Surnommé « L’ogre des Ardennes », le tueur en série, condamné en 2008 à la perpétuité réelle, est mort. Il avait reconnu l’an dernier avoir tué Estelle Mouzin.
L’ogre », « le monstre », « le tueur des Ardennes » : affublé de ces surnoms lugubres, Michel Fourniret avait comme voisin de cellule le « routard du crime » Francis Heaulme et le « tueur de l’Est parisien » Guy Georges, incarcérés tout comme lui à la maison centrale ultrasécurisée d’Ensisheim, dans le Haut-Rhin. Ce violeur et tueur en série français, condamné en 2008 pour cinq meurtres et deux assassinats de jeunes filles commis entre 1987 et 2001, en France et en Belgique, est décédé lundi 10 mai dans l’après-midi à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière, à Paris, où il avait été hospitalisé en urgence et placé en coma artificiel pour insuffisance respiratoire. Michel Fourniret était âgé de 79 ans. Souffrant de troubles cardiaques et de la maladie d’Alzheimer, il avait été transféré il y a quelques mois au centre pénitentiaire de Fresnes (Val-de-Marne).
Ce pédocriminel égocentrique, manipulateur et dénué de tout remords, obsédé par la virginité des femmes et décrit comme « dangereux » et « violent » par tous les psychiatres qui l’ont approché, était l’un des rares détenus français, avec Pierre Bodein, dit « Pierrot le Fou », à purger une peine de perpétuité incompressible. Il emportera avec lui ses secrets dans d’autres affaires, notamment le meurtre d’Estelle Mouzin, disparue sur le chemin de l’école le 9 janvier 2003 à Guermantes (Seine-et-Marne) à l’âge de 9 ans, et dont le corps n’a jamais été retrouvé.
Après avoir nié durant des années être à l’origine de son enlèvement – « celle-là, c’est pas moi », aurait-il glissé à son épouse et complice Monique Olivier, avec laquelle il formait un couple diabolique –, il avait fini par avouer l’avoir tuée, le 6 mars 2020, lors de son audition par la juge d’instruction Sabine Khéris, qui l’avait mis en examen dans cette affaire. Monique Olivier, dont il était divorcé, avait fini par reconnaître lui avoir fourni un faux alibi. Toutes les fouilles organisées par la justice dans les Ardennes sont restées infructueuses. « On espérait rendre cette petite fille à son papa », déclarait encore, dépité, Me Didier Seban, l’un des avocats d’Éric Mouzin, après de nouvelles recherches menées le 29 avril dans le bois communal du village d’Issancourt-et-Rumel, où Monique Olivier avait reconnu avoir conduit son époux pour qu’il fasse disparaître le corps de la fillette. Estelle avait été séquestrée à quelques kilomètres de là, dans une maison appartenant à la sœur de Fourniret, où des traces d’ADN de la victime ont été retrouvées. La mort de l’auteur emportant extinction de l’action publique, ce crime restera juridiquement impuni.
Le trésor du « gang des postiches »
D’autres affaires, pour lesquelles « l’ogre des Ardennes » était inquiété, se refermeront de la même manière, notamment le meurtre de Marie-Angèle Domèce, disparue à l’âge de 19 ans en 1988 à Auxerre, ou celui de Lydie Logé, une autre jeune femme dont on n’a jamais retrouvé la trace, 27 ans après sa disparition, dans l’Orne. Fourniret était également mis en examen pour le meurtre de Joanna Parrish, jeune lectrice d’anglais au lycée Jacques-Amyot d’Auxerre, dont le corps a été abandonné en 1990 dans une rivière proche de cet établissement après avoir été violée, battue et étranglée.
Le « tueur des Ardennes » a en outre été condamné en 2018 pour l’assassinat de Farida Hamiche, qu’il avait entraînée dans une carrière de Clairefontaine (Yveline) et étranglée froidement, en 1988, pour mettre la main sur une partie du trésor du « gang des postiches », dont le compagnon de la victime – et ancien codétenu – Jean-Pierre Hellegouarch lui avait révélé l’existence en détention. « Il n’y a eu aucun aspect sexuel, il s’agissait seulement d’un transfert de propriété », avait déclaré Fourniret aux enquêteurs belges qui l’interrogeaient sur ce dossier. Avec les lingots d’or ainsi exhumés, l’ancien ouvrier métallurgiste avait pu entamer une carrière de châtelain en faisant l’acquisition d’un manoir du XIXe siècle en lisière de forêt de Donchery, dans les Ardennes.
La cruauté et le sang-froid dont Fourniret a fait preuve à cette occasion témoignent du caractère protéiforme de ses crimes, aussi bien guidés par une perversité totale que par l’appât du gain. Fourniret avait avoué de la même manière avoir tiré sur un représentant de commerce pour lui voler son portefeuille, avant de le laisser pour mort sur une aire d’autoroute, au milieu des années 1980.
« Je pars à la chasse »
Monique Olivier, qu’il avait rencontrée au parloir après avoir publié une petite annonce dans un magazine, évalue à une trentaine le nombre de crimes commis par son mari, grand amateur d’échecs et de l’œuvre de Dostoïevski. Son cynisme était digne de celui dont pouvait faire preuve le Dr Petiot. « Je pars à la chasse », avait-il coutume de dire avant de passer à l’acte, qualifiant ses petites victimes de « membranes sur pattes ».
Plusieurs empreintes génétiques prélevées sur des effets de Fourniret sont toujours en cours d’analyse après avoir été rapprochées d’une vingtaine d’affaires de meurtre ou d’enlèvement non élucidées, partout en France. Cette fois, Fourniret ne jouera plus au jeu du chat et de la souris avec les enquêteurs, une activité dans laquelle il excellait. Il est mort, ne laissant derrière lui que cadavres et désolation.