Les Chroniques de Svali n°26 – Survivre à la torture

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par Svali

J’avais quatre ans et j’étais ligotée sur une chaise. Des sangles rembourrées immobilisaient mes bras, mes poignets et mes pieds, mon cou et ma tête étaient coincés dans un système empêchant tout mouvement. Une femme s’avança vers moi, en me parlant tout bas en allemand d’une voix dure. Quand je ne répondais pas correctement, elle s’approchait de moi, son visage coléreux juste au-dessus du mien terrifié. Lentement, méthodiquement, elle prenait la cigarette coincée entre ses lèvres et la dirigeait vers ma cuisse nue. Elle gardait la cigarette là pendant que je hurlais. La femme était ma mère et la petite cicatrice ronde est toujours là aujourd’hui.

C’est l’un des sujets les plus difficiles à écrire pour moi, mais toute discussion sur les abus rituels est incomplète si on ne l’aborde pas. C’est un sujet pas très populaire, l’un de ceux que beaucoup préféreraient éviter. Un sujet sur lequel on passe rapidement dans des discussions sur les abus rituels en parlant de  »dysfonction », de  »traumatisme », de  »souffrance » ou  »d’abus ». Mais pour un enfant qui grandit dans une secte satanique ou luciférienne, il n’y a qu’un seul mot qui décrive la réalité vécue. Ce mot est torture.

Dans ces groupes, les enfants sont victimes de tortures physiques, psychologiques et sexuelles sous sa forme la plus extrême et doivent apprendre à se débrouiller avec cette réalité accablante. Ils doivent vivre en réalisant que les gens qui les torturent sont leurs parents, grand-parents, tantes, oncles, cousins et leurs frères et sœurs et gérer les conséquences de la honte et de la trahison. Cet article donne une vision des effets de la torture par celui qui la vit.

Le Centre Canadien pour les Victimes de Torture (CCVT) possède une liste de symptômes psychologiques qui surviennent à la suite de torture, en vrac :  »anxiété, dépression, irritabilité, paranoïa, culpabilité, méfiance, troubles sexuels, perte de concentration, confusion, insomnie, cauchemars, déficit et pertes de mémoire. »

 »Ces symptômes apparaissent lorsqu’un individu se révolte rageusement contre la violation de son territoire légitime, qu’il soit physique ou psychologique. » Les cauchemars représentent une recherche inconsciente pour résoudre l’affreuse souffrance de ce traumatisme ; la méfiance et la paranoïa parlent de la confiance instinctive en l’humanité qui a été irrévocablement ruinée. La personne qui a enduré et survécu à la torture ne sera plus jamais la même. Les pertes de mémoire se produisent lorsque la psyché tente désespérément de faire obstacle aux horreurs endurées, souvent par une dissociation ou autre mécanisme bloquant. L’auteur poursuit :

 »Les survivants de tortures sont souvent peu désireux de livrer les informations de leurs expériences. Ils peuvent être méfiants, effrayés ou s’efforcer d’oublier ce qui est arrivé. Leur ressenti peut les décourager de demander l’aide dont ils ont besoin. »

Cet article a été écrit pour du personnel médical face à des victimes de torture sous les régimes totalitaires d’Amérique du sud et d’autres pays, mais les symptômes sont les mêmes pour le survivant d’un abus rituel. L’individu rejette souvent sur lui-même la responsabilité de son passé de torture, surtout si cela s’est passé dans la petite enfance. La torture grave à l’intérieur le profond sentiment que quelque chose ne tourne pas rond, quelque chose qui fait que les autres l’agressent ou abusent d’elle. On conseille aux infirmiers :  »Par exemple, il est important de se souvenir que ceux qui cherchent une aide psychiatrique sont des gens au départ en bonne santé qui ont été systématiquement soumis à un traitement prévu pour détruire leur personnalité, le sens de leur identité, leur confiance et leur capacité à fonctionner en société… »

Les survivants d’abus rituel combattent souvent ces mêmes choses. Ce sont souvent des personnes claires, compétentes, qui fonctionnent parfaitement et qu’on qualifierait de douées, mais la destruction de leur soi a fait tellement de dégâts qu’elles seront rarement capables d’atteindre leur potentiel social ou émotionnel. Les survivants de torture peuvent craindre les procédures médicales :

 »Des médecins (parfois croisés en prison qui viennent s’informer du nombre d’abus que les tortionnaires peuvent faire endurer à leur victime ou la manière de causer le maximum de souffrance sans tuer la victime)… »

Les médecins ritualistes accomplissent cette même fonction, et aussi se serviront de leurs compétences médicales pour réparer les dégâts faits après une séance particulièrement intense.
 »Les thérapeutes ont besoin de comprendre que les instruments chirurgicaux et d’examen ainsi que les procédures médicales peuvent être les mêmes que ceux utilisés pour torturer, toutes les procédures devraient donc être soigneusement expliquées. Certains traitements, comme la kinésithérapie, ont besoin d’être faits en prenant particulièrement conscience de la possibilité d’un seuil de souffrance très limité. »

 »Les survivants de torture et leurs familles peuvent aussi perdre certaines valeurs et croyances auxquelles elles adhéraient avant qu’ils ne subissent le traumatisme. Ils peuvent être incapables de faire confiance et deviennent de ce fait désillusionnés. »

L’une des luttes courantes dont témoignent les survivants d’abus rituel et de torture est une difficulté dans le domaine de la confiance et de l’intimité. Même pour ceux qui échappent aux abus rituels, la peur constante d’être enlevés ou renvoyés à leurs tortionnaires va instiller une méfiance des autres. Seuls les personnes qui avec le temps prouveront qu’elles sont sécurisantes et fiables feront partie du souvent très petit cercle de ceux auxquels le survivant fait confiance.

 »Le Dr Philip Berger, l’un des fondateurs du CCVT, a exposé que lorsqu’il a démarré en 1977 ses sessions sur la torture pour les professionnels de la médecine, on ne le croyait pas. On lui disait que la torture a probablement existé quelque part et a été pratiquée parfois, mais pas au point de nécessiter une réponse spécialisée. Ce déni fonctionne à plusieurs niveaux. La torture est une pratique barbare, que la plupart des gens préfèrent éviter. Ce refus se passe à au moins trois niveaux : déni de la part de la victime ; déni de la part de celui qui aide ; et déni de la part de la société dans son ensemble. C’est l’étendue de ce déni qui autorise autant la pratique de la torture que la continuation et la survivance de ses effets.

Si ceci est vrai pour une torture documentée des victimes de régimes totalitaires autour du monde, combien convaincante est la défiance et le déni pour la poursuite de tortures sur des enfants innocents perpétrées dans des groupes occultes. La société pratique souvent un refus total de ce sujet, ou même sa négation, parce que le reconnaître signifierait perdre la  »zone de confort » où vit presque tout le monde. Le défi de guérir pour un individu qui a subi une vie de torture est cela : Reconnaître des sentiments, y compris la rage, vécus en reconnaissant l’impuissance ayant entraîné une lutte contre la profonde résistance intérieure à se souvenir ou reconnaître ce qui est arrivé (il n’est pas nécessaire de se rappeler tous les souvenirs mais une certaine reconnaissance de ce qui est arrivé est une part importante de la guérison et de l’intégration). Apprendre que le survivant a les outils pour changer. Apprendre que ce n’était PAS de la faute du survivant (les survivants traîneront souvent une faible image d’eux-mêmes en réponse à la torture). Apprendre à annuler les messages donnés sous la torture, et les remplacer par un vrai enseignement pour surmonter la peur induite par la torture, à faire face à un vieux système de croyances et d’anciens moyens d’agir. Réaliser que ce n’était pas la faute de Dieu (de nombreux survivants luttent contre cette idée, se demandant pourquoi Il a permis la torture, ou pourquoi c’était EUX qui devaient la subir). Pardonner à ceux qui ont tourmenté le survivant (seulement après avoir franchi les étapes ci-dessus). Reconnaître le passé et ensuite regarder devant vers un aujourd’hui meilleur.

La torture laisse souvent des marques durables, tant physiques que psychologiques sur le survivant, mais avec du temps et un soutien, il est possible de guérir. L’un des aspects de la guérison est de prendre conscience des effets durables de la torture, qui ne commence à être documentée qu’aujourd’hui dans la littérature médicale, de reconnaître ces symptômes s’ils se produisent, et de franchir les étapes vers le soulagement et la guérison des causes sous-jacentes.

Un autre aspect de la guérison viendra lorsque les survivants de cette forme extrême d’abus seront capables d’en parler et lorsque la société arrêtera de nier ce qui se passe et commencera à agir pour stopper ces abus.

Svali

Traduction Hélios pour pedopolis

Source (page 100): http://www.fichier-pdf.fr/2012/11/24/ritual-abuse/preview/page/100/

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