«Repenser les délais de prescription». C’est le combat de Cécile K…, 40 ans, victime de viols en 1977, lorsqu’elle avait 5 ans, mais qui n’a pas pu déposer plainte dans les délais légaux en raison d’une amnésie consécutive au crime. C’est au cours d’une thérapie que la victime a pris conscience des viols en 2011, se souvenant de détails très précis concernant son agresseur, les circonstances et les lieux.
Des faits confirmés par une enquête de gendarmerie qui a retrouvé l’auteur présumé des viols. Mais, aux yeux de la loi, les faits sont prescrits . La cour d’appel de Poitiers (Vienne) a d’ailleurs confirmé cette prescription ce mardi. Désormais, comme le révèle Le Parisien, ce sera au tour de la cour de Cassation de se prononcer. Un pourvoi devant la haute juridication doit être formé dès ce mercredi.
«Un enfouissement du souvenir qui maintient la victime dans l’ignorance»
«Il n’y a aucune raison que les délais de prescription soient différents en raison du statut des victimes. Il faut les repenser et tout mettre à plat», tempête Me Gilles-Jean Portejoie, l’avocat de Cécile qui estime que le viol a provoqué chez l’enfant qu’était cette femme «un enfouissement du souvenir» et «a eu pour effet de maintenir la victime dans l’ignorance des faits délictueux alors même qu’elle était la seule à pouvoir les dénoncer et à porter plainte». Une plainte déposée hors délais et rejetée. Pour l’avocat le début de la prescription ne devrait courir qu’à partir «du moment de la découverte des faits et non de leur commission comme c’est le cas pour un abus de bien social».
La cour de cassation appelée à uniformiser les règles de la prescription
L’avocat qui mène un combat de longue date souhaite que les magistrats de la plus haute juridiction «uniformisent les prescriptions» car «depuis deux siècles le législateur n’a pas eu le courage de faire le tri» et «ne s’est pas aperçu que, depuis, la durée de vie a doublé et que les progrès de la police scientifique permettent désormais de rechercher des preuves là même où on ne les soupçonnait pas». Un argumentaire qu’il entend bien soumettre à la cour de cassation. «La prescription, c’est certes le droit à l’oubli mais pour qu’il y ait oubli, il faut savoir et quand on n’a pas su, on ne peut agir», explique l’avocat déjà saisi d’autres plaintes de même nature. Pour lui, la prescription, telle qu’elle existe n’a plus de sens.
«Les victimes de crimes sexuels dans leur enfance souffrent vingt ans après»
Quant à la victime, Cécile, cadre de la communication, elle estime que de «trop nombreuses victimes, hommes ou femmes, qui ont subi des crimes sexuels dans leur enfance souffrent dix ans, quinze ans, vingt ans après de conséquences de ces crimes aux effets imprescriptibles». «Il nous semble utile, ajoute t-elle, de convaincre le législateur de repenser les délais de prescription car ce serait une manière de protéger davantage les enfants des pédophiles qui croient pouvoir s’en prendre en toute impunité à leurs victimes». Certains experts psychiatres redoutent la confusion entre «le besoin légitime de justice et la nécessaire thérapie». «Pour moi, la procédure judiciaire n’est pas une thérapie. De ce côté, je suis prise en charge. La thérapie n’apporte pas de réponse légale», rétorque Cécile dont l’agresseur a refusé la confrontation avant de menacer de porter plainte contre elle pour harcèlement. Un homme qui a déménagé souvent, sans aucune raison professionnelle ou autre. Un signe intriguant pour les gendarmes qui, en raison de la prescription, n’ont plus le droit de poursuivre leurs investigations.