L’historienne Marion Sigaut devait donner une conférence dans les locaux de la faculté de lettres d’Aix-en-Provence le 17 avril dernier sur le thème : « Les enfants sous tutelle sous l’Ancien Régime : des secrets bien gardés ». Des « jeunes communistes » ont essayé d’empêcher cette conférence, mais elle eut finalement lieu en plein air, dans le parc Jourdan. Nous publions ci-dessous la lettre de Marion Sigaut au directeur de l’UFR de lettres, suivie d’un bref rappel du droit, ainsi que la vidéo de sa conférence.
La conférence:
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Lettre de Marion Sigaut au directeur de l’UFR de lettres de l’université d’Aix-Marseille
Lainsecq, le lundi 29 avril 2013
À l’attention de monsieur le doyen Pierre-Yves Gilles
Monsieur le doyen,
L’étudiant L. m’a sollicitée voici quelques mois pour que je vienne donner à Aix une conférence sur un de mes sujets de prédilection. Je me suis entendue avec lui pour traiter des enfants sous tutelle sous l’Ancien régime. J’ai choisi ce thème, à la fois parce qu’il est celui grâce auquel j’ai passé mon DEA, mais également parce que j’ai pu écrire et publier deux livres à partir de ces recherches.
L. a mis un certain temps à trouver une salle qui convienne. Ce genre de prestation, bien que je ne me fasse pas payer, coûte malgré tout en frais de déplacements, et aucun étudiant ne peut se permettre d’engager des frais sur sa cassette personnelle.
J’ai été ravie d’apprendre que j’allais parler dans un amphithéâtre de la faculté des Lettres : l’Université n’est-elle pas le lieu idéal pour parler culture et civilisation ? Le matin de mon départ de chez moi, j’ai été alertée par courriel que des « antifas » se vantaient de vouloir interdire mon intervention. J’en ai pris acte sans m’inquiéter outre mesure, puisque je me rendais à l’Université et non dans une quelconque arrière-salle de bistrot.
En début d’après-midi, L. m’a appelée pour me dire que vous désiriez me rencontrer avant ma prestation. Sans réussir à me faire comprendre de quoi il s’agissait, il m’a fait entendre qu’il pourrait y avoir des problèmes, et que vous désiriez me voir pour « fixer un cadre ». Il va sans dire que j’ai été honorée de cette demande, et que je m’attendais à vous rencontrer devant l’amphi A.
J’étais en train de discuter avec un groupe qui s’était constitué autour de moi dans un couloir, quand L. est arrivé, décomposé, et nous a annoncé que des jeunes bloquaient la porte de l’amphi et le couloir y menant. Ce qui s’est passé à 17h dans un couloir de la faculté des Lettres d’Aix-en-Provence est une honte. Un groupe de jeunes parlant par slogans que je croyais obsolètes depuis longtemps, avait fermé par une grille la porte de l’amphi, et faisait bloc pour m’en interdire l’accès, au titre, disaient-ils, que « les fachos ne parleraient pas ici ».
Comprenant à qui j’avais affaire et désireuse de satisfaire les gens qui s’étaient déplacés pour moi, je suis sortie avec le groupe et j’ai tenu ma conférence dans le parc Jourdan. Elle a été intégralement filmée, par deux vidéastes, et je pense qu’elle sera bientôt sur la toile. Vous pourrez alors prendre connaissance de ce qui m’amenait et qu’un groupuscule de jeunes communistes a prétendu censurer.
Je suis extrêmement choquée qu’une telle censure soit tolérée en France en général, dans une université en particulier. Il ne s’agit pas là d’une entrave à la liberté d’opinion, puisque je ne venais pas parler politique (encore cette objection aurait-elle été culottée, étant donné le nombre d’affiches de propagande qui tapissent les murs de cette faculté). Il s’agit bien de liberté d’expression : il n’a jamais été question que j’intervienne sur un autre sujet qu’historique.
Parler d’Histoire est-il interdit ? Y aurait-il un « historiquement correct » qui permette de s’exprimer ? En quoi un petit groupe de jeunes totalement ignares et passablement excités fait-il la loi chez vous ?
Il me semble, monsieur le doyen, que votre présence sur place n’aurait pas permis une telle absurdité, et j’imagine que c’est la certitude que tout allait bien se passer qui vous a suggéré de ne pas venir me rencontrer comme vous en aviez exprimé le souhait.
En espérant que vous aurez la gentillesse de m’expliquer les raisons de cette absence que je regrette, je vous prie d’agréer, monsieur le doyen, en même temps que mes respectueuses salutations à votre égard, l’expression de ma plus profonde indignation pour ce qui s’est passé.
Marion Sigaut
À propos de l’entrave à la liberté d’expression
Modifié par LOI n°2011-267 du 14 mars 2011 – art. 49
Le fait d’entraver, d’une manière concertée et à l’aide de menaces, l’exercice de la liberté d’expression, du travail, d’association, de réunion ou de manifestation ou d’entraver le déroulement des débats d’une assemblée parlementaire ou d’un organe délibérant d’une collectivité territoriale est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende.
Le fait d’entraver, d’une manière concertée et à l’aide de coups, violences, voies de fait, destructions ou dégradations au sens du présent code, l’exercice d’une des libertés visées à l’alinéa précédent est puni de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende.
Les menaces peuvent être tout acte d’intimidation qui inspire la crainte d’un mal.
Les personnes physiques coupables de l’une des infractions prévues par l’article 431-1 encourent également les peines complémentaires suivantes :
1° L’interdiction des droits civiques, civils et de famille, suivant les modalités prévues par l’article 131-26 ;
2° L’interdiction, suivant les modalités prévues par l’article 131-27, d’exercer une fonction publique ou d’exercer l’activité professionnelle ou sociale dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de laquelle l’infraction a été commise ;
3° L’interdiction de détenir ou de porter, pour une durée de cinq ans au plus, une arme soumise à autorisation.
Source: http://www.egaliteetreconciliation.fr/Conference-de-Marion-Sigaut-a-Aix-en-Provence-17924.html