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(France Soir) Affaire d’inceste présumé : une incroyable imprudence de la justice

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#justice4hanna – Les trois enfants d’Hanna, âgés de 13, 11 et 9 ans, n’ont pas vu leur maman depuis 2 ans et demi. Ils n’ont pas pu lui parler au téléphone depuis le mois de janvier 2021. Pourquoi ? Parce que la justice française a transféré le droit de garde de ces bambins à leur père, un militaire, pourtant soupçonné d’inceste, puis l’a autorisé à les emmener vivre en Polynésie française. Audience prévue devant le juge des enfants à Papeete ce jeudi 16 février : la mère demande la protection des enfants.

La Commission Indépendante sur l’inceste et les Violences sexuelles faites aux Enfants (CIIVISE) recommande d’assurer « la sécurité de l’enfant dès les premières révélations » en prévoyant « la suspension de plein droit de l’exercice de l’autorité parentale et des droits de visite et d’hébergement du parent poursuivi pour viol ou agression sexuelle incestueuse contre son enfant. » et de « suspendre les poursuites pénales pour non représentation d’enfant contre un parent lorsqu’une enquête est en cours contre l’autre parent pour violences sexuelles incestueuses ». Hé bien, en ce qui concerne Hanna et ses enfants, la justice a fait tout le contraire de ce qui est préconisé. 
Informations préoccupantes 

L’histoire d’Hanna et d’Anémone, Laurent et Dorothée (ndlr : les prénoms des enfants ont été changés) est un cas d’école de ce que la Ciivise recommande à la justice de ne pas faire. 

Tout commence en 2013, quand Hanna surprend la petite Anémone, alors âgée de 4 ans en train d’effectuer une fellation sur son petit frère âgé de 2 ans. Elle en parle à son médecin traitant qui lui recommande d’emmener l’enfant à l’unité d’accueil pour jeunes victimes de l’hôpital Trousseau.

Suite à cette consultation, l’assistante sociale de l’Assistance publique des hôpitaux de Paris effectue une information préoccupante auprès de la Cellule départementale de Recueil des Informations Préoccupantes (CRIP) pour « suspicion d’abus sexuel avec le père ». La Direction de l’enfance et de la famille dépose ensuite une plainte, bientôt suivie par une nouvelle information préoccupante, cette fois-ci effectuée par un pédopsychiatre, le docteur L., qui a vu la petite fille.  

Les parents de la fratrie sont séparés depuis quelques mois, à l’initiative d’Hanna victime de violences conjugales. Elle a alors la garde de ses enfants très jeunes et leur père bénéficie d’un droit de visite « classique », un week-end sur deux et la moitié des vacances scolaires.   

En janvier 2014, le docteur L. effectue une nouvelle information préoccupante auprès de la CRIP. Anémone a affirmé avoir dormi avec son père « dans le lit » durant le week-end, elle affirme que « papa mange la foufoune » et multiplie les gestes à connotations sexuelles. Le spécialiste s’inquiète. Tous éléments renvoient d’après lui à « une très forte présomption d’abus sexuels ». Il constate que l’enfant est « manifestement en très grande souffrance » et estime qu’elle nécessite une protection. 
Plainte contre X 

Le spécialiste alerte à nouveau Le CRIP en février 2014. La petite fille a de nouveau effectué une fellation sur son frère, puis a demandé à ce dernier de lui « lécher la foufoune ». Le médecin souligne qu’il est impossible, compte tenu du très jeune âge de la fillette, « d’avoir des pratiques aussi précises et répétées sans les avoir connues par un ou des tiers ». 

La mère a déposé une plainte contre X pour agression sexuelle sur sa fille fin janvier 2014, et le 4 mars 2014 , la juge aux affaires familiales ordonne une enquête sociale et une expertise médico-psychologique. En attendant, les droits de visite du père doivent désormais s’effectuer en milieu médiatisé. Ce dernier nie les faits dont il est soupçonné et affirme d’ailleurs n’avoir pas noté le comportement anormal de sa fille. 

En mai 2014, c’est la jeune fille au pair qui s’alarme du comportement des enfants. Elle voit Anémone tenter d’embrasser son frère avec la langue ou elle s’allonge, jambes écartées, et place Laurent au-dessus d’elle, puis fait des mouvements de va-et-vient avec son bassin. Par ailleurs, la fillette pleure quand on lui dit qu’elle va voir son père. 

Pourtant, le 24 mai 2014, la plainte est classée sans suite, sans que la jeune fille au pair ou que le jeune Laurent ne soit entendu. Et en juillet 2014, le père est rétabli dans ses droits. 

Début 2015, c’est la nouvelle jeune fille au pair qui constate des comportements anormaux. Anémone lui confie ne pas vouloir lécher « Laurent, S. et la zézette de papa » et qu’elle ne veut pas non plus que son père lui « lèche dans la foufoune ». De son côté, Laurent lui dit « Je ne veux pas qu’Anémone lèche la zézette de papa », avant d’ajouter « c’est pas ma faute ». 
Un étonnant rapport d’expert

Dans le même temps, les informations préoccupantes émanant de divers professionnels et institutions se succèdent, psychologue, école, pôle de d’investigation et de soutien à la parentalité. 

Alors, fin mai 2015, le père des enfants demande une expertise à titre privé auprès d’un médecin connu pour être un des chantres du « syndrome d’aliénation parentale », un syndrome à l’existence contestée par la communauté scientifique et qui soutient que des mères peuvent manipuler leurs enfants au point que ces derniers expriment avec obstination des propos laissant entendre qu’ils sont victimes d’inceste même quand ce n’est pas le cas.

Et sans rencontrer ni Hanna, ni ses enfants, le docteur B. rend un rapport soutenant que les soupçons d’inceste pesant sur son client sont le fruit des divagations d’une mère trop anxieuse et manipulatrice. Le médecin est convoqué devant la chambre disciplinaire de l’ordre des médecins le 23 février prochain pour rendre compte de cette expertise. 

Et contre toute attente, alors que de multiples expertises de professionnels qui, eux, ont rencontré Hanna, attestent de sa bonne santé mentale, de sa bienveillance vis-à-vis de ses enfants, c’est à la théorie du docteur B., qui ne l’a jamais rencontrée, que la juge aux affaires familiales choisit d’accorder crédit.

Elle transfère le droit de résidence au père qui a pourtant déménagé à Londres. En Angleterre, nouveau signalement des services sociaux. Des déclarations d’Anémone les ont amenés à suspecter des attouchements. Puis un deuxième, la petite fille s’étant masturbée en classe. 

Le père revient en France. De nouveaux professionnels attestent du fait qu’Hanna est une bonne mère, au comportement normal et expriment par ailleurs, leur inquiétude par rapport au père.  
Mutation volontaire du père à Papeete 

Début 2020, suite à une demande de mutation volontaire, le père annonce qu’il va déménager à Papeete. Pourtant, le 29 mai 2020, le juge aux affaires familiales maintient la résidence des enfants chez lui et accorde un droit de visite et d’hébergement d’un mois par an à Hanna. Il vient de facto d’autoriser qu’on emmène les enfants habiter à 25 heures d’avion de leur mère. 

Pendant l’été 2020, Hanna, qui est danoise, emmène Anémone, Laurent et Dorothée dans son pays pour les vacances. Mais quand l’heure sonne de les renvoyer chez leur père, les petits refusent. Ils pleurent, expliquent qu’ils ont peur des violences paternelles. Aux soupçons de violences sexuelles se sont ajoutés des soupçons de coups sur les enfants et d’autres violences psychologiques.

Les petits rapportent qu’ils se font hurler dessus pour un oui ou un non, qu’ils sont giflés et prennent des fessées chez leur père, alors qu’au contraire, ils sont heureux avec leur mère. Ils veulent rester avec elle, au Danemark. Hanna demande alors conseil à la police danoise et les services sociaux du pays lui conseillent de scolariser ses enfants en attendant la fin des investigations.

En août 2020, une juge danoise constate les révélations de maltraitance des enfants, mais pour autant, ordonne quand même leur retour en France. Hanna s’exécute. À partir de là, plus rien ne va. Elle est poursuivie et condamnée pour soustraction d’enfants à 12 mois de prison et est privée de ses droits civiques et familiaux. L’audience en appel de cette condamnation s’est tenue le vendredi 10 février dernier ; la décision est encore en délibération. Hanna a plaidé l’état de nécessité.  

Cette maman, qui n’a jamais été soupçonnée de la moindre violence sur ses enfants, a perdu l’autorité parentale et ses droits de visite ont été suspendus. On lui a juste accordé la mise en place d’appels téléphoniques médiatisés, 2 fois par mois. Ces coups de fil n’ont finalement pas été mis en place. 
« Un enlèvement d’enfants cautionné par l’État »  

Ce mercredi 15 février Hanna et son avocate sont dans l’avion pour Papeete, pour une audience devant le juge pour enfants devant se tenir le 16 février. Hanna a porté plainte avec constitution de partie civile pour agressions sexuelles sur mineures contre le père de ses enfants et a effectué une citation directe pour les autres violences. Mais en attendant que la justice fasse son travail, elle souhaiterait obtenir la protection de ses enfants. 

 « Je fais un voyage de 25h pour me rendre à une audience du juge des enfants à l’autre bout du monde », nous livre-t-elle. « Je vais demander leur placement au juge des enfants. C’est la seule solution pour qu’ils puissent sortir de l’emprise de leur père, et s’exprimer comme ils l’ont fait en 2020, avant leur départ pour Papeete, sur les violences qu’ils subissent. J’ai aussi demandé au juge de me permettre de passer quelques heures avec mes enfants mais je n’ai pas encore de réponse. Nous ne nous sommes pas vus depuis 2 ans et demi. L’idée de les voir me bouleverse. Je ne sais même pas à quoi ils ressemblent aujourd’hui et à quoi ressemble leur vie. Leur père ne m’envoie aucune photo, ne me tient au courant de rien. » 

Son inquiétude est partagée par maître Pauline Rongier, au point que celle-ci a décidé de l’accompagner malgré la distance entre la métropole et le lieu de l’audience. Elle nous explique sa décision : 

« Entreprendre ce voyage aux côtés d’Hanna m’est apparu comme une évidence, tant la situation est grave, tant les éléments du dossier montrent que ces enfants sont en danger. Il est temps que la Justice prenne conscience de la stratégie d’inversion des culpabilités mise en place par l’agresseur. Il est temps aussi que la Justice n’ignore plus la parole des enfants, qui était encore libérée avant leur départ à Tahiti et que la Justice a maintenant mis sous silence. Il faut maintenant que les juges tiennent compte de tous les signalements et rapports venant du monde médical, des intervenants sociaux, et des alertes données aujourd’hui par les plus grands experts sur le danger dans lequel sont ces enfants. Nous allons donc demander leur placement le temps que nos plaintes avancent. Nous avons en effet demandé l’ouverture d’une instruction judiciaire sur les violences sexuelles. Nous avons fait citer l’ex conjoint d’Hanna à comparaître au tribunal correctionnel pour les violences physiques dénoncées par les enfants. Je n’ai pas l’habitude de solliciter un placement qui doit rester l’exception mais dans cette affaire complexe, c’est la seule solution pour les sortir de l’influence du père et pour les protéger. » 

« Ce voyage est aussi l’occasion d’éprouver la distance géographique que la Justice a laissé le père mettre entre la mère et les enfants », soulève encore l’avocate. « Comment un juge a pu autoriser un parent à emmener les enfants à 25h de voyage de l’autre parent, et sur sa propre demande de mutation ? Ce père, militaire de carrière, a utilisé la mobilité de l’armée et donc des moyens militaires pour parvenir à ses fins. Actuellement en escale à Los Angeles avec Hanna entre un vol de 12h et un autre de 10h, je réalise à quel point ce départ a toutes les allures d’un enlèvement d’enfant cautionné par l’État. Le cas d’Hanna est actuellement en cours d’examen à l’ONU ». 

Nous rappelons que le père des enfants est présumé innocent. Notre plateau lui est ouvert. Nous recevrons prochainement Hanna sur notre plateau et tiendrons nos lecteurs informés de la suite de ce dossier.

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