Les chroniques de Svali n°27 – Interview de Jeannie Riseman

par Svali

Occasionnellement il y a des survivants avec un don spécial qui choisissent d’utiliser cette capacité pour aider d’autres survivants. Jeannie Riseman est dans ce cas. C’est un écrivain et un éditeur talentueux et le fruit de son travail est visible dans le magazine  »Survivance » (Survivorshiphttp://www.survivorship.org/), créé par Caryn Stardancer, que Jeannie édite aujourd’hui.

Jeannie a aussi créé la page d’accueil de Ritual Abuse, l’un des sites ressource les plus anciens (et l’un des meilleurs!) du web, que vous soyez un survivant qui veut témoigner sur les abus rituels ou une personne-ressource ou un thérapeute qui veut trouver de plus amples informations. Elle a passé des heures à rassembler des informations et à les classer par index sur son site.

Jeannie a gracieusement accepté d’être interviewée et de partager des éléments de son passé avec nous.

Question : Jeannie, comment en es-tu venue à dénoncer les abus rituels et/ou le contrôle mental ? Qu’est-ce qui t’a fait prendre cette décision ? Comment as-tu trouvé le courage de parler ?

Réponse : Cela fut instinctif. Quand je me suis souvenue de mon tout premier abus, l’une de mes premières pensées a été  »C’est un homme politique. » J’ai commencé à en parler à tout le monde sous le soleil et n’ai pas cessé de parler depuis.

Q : De quelle façon as-tu commencé à te souvenir de ton propre trauma ? Y-a-t-il eu des facteurs qui ont déclenché ce processus du souvenir ? As-tu cherché à valider tes souvenirs ? Si c’est le cas, qu’as-tu trouvé ?

R : Mes parents et mon mari étaient décédés et mes enfants étaient élevés et autonomes. Je n’étais responsable que de moi-même, ce qui m’a semblé vraiment déterminant.
Je suis en fait une des rares personnes que je connaisse qui a découvert en thérapie les abus vécus. Mon thérapeute, à qui je faisais confiance et que j’aimais, a décidé de tenter un petit exercice de type Gestalt, où deux personnes se repoussent avec les mains (ce qui est supposé pouvoir dire  »non » plus facilement ou quelque chose du genre). Comme il était très grand, il s’est agenouillé pour se mettre à mon niveau et je me suis revue dans un flash à l’âge de 4 ans avec un homme à genoux en train de faire son affaire. Mon pauvre thérapeute n’a pas compris pourquoi je sanglotais et restais muette !

Cela a libéré une foule de souvenirs, mon premier viol par un homme, ensuite des souvenirs du groupe et le vécu dans la secte. Je ne peux valider aucun souvenir, peut-être parce que ceux de la génération avant moi sont morts pour la plupart. Et la nôtre était une tradition orale ; nous ne gardions rien par écrit.

Q : Quelles ont été tes expériences avec l’une ou l’autre ou les deux combinaisons pour: a) contrôle et programmation par la secte b) contrôle mental par le gouvernement c) tout autre genre d’abus intentionnel ?

R : Il y a environ cinq ans, j’ai pu reconstituer un système de programmation élaboré, que j’ai ensuite rédigé. J’en suis venue peu à peu à croire que j’ai été un des premiers sujets d’expérimentation du contrôle mental de New York (dans les années 40). Au début de mon adolescence, j’ai été virée avant d’avoir reçu la programmation complète. Je pense que ce projet, ou ce sous-projet, a été abandonné. Je n’ai jamais rencontré quelqu’un avec une programmation qui ressemble à la mienne.
Je ne sais pas le nom des gens impliqués ni les endroits où cela a eu lieu, mais je pense que les personnes et le(s) site(s) avaient à voir avec le milieu universitaire.

Q :Penses-tu qu’il existe des groupes organisés qui sont engagés dans ceci ? Pourquoi font-ils cela aux gens, à ton avis ?

R : Oui, sans l’ombre d’un doute. Ils font ça pour le pouvoir soit pour leur avancement personnel soit pour la  »sécurité nationale ».

Q : De nombreux survivants doivent lutter pour leur traitement avec une société qui ne les croit pas, avec leur propre souffrance intérieure, et l’absence de validation par les membres de leur famille. Que leur diriez-vous ? Que pensez-vous de ces problèmes ?

R : J’ai fait le choix de m’entourer de gens qui me croient, au moins la plupart du temps. Je ne fréquente pas ceux qui doutent de moi – je n’ai qu’à dire  »bien, je pense que nous ne sommes pas d’accord » et je laisse tomber. Il y a un certain pouvoir à dire à une personne qui peut penser si elle en a envie que tu es psychotique, que tu t’en fiches, et à agir ensuite de manière complètement sensée et rationnelle. J’ai la chance que tous les gens que j’aime vraiment me croient.

Finalement, Jeannie nous fait partager quelques excellentes idées sur la manière dont des survivants peuvent se soutenir mutuellement et sur les pièges à éviter :

Il est important de communiquer nos expériences autant que possible – aussi bien sur les abus et les façons de guérir. Plus nous en savons, plus nous pouvons replacer nos expériences dans leur contexte, mieux c’est. La communication touche la base même de la programmation en démontrant qu’il est possible de parler et de vivre pour parler de nouveau. Cela contrebalance l’isolement, les impressions d’être  »fou » et le mensonge que nous  »leur » appartenons éternellement.

Je pense qu’il est important d’éviter le regard des autres si nous voulons éliminer notre souffrance ou nous  »réparer », et il est également important de ne pas essayer de contrôler les autres survivants. Aucun de nous ne possède toutes les réponses : il n’y a que collectivement que nous pouvons bâtir une base de connaissances sur la manière de vivre avec dignité après des abus aussi extrêmes.

Traduction Hélios pour pedopolis

Source (page 104): http://www.fichier-pdf.fr/2012/11/24/ritual-abuse/

 

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