France Tv info Procès Outreau : le face-à-face glaçant de Thierry Delay avec ses enfants

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Condamné à vingt ans de prison en 2004 pour viols et agressions sexuelles à l’encontre de douze enfants, dont les siens, Thierry Delay a maintenu mardi qu’il ne connaissait pas Daniel Legrand, l’accusé de ce « troisième procès Outreau ».

La scène est toujours la même. L’image saute puis se stabilise. Un visage apparaît à l’écran, un peu figé. Les témoignages par visioconférence sont nombreux au troisième procès Outreau. Certains ont été plus marquants que d’autres. C’est le cas de celui du juge Burgaud, vendredi dernier, et de celui de Thierry Delay, mardi 26 mai.

L’ex-mari de Myriam Badaoui, condamné à vingt ans de prison pour viols et agressions sexuelles sur douze enfants, dont les siens, a été entendu par la cour d’assises des mineurs d’Ille-et-Vilaine, alors que le procès de Daniel Legrand entre dans sa deuxième semaine.

Crâne dégarni, joues creusées et barbe fournie, Thierry Delay, 51 ans, a le teint livide des détenus de longue durée. Sur les quatre condamnés de l’affaire, il est le seul à être toujours en prison. Comme il l’a indiqué à une question de la partie civile, il souffre de sclérose en plaques.

Daniel Legrand ? « Connais pas »

Sur les faits qui occupent la cour, à savoir la mise en cause de Daniel Legrand pour des viols et des agressions sexuelles qu’il aurait commis sur les quatre enfants Delay du temps de sa minorité, Thierry Delay formule la même réponse qu’aux procès de Saint-Omer (2004) et de Paris (2005) : « Connais pas ». Pas plus que Daniel Legrand père (aujourd’hui décédé et acquitté en 2004, un an avant son fils). Thierry Delay maintient qu’ils n’étaient « que quatre » dans l’appartement de la Tour du Renard à Outreau à « commettre des choses » sur les petites victimes : lui, Myriam Badaoui, David Delplanque et Aurélie Grenon (les trois autres condamnés du dossier).

Il conteste, en revanche, avoir violé et agressé sexuellement d’autres enfants que les siens (huit, selon le verdict de Saint-Omer). « Pourquoi ne pas avoir fait appel ? » s’enquiert le président Philippe Dary. « Je voulais garder ma condamnation pour moi », répond-il.

« J’ai jamais commis aucun meurtre »

Sa parole est avare, ses réponses laborieuses et mal articulées. Mais, de mémoire de chroniqueurs judiciaires présents aux deux premiers procès, Thierry Delay n’a jamais été aussi prolixe. Le meurtre d’une fillette en Belgique, inventé par Daniel Legrand puis confirmé par Myriam Badaoui et ses enfants ? « J’ai jamais commis aucun meurtre. J’ai eu un non-lieu », en 2007, souffle le témoin dans le micro. Un réseau de cassettes pédophiles ? « J’ai jamais acheté de cassettes d’enfants », assure-t-il, démentant en outre avoir filmé les siens.

Le président Philippe Dary l’interroge sur le viol de ses enfants, qui a commencé à Noël 1995, quand Chérif, 5 ans, a reçu une cassette pornographique en guise de cadeau.

- Le président : « C’est comme ça que les faits ont commencé. Pourquoi ?

- Thierry Delay : Je sais pas.

– Vous avez tous les deux [Thierry Delay et Myriam Badaoui] été d’accord pour abuser de vos enfants ?

- Oui.

- Pourquoi ?

- L’alcool. »

« Je n’ai plus peur de toi »

Ses deux fils, parties civiles et présents dans la salle, fixent l’écran. Ils ne l’ont pas vu depuis plus de dix ans. Un face-à-face désincarné mais glaçant. A la demande de son avocat, Me Léon-Lef Forster, Chérif, 25 ans, est autorisé à s’avancer à la barre pour parler à son beau-père. « Est-ce que tu vois qui je suis ? » lui demande-t-il. « Oui, Chérif », répond Thierry Delay, le regard vide. « Merci, c’est la première fois que tu m’appelles Chérif. » Le jeune homme avait été reconnu mais rebaptisé Kevin. Il poursuit, exhibant son avant-bras : « Tu vois cette couleur ? C’est mes origines et j’en suis fier. » Thierry Delay écoute sans broncher. « Je fais 1m82 aujourd’hui et j’ai plus peur de toi. Je te vois dans mes cauchemars, mais, quand je te vois là, tu me fais pitié, j’ai plus rien à dire, t’es qu’une merde », hurle-t-il, avant de quitter la salle.

C’est au tour de Jonathan de s’avancer à la barre. Plus posé, il lit un morceau de papier, les mains tremblantes. « Tu confirmes qu’il n’y avait pas d’autres adultes ? » Après s’être fait traduire la question par le président, Thierry Delay confirme qu’ils n’étaient que quatre.

« Tu n’as pas de souvenirs de nous avoir filmés ?

- Non, répond son père.

– Tu peux m’expliquer pourquoi avoir commis toutes ces choses ?

– J’avais pas ma tête à moi, j’étais pas dans un état normal. »

Myriam Badaoui entendue mercredi matin

Le garçon de 21 ans quitte la salle lui aussi. A l’extérieur, il confie à des journalistes de l’AFP TV : « C’est un choc psychologique pour moi. (…) Même après toutes ces années, il n’arrive pas à se remettre en question et à véritablement dire qu’il y avait d’autres personnes. J’aurais souhaité qu’il le fasse. » Comme son frère Chérif, Jonathan a accusé pour la première fois Daniel Legrand, la semaine dernière, d’avoir fait partie de ses agresseurs.

L’accusé, comme absent à lui-même depuis le début du procès, se réveille un peu en cette fin de journée. Thierry Delay « a dit la vérité, qu’il ne me connaissait pas. J’espère que Myriam Badaoui dira la vérité comme lui », explique-t-il à la presse. Cette dernière sera entendue mercredi matin. D’elle, son ex-mari concède qu’elle était « un peu mythomane ».

Dans la salle, l’image de Thierry Delay sur l’écran a disparu. Elle a été remplacée par celle de deux petites têtes brunes, qui discutent de façon animée avec un adulte. Il s’agit de Jonathan et de Chérif enfants, entendus par la brigade des mineurs. Le son est de piètre qualité. L’audience s’achève avec leurs mots, inaudibles.

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