En France, l’Aide Sociale à l’Enfance (ASE) a pour mission de placer chaque année cent-soixante-dix mille enfants en danger. L’objectif est de les protéger et de les faire grandir en toute sécurité.
Pourtant, l’enquête menée pendant un an par les journalistes du magazine “Zone Interdite” montre les défaillances de tout un système et une réalité alarmante pour des milliers d’enfants. Foyers d’accueil où les ados sont livrés à eux-mêmes, hôtels insalubres où ils sont parqués pendant des mois, nous avons constaté peu d’évolution malgré notre enquête choc il y a trois ans. Pourquoi y’a-t-il toujours autant de dysfonctionnements ? Qui est responsable de ces défaillances ?
Une minuscule chambre d’hôtel délabrée, une armoire placée devant la fenêtre pour éviter un drame, voilà le décor quotidien d’une jeune fille de 16 ans depuis plusieurs mois. Déscolarisée, en grande détresse psychologique, elle n’attend qu’une chose : une place dans une famille d’accueil. Mais le système est saturé. Comme elle, près de dix-mille enfants seraient ainsi parqués dans des hôtels sociaux, encadrés par des éducateurs qui dénoncent une maltraitance institutionnelle. Sans parler du coût, entre 300 000 et 500 000 euros par an et par jeune placé.
Dans les foyers où vivent la moitié des enfants de l’ASE, le tableau n’est pas toujours plus rose. Il y a trois ans, “Zone Interdite” avait montré de graves défaillances et les départements avaient promis de prendre des mesures. Or, les équipes de “Zone Interdite” se sont de nouveau infiltrées et la situation est loin de s’être améliorée. Dans l’un de ces foyers, des ados se livrent quotidiennement au trafic de drogue, plutôt que d’aller à l’école. Dans un autre, des jeunes filles passent des nuits entières dehors pour se prostituer. Certaines jouent même les rabatteuses. Les éducateurs avouent leur impuissance. Quelles sont les conséquences de ces manquements ? Les statistiques sont accablantes : 70% des enfants placés sortent de l’ASE sans diplôme. 20% sont atteints d’un handicap physique ou mental, un SDF sur quatre est un ancien enfant placé.
Il existe bien sûr des cocons dans lesquels ces enfants s’épanouissent en toute quiétude. Comme chez Aline, dans l’Allier, qui héberge trois enfants de l’ASE dans sa propre famille. Malheureusement, cette de enquête de “Zone Interdite” révèle aussi de graves manquements dans le recrutement des familles d’accueil. Les journalistes se sont fait passer pour un couple souhaitant recevoir des enfants placés. Une simple rencontre a suffi. Le prestataire de l’ASE était prêt à leur confier plusieurs mineurs, en échange d’une indemnité alléchante : 1 500 euros net par mois et par enfant. Et cela sans rien savoir de ce couple et sans même contrôler son identité.