La polémique sur l’émission Les Infiltrés (diffusée ce soir sur France 2) intéresse la presse nationale. Le journaliste qui s’est fait passer pour un pédophile avant de dénoncer à la police ses contacts a-t-il eu raison ou tort ?
« En dénonçant à la police des pédophiles présumés piégés par ses journalistes sur le Net, ses réalisateurs affirment faire œuvre de justice et ne pas avoir eu le choix. C’est faux. Ils avaient le choix. Ils ont contrevenu à deux règles fondamentales de notre profession. Ne pas usurper une identité et faire état dès les premiers contacts de sa qualité de journaliste. Ce qui aurait évité le viol d’une seconde règle: le respect absolu des sources. Faudra-t-il désormais donner les sans-papiers ou les membres d’ETA, eux aussi dans l’illégalité, lorsque l’on réalise des reportages sur le travail au noir ou le terrorisme? » demande l’éditorial de François Sergent
Hervé Chabalier, le patron de Capa : « On ne dénonce pas, on signale (…) On ne dénonce pas des personnes, on signale des agissements, et on signale des pseudonymes. Mais en fait, peu importe. Ça fait quarante ans que je protège mes sources, là, ce ne sont pas des sources, nous avons fait notre enquête nous-même. »
« Se faire passer pour un pédophile, ce n’est plus du journalisme… »« Si. Le journalisme, c’est essayer de se confronter à se qui se passe. Notre travail, c’est de montrer, c’est de mettre la lumière sur ce qui reste dans le noir alors qu’on veut nous fermer la porte à la gueule. Notre métier est modeste: il est de raconter ce qui se passe réellement dans notre pays. »
Le Figaro mardi 6 avril 2010
« Un journaliste peut-il, dans des circonstances extrêmes, dénoncer les criminels rencontrés dans le cadre de son enquête ? » demande Le Figaro.
« Après plusieurs mois d’enquête au coeur des réseaux pédophiles sur Internet, le journaliste Laurent Richard a dénoncé les prédateurs sexuels qui avaient accepté de lui parler. Vingt-deux hommes ont été interpellés. L’un d’eux a été incarcéré. (…) Aux yeux de Me Jean-Yves Dupeux, spécialiste du droit de la presse, la démarche relève d’un « regrettable mélange des genres » . « En se faisant auxiliaire de police, le journaliste sort de son rôle, estime l’avocat. (…) son obligation déontologique, issue de toute la tradition de son métier, est de ne pas dénoncer ses sources. » Le secret des sources, qui permet d’instaurer une relation de confiance, est un gage de crédibilité du journaliste. (…) La semaine dernière, dans un tout autre contexte, le problème de la responsabilité des journalistes avait été soulevé par la diffusion d’un reportage sur des trafiquants de drogue à Tremblay-en-France (Seine-Saint-Denis). »
Le Parisien /Aujourd’hui en France mardi 6 avril 2010
Hervé Chabalier, le patron de Capa, est catégorique « Notre travail n’est pas celui de police, mais de citoyens. N’importe qui sachant que quelqu’un va violenter une gamine va le dénoncer »
« Le Syndicat National des journalistes s’est dit «scandalisé» »
L’occasion de lire notre observatoire Journalistes télé, et auxiliaires de police?
Gilles Klein