Un appelé affirme que l’armée a été informée par des écoutes de la police de Djibouti de l’assassinat du magistrat ; Gérard Longuet dément.
L’armée française a été informée de l’assassinat du juge Bernard Borrel, via des écoutes de la police djiboutienne, peu après son décès, selon le témoignage d’un militaire français en poste à Djibouti à l’époque et révélé mercredi 21 décembre par la radio France Culture.
Magistrat détaché à Djibouti, Bernard Borrel a été retrouvé mort le 19 octobre 1995, le corps en partie carbonisé, en contrebas d’un ravin, à 80 km de Djibouti. L’enquête française a privilégié dans un premier temps la thèse du suicide avant de retenir celle d’un assassinat après de nouvelles expertises.
Ce témoignage provient d’un appelé en poste au sein d’une unité chargée des écoutes au sein de l’armée française à Djibouti à l’époque des faits.
« Un jour, j’ai entendu dire au centre qu’un homme avait été immolé par le feu par des personnes du nord du territoire à l’aide de jerricanes d’essence. C’était un Français qui avait été brûlé non loin du Goubet. C’était dans la ville d’Arta », a-t-il déclaré à la juge Sophie Clément en juillet.
Le corps de Bernard Borrel a été retrouvé près du Goubet.
« Il a été tué »
« On n’était pas censé entendre les écoutes mais on vivait en permanence avec des militaires qui procédaient aux écoutes. C’était vers 11 heures-midi, je ne sais même pas si nous n’étions pas à table. L’information venait de sortir », a ajouté le témoin.
« C’était une information provenant de la surveillance des communications internes de la police djiboutienne », a-t-il précisé.
Selon ce témoin, la Prévôté (détachement de la gendarmerie en charge de la police militaire) est alors « intervenue », a-t-il dit sans savoir de quelle façon.
« Aujourd’hui je peux donc affirmer que M. Borrel ne s’est pas suicidé. Il a été tué et des militaires étaient au courant », a-t-il ajouté.
« La recherche de la vérité, c’est très bien »
Gérard Longuet, ministre de la Défense, interrogé jeudi à ce sujet, a assuré que « l’armée ne savait pas ».
« L’armée ne savait pas. Si l’armée savait, elle a l’obligation, c’est dans le code pénal, article 40, de transmettre au magistrat toute information sur une affaire juridique », a déclaré Gérard Longuet sur France 2.
Va-t-il lever le secret défense, comme le demande la veuve du juge Borrel? « Naturellement, mais il y a une procédure », a répondu le ministre. « Toute demande de levée du secret défense passe par une commission composée de trois magistrats et deux parlementaires, un de la majorité et un de l’opposition », a-t-il expliqué.
« La recherche de la vérité, c’est très bien, l’armée française, pour sa part, n’a rien à cacher », a affirmé Gérard Longuet.
Quant au témoin, « s’il savait depuis 1995, il fallait le dire immédiatement au juge », a observé Gérard Longuet. « Le juge se retourne vers l’armée et nous demande des documents et tous les documents qui seront demandés par le magistrat seront délivrés au juge. »
Multiples enquêtes
Magistrat français détaché à Djibouti, Bernard Borrel avait été retrouvé mort le 19 octobre 1995, le corps en partie carbonisé, en contrebas d’un ravin, à 80 km de Djibouti. L’enquête française a privilégié dans un premier temps la thèse du suicide, avant de retenir celle d’un assassinat après de nouvelles expertises.
L’enquête française menée à Paris par la juge Clément privilégie désormais la thèse d’un assassinat. Des témoignages, dont celui de l’ex-membre de la garde présidentielle Mohamed Saleh Alhoumekani, mettent directement en cause le président Guelleh et son entourage.
Parallèlement à l’enquête criminelle, deux enquêtes judiciaires ont été menée en France dont l’une pour pressions sur la justice. Dans l’une d’elle, deux proches du président Guelleh ont été soupçonnés d’avoir fait pression sur deux témoins dans l’enquête sur la mort du juge français, avant d’être relaxés par la justice française.
L’affaire Borrel a empoisonné pendant des années les relations entre Paris et son ex-colonie, où la France dispose de sa plus importante base militaire à l’étranger avec près de 3.000 hommes.
Source: http://tempsreel.nouvelobs.com/societe/20111222.OBS7342/affaire-borrel-l-armee-francaise-informee-du-meurtre-des-1995.html