonne aujourd’hui à la retraite soutient Djemila dans sa démarche. « Dans ce dossier les faits sont clairs. Je ne comprends pas ce qui se passe. Les investigations et décisions sont en décalage. Aucune expertise médico-légale de l’enfant n’a été demandée par le parquet. Comment peut-on classer une affaire sans faire au préalable un certain nombre d’actes qui devraient être automatiques. Un gamin de cet âge n’invente pas » conclut la cofondatrice du Collectif Citoyennes Audoises Engagées.
L’enfant avait quatre ans quand il s’est confié pour la première fois. « Aucun mesure de protection n’a été prise après la première plainte et les alertes. Il est resté en résidence alternée pendant toute l’instruction » déplore un proche du dossier souhaitant garder l’anonymat. » Il aurait dû ne pas être en contact avec son père. »
L’enfant placé dans une famille d’accueil en décembre 2021 pour le protéger de ses deux parents
À la demande de la justice, l’enfant a été placé en décembre dernier dans une famille d’accueil pour le protéger de ses parents, le temps de nouvelles investigations. Le protéger de son père si les faits étaient avérés. Ensuite de sa mère, les enquêteurs soupçonnent en effet la maman d’influencer son enfant et d’exercer indirectement une pression sur ce dernier par ses craintes. « Malgré le rapport de la commission de l’inceste notamment sur les mères mises en cause injustement, je suis mise en cause pour pression psychologique. On dit que je suis jalouse et que j’en veux à l’argent de son père. Il n’en est rien. Je suis propriétaire. J’ai deux biens. »
“Aucun élément qualitatif ou quantitatif ne permet pourtant de douter de la crédibilité de la maman”. Voilà les conclusions du rapport d’expertise psychologique de la cour d’appel de Montpellier. “Aucun élément de l’expertise ne laisse penser que la maman soit dans une logique affective dysfonctionnelle” conclut le professionnel.
Djemila se démène pour que justice soit faite. Il y a quelques jours, l’infirmière libérale a été entendue par un juge d’instruction. Elle attend désormais la fin de l’instruction. Sa crainte est évidemment que le non-lieu soit prononcé. Comment imaginer que l’enfant puisse inventer de telles accusations et dénigrer un père qu’il idéalisait tant ? Cette piste n’est en aucun cas écartée par les enquêteurs. Au cours de l’instruction, des suspicions ont été portées sur un autre homme. Mais cette piste semble avoir été abandonnée d’après nos informations.