Ouest France Affaire Borrel: Le témoin-clé veut parler aux juges français

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Photo: Mohamed Alhoumekani, lors de son passage en France, à Lisieux, en 2010. | Archives Ouest-France.

Il est l’un des témoins clés dans l’affaire de la mort non élucidée de Bernard Borrel.

Au terme d’une fuite rocambolesque au Yemen, un ancien officier qui met en cause le président de Djibouti dans la mort du magistrat Bernard Borrel, explique les pressions subies pour qu’il se taise.

Mohamed Saleh Alhoumekani a retrouvé sa famille à Bruxelles. Il est l’un des témoins clés dans l’affaire de la mort non élucidée de Bernard Borrel, ce magistrat français, ancien procureur de Lisieux, retrouvé brûlé en 1995, à Djibouti.

Asile politique en Belgique

De nationalité belgo-yéménite, Alhoumekani était officier à la garde présidentielle à Djibouti, le 19 octobre 1995, quand il a entendu cinq personnes annoncer la mort de Bernard Borrel au président Ismaël Omar Guelleh. « Le juge fouineur est mort, il n’y a plus de traces. »

Depuis, Mohamed Alhoumekani a obtenu l’asile politique en Belgique, où il a été entendu par la juge française Morrachini, en 2000.

Emprisonné pour dénonciation calomnieuse

Le 23 août dernier, il est arrêté à sa descente d’avion à l’aéroport de Sanaa, la capitale du Yémen. « Un policier m’a dit : c’est Djibouti qui a mis un arrêt international contre toi », relate l’ex-officier à Ouest-France. Il comprend vite : son témoignage continue de déranger le président djiboutien.

Alhoumekani est emprisonné pendant trois mois pour dénonciation calomnieuse contre l’État djiboutien. Au cours de cette détention, le chef d’état-major des armées djiboutien, un député et l’ambassadeur de Djibouti auraient tenté de le faire revenir sur son témoignage. « Je dispose de tous les enregistrements et d’engagements écrits prouvant cette négociation. »

Le président Guelleh aurait réclamé – en vain – son extradition en promettant « un million de dollars ». Mais il tient bon : « Ils m’ont dit : vous devez dire que ce sont des personnes malveillantes en France qui vous ont dicté ce témoignage, et que vous l’avez fait dans un moment de faiblesse et à des fins personnelles. »

Libéré sous la pression de la Belgique

Il est finalement libéré, au début octobre, sous la pression de proches et de la Belgique. Avant de rentrer en Europe le 23 novembre, Alhoumekani a échappé à une dernière intimidation : deux balles touchent sa voiture. C’est finalement grâce à un « pays occidental » dont il préfère taire le nom qu’il parvient à quitter clandestinement le pays « sans carte d’identité ni passeport ». Il met au défi la présidence de Djibouti de contester ce nouveau témoignage.

Mohamed Alhoumekani veut que la justice française lève ses doutes. « Est-elle indépendante ou bien, comme me l’a affirmé l’ambassadeur de Djibouti au Yémen, la France a-t-elle fait des promesses pour que l’affaire soit classée ? Si elle est indépendante, alors je suis, de nouveau, à sa disposition pour témoigner. » Un message qu’Élisabeth Borrel, la veuve du juge, pourrait relayer ce vendredi aux deux juges d’instruction français.

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