Outreau une mise au point Outreau 3 (Jour 7) Compte-rendu de l’audience du Jeudi 28 Mai 2015

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1. M. Ringot

Le début de matinée a été consacré, près d’une heure durant, à l’audition d’un surveillant qui se trouvait à la prison de Loos et qui a recueilli les « confidences » de Daneil legrand sur ses aveux bidons.

Au retour d’une visite au trbunal, Daniel Legrand, alors incarcéré en isolement à Loos, a dit à ce surveillant qu’il avait parlé du meurtre pour sortir de prison, et qu’il avait avoué des viols pour être transféré plus près de chez lui. Tout le monde s’est accordé pour dire que c’était un peu contradictoire.

2. François Xavier Masson, de la PJ de Lille

Il explique comment son équipe est intervenue sur le dossier. Au bout de 6 mois d’enquête à Boulogne, la PJ de Lille est saisie car des éléments nouveaux sont survenus dans le dossier et il a fallu élargir les investigations.

Il évoque la piste belge, mais aussi la piste qu’ils ont suivie pour remonter jusqu’à Daniel Legrand, avec l’histoire des chèques volés à Mouscron.

Il explique que des recherches ont aussi été menées « sur d’autres adultes qui viennent de manière répétée dans le dossier. On s’est arrêtés sur huit personnes, « dénoncées de manière constantes par des enfants et plusieurs adultes », dit le policier.

La PJ de Lille a aussi creusé la piste du sex shop, pensant pouvoir trouver des éléments matériels. Des interpellations ont eu lieu en novembre, avec des gardes-à-vue à la clé. « Ca ne donne rien », explique M. Masson, « on a l’impression que les gens sont abasourdis par ce qui leur arrive ».

La plupart des personnes interpellées sont ensuite envoyées en préventive.

François-Xavier Masson parle ensuite de la commission rogatoire pour identifier des lieux d’abus en Belgique, près du parc de Bellewaerde. Il dit qu’on a montré des photos à Badaoui, qui confirme « comme elle l’a souvent fait ».

Selon le policier, à ce moment Badaoui dit que Daniel Legrand père est le propriétaire de la ferme, or il a été dit la veille qu’elle avait bien parlé d’un jeune agriculteur.

Il parle aussi de Chérif qui aurait dit que Delay était un grand ami de Daniel Legrand.

Puis on en vient au meurtre dont a parlé Legrand, des adultes et des enfants qu’il a désignés, puis du fait qu’il revient sur ses déclarations.

M. Masson explique qu’à partir de là, les médias s’emparent de l’affaire ce qui complique l’enquête. Rappelons juste que c’est Daniel Legrand qui a trouvé intelligent d’écrire à France 3 pour tout raconter, avant même de mettre le juge Burgaud au courant. On peut même se demander si cette lettre à France 3 n’avait pas pour but de noyer toute l’affaire, mais ce ne sont là que des supputations.

Il explique qu’ensuite, Badaoui, mais aussi deux des frères Delay ont dit qu’il se rappelaient de ce meurtre, mais selon le policier les deux garçons ne décrivaient pas le même enfant. Cependant, il faut savoir qu’au total, il est question de cinq meurtres d’enfants dans le dossier d’Outreau, d’après les déclarations des enfants.

On apprend aussi que la police aurait « mené des recherches auprès des polices du monde entier », ce qui est étonnant car on n’en trouve aucune trace dans le dossier, et parce que les recherches en Belgique ont été assez laborieuses.

Pour ce policier, un des éléments essentiels du dossier, c’est quand Daniel Legrand explique à un surveillant de prison qu’il a inventé toute l’histoire du meurtre. « On revient à la case départ en février 2002″, explique M. Masson. Or, on est même pas un mois après que Legrand ait commencé à parler du meurtre, et c’est aussi avant qu’il se rétracte.

« A ce moment-là, on ne croit plus à la piste belge, au réseau pédophile et au meurtre », dit le policier, « à partir de janvier 2002 nous prenons beaucoup plus de précautions dans notre enquête ».

En juillet 2002, l’enquête de police se termine.

Quant au meurtre de la fillette, M.Masson dit que des investigations ont été relancées et finalement l’affaire a été close en 2005.

On revient sur l’enquête, et le policier de Lille explique « on a cherché surtout les personnes dont parlaient au moins trois adultes et qui avaient été reconnus par les enfants ».

Le président demande ensuite si des vérifications ont été menées sur les comptes de Daniel Legrand père, ce qui a été fait. Leur train de vie a été étudié, mais pour ce qui est des téléphones ont s’est borné à regarder les appels reçus et émis, et il s’avère que le téléphone de Legrand, acheté en 2000, a vite été inactif. En fait, cela survient quand les Delay viennent d’apprendre les accusations portées contre eux par leurs enfants, fin 2000.

Le président demande ensuite pourquoi Dimitri n’a jamais été amené à s’expliquer sur le « Dany en Belgique » dont il avait parlé, « ça ne vous a pas gêné, ça? » demande le magistrat. M. Masson répond qu’ils ne l’ont pas fait, que c’était programmé pour après les interpellations, et i ajoute que l’équipe s’est « concentrée sur les déclarations des adultes ».

Le président demande aussi pourquoi on le montre pas de photos de Daniel Legrand aux fils Delay, mais c’est parce que les photos ne sont arrivée que tardivement, en octobre 2001.

On aborde ensuite l’enquête de personnalité du père Legrand: son patron a été entendu, le décrivant comme travailleur, « rarement absent » etc. M. Masson souligne un « décalage entre la description d’un patron de sex shop, à la tête d’un réseau pédophile, impliqué dans un trafic de cassettes vidéos, et l’image complètement différente qu’on a pendant la garde-à-vue ».

On évoque ensuite l’une des filles Lavier qui avait reconnu sur photo les Legrand père et fils, précisant que le père « était méchant »

François-Xavier Masson évoque l’affaire Rudy L, un cousin de Daniel Legrand qui avait parlé de viols commis par les deux Legrand et un autre fils. « Cette affaire a été traitée par le commissariat de Boulogne mais n’a rien donné (…) on a peut-être eu tort, mais on n’a pas pris ça vraiment au sérieux », et finalement une ordonnance de non lieu est intervenue.

Il y a aussi une autre accusation contre Dominique Wiel, portée par un adolescent qui ne ‘laurait pas reconnu sur photo (mais les faits rapportés étaient anciens), et qui se serait rétractée.

Dans ses conclusions au juge Burgaud, le policier Masson s’est donc montré « assez prudent », dit-il, « on ne croyait plus à la piste Belge, au réseau international, ni au meurtre ».

Selon lui, « quand le meurtre a eu lieu, c’était le basculement »: ou le meurtre était vrai et validait l’affaire, ou il n’était pas vrai et l’affaire Outreau s’écroulait.

Les enquêteurs se posaient de sérieuses questions au sujet de ce que M. Masson a appelé « le noyau dur » constitué par les Delay, Grenon et Delplanque.

Il admet quand-même que « dans un dossier de pédophilie, il n’est pas anormal de ne pas trouver d’éléments matériels ».

Cependant, la PJ de Lille n’a jamais interrogé Badaoui ou Delay.

Lors des réunions de synthèse avec le juge Burgaud, il n’y a eu qu’une seule fois un désaccord stratégique, au moment où le meurtre de la fillette a été évoqué. Selon le policier, il y avait des éléments qui « sonnaient tout à fait vrai » dans le dossier, comme quand on donne des instructions pour tourner les films pédopornos, ou comment violer les enfants.

Viennent les questions des parties civiles.

Me Reviron, avocat de Jonathan, souligne qu’au niveau des recherches par rapport à Legrand père, l’âge potentiel transmis à la police belge n’était pas bon: ils cherchaient un Legrand âgé de 35 à 45 ans alors qu’il en avait 49. Ce que la police de Lille n’a pas corrigé.

Quant au meurtre de la fillette, que la PJ de Lille a considéré faux parce que le corps n’a pas été retrouvé, Me Reviron évoque une note d’Interpol qui mentionnait deux fillettes nées en 1996 et enlevées en Belgique, l’une à Bruxelles et l’autre à Mons, à propos desquelles aucune recherche n’a été menée.

L’avocat rappelle aussi que très récemment, une fillette a été noyée à Boulogne, et celle-ci n’avait aucune existence légale, aucune identité administrative. Il conclut: « vous êtes d’accord que ce n’est pas parce qu’on ne retrouve pas un cadavre qu’il n’y a pas eu de meurtre? »

On est d’accord, répond le policier.

L’avocat général, décidé à obtenir un acquittement de Legrand, évoque l’enquête de voisinage qui n’a pas confirmé la présence des Legrand à Outreau dans le quartier de la tour du Renard. Il se trouve, et il insiste bien là-dessus, que personne ne l’aurait reconnu. Mais, quelle valeur peut avoir cette remrarque si on tient compte des menaces dans tout l’immeuble opérées par quelques individus quand les premières arrestations ont eu lieu.

Il tente quand-même de désamorcer cette histoire en soulignant que si on a menacé les gens et imposé de détruire les preuves, plein de preuves ont été oubliées. Mais le policer répond que les preuves laissées, comme le magazine porno chez Marécaux ou le matelas de la ferme Belge, « sont des détails » . Le gros des preuves a été détruit, en tout cas, si on admet que l’affaire est vraie.

Me Vigier, avocat de Daniel Legrand, tente de faire dire au témoin qu’il « y a un avant et un après Outreau ». Il revient sur le policier Bourlard, très perturbé tellement il était convaincu de l’innocence des Legrand, qu’il avait suivis durant leurs deux jours de grade-à-vue.

Ce policier n’a pas été invité à témoigner lors du procès de Saint-Omer, car il n’était pas sur le terrain selon le procureur Gérald Lesigne. Puis dans un courrier du 8 juin 2004 du procureur Lathoud, on apprend que les conclusions du rapport sont très « prudentes », et que c’est pour cela qu’on ne l’a pas invité à témoigner.

3. Marie-Christine Gryson

L’après-midi, c’est l’audition de Marie-Christine Gryson Dejehenasart, qui a examiné la plupart des 12 enfants reconnus victimes à Outreau et va être littéralement agressée par Me Berton, avocat de Daniel Legrand qui avait manifestement des comptes à régler.

Elle explique comment elle travaille, comment sont organisés les tests qui sont utilisés pour évaluer la situation d’enfants victimes, une quarantine de critères au total.

« Les expertises des enfants d’Outreau ont été des expertises particulièrement pénibles au niveau des traumatismes », dit-elle.

Elle tient aussi à évoquer la mémoire traumatique.

Les troubles que présentaient les enfants Delay étaient particulièrement difficiles. Elle explique pourquoi, d’après son évaluation, ces enfants ne fabulaient pas, ils ne cherchaient pas à convaincre, au contraire ils « avaient peur de leur récit ».

Elle commence par évoquer Chérif, placé dès ses 5 ans. Il avait de gros problèmes de socialisation, de grandes difficultés, et « beaucoup de douleur morale ».

Selon l’experte, Chérif a tenu un discours typique de la mémoire traumatique et qui ne relevait pas de la fabulation. « Si Dimitri ne l’avait pas dit on serait tous morts », a dit le gamin à Marie-Christine Gryson. Il a aussi parlé des viols, des films avec le caméscope.

Elle explique que son discours est « une succession de flash », sans aucun élément d’affabulation. Il vivait le récit qu’il était en train de faire, avait « un regard terrorisé ».

Elle explique avoir mené trois sortes de tests, dont l’un est destiné à favoriser la projection de l’enfant. Elle parle du test de Rorshaw, avec des images codifiées. Le dernier test représentait des scènes avec des adultes, où l’enfant peut aborder son propre vécu.

Dans les dessins elle a repéré un retard psychomoteur, ses « capacités psycho cognitives » étaient impactées par les souffrances. L’experte a pu repérer différents traumatismes chez Chérif.

« Les quatre enfants Delay, quand je les ai vus, étaient en phase de reconstruction dans leur famille d’accueil. Suite au procès ils ont été expulsés en Belgique et là n’ont plus pu se reconstruire », raconte la psychologue.

Au sujet de Dimitri, Marie-Christine Gryson dit qu’il était « beaucoup moins socialisé », avec « des conduites très sexualisées », car il est resté longtemps chez ses parents. Le contact a été facile avec lui mais il n’avait aucune pudeur, faisait beaucoup de cauchemars, avait de grandes phobies, notamment par rapport à la nourriture.

Elle dit qu’il est courant dans des films ou images pédopornographiques de voir des enfants à qui on introduit différentes choses dans les fesses, ce qui a aussi été le cas, d’après les déclarations des enfants, dans l’affaire d’Outreau.

Il était en dépression, et même enfant a tenté de sauter par la fenêtre.

Quand on lui demande quelles choses il a en tête, il commence à raconter que plusieurs personnes lui ont fait du mal « chacun son tour, et les autres regardaient ». Il se met des distances de protection dans son discours, parle un peu de l’école, pour éloigner les pensées terribles.

Les adultes commettaient des actes sexuels, mais les enfants aussi. Dimitri comme ses frères avaient très peur de mourir.

Dessinaient des portraits qui ne ressemblaient à rien, ce qui correspond à des enfants traumatisés.

Elle en vient à Jonathan, alors en CP. Elle a repéré des conduites sexualisées, l’enfant évoque spontanément différents faits. « Mon père il faiait des choses avec les adultes, avec l’abbé Dominique », on l’a forcé, alors qu’il était attaché sur une chaise, à pratiquer des actes sexuels sur Wiel. Mais l’experte précise qu’il a amalgamé plusieurs scènes, le récit n’était pas linéaire.

« Quand j’ai vu cet enfant je n’avais aucune idée des personnes qui allaient être mis en examen », se rappelle Marie-Christine Gryson.

L’enfant opérait une mise à distance et était dans « une sorte de déni » pour se préserver, et « il a gardé ce fonctionnement (…) il a une vie normale pour ne pas penser à ce qu’il a vécu ».

Quant à Dylan, qui a subi des événements traumatiques très tôt, était selon elle « le plus déstructuré ». « Un enfant agressé avant 5 ans est vraiment déstructuré », explique la psychologue…

Il a expliqué des choses incongrues, dont il cherchait à s’éloigner. Il était très jeune, et les tests montrent qu’il est traumatisé, ancré dans la réalité, mais avait des images de grande violence. Elle a estimé qu’il relevait d’une thérapie en urgence, et en pouvait pas travailler correctement à l’école. Incapable de différencier agresseur et agressé, il n’a dénoncé que ses parents.

Pendant ces débats, les avocats de Legrand sont en train de feuilleter le livre de Marie-Christine Gryson, probablement pour en extraire quelques phrases et les détourner pour mieux décrédibiliser l’experte.

Le président a commencé à poser des questions sans intérêt, histoire de laisser croire que les enfants sont des menteurs. Il prend pour cela les deux seuls petits exemples de mensonges (quand Chérif n’a pas balancé l’agresseur de son frère, ou quand Dimitri dit qu’en fait Monique Fouquerolle a participé à certains faits alors qu’avant il avait dit que non).

« En 30 ans d’expertise je n’ai jamais entendu des enfants avoir des rêves éveillés dans ce registre-là ».

Le président insiste : « est-ce que malgré tout ces enfants » ne peuvent pas mentir ou modifier la réalité, quand « ils y trouvent un compte personnel ».

Les études montrent que son on contredit un enfant il se rétracte. « Il faut savoir aussi qu’un enfant minimise tout le temps », va parler de ce qui lui fait le moins peur, « un enfant a honte, il a une culpabilité énorme, et il ne veut pas que ça lui soit arrivé ».

Marie-Christine Gryson explique que souvent on ne fait que des tests cliniques pour des enfants violés, et on ne voit rien. Mais, si on fait des tests sérieux, on voit les traumatismes.

Elle estimé que s’ils avaient été reconnus victimes par la société et s’ils n’avaient pas été expédiés dans des foyers en Belgique, ils avaient une chance de s’en sortir.

Ce qui n’a pas été le cas, comme l’ont dit plusieurs amis de ces enfants, ils se sont retrouvés seuls, sans aucun soutien. En allant en Belgique, ils « ont perdu tous leurs repères », et quand ils ont été virés à 18 ans ils n’avaient aucun papier. « Ils n’ont jamais pu trouver une stabilité, ils vont très très mal », constate Marie-Christine Dejehansart

On lui demande si « confusions ou interprétations ça n existe pas chez les enfants ? », ce à quoi elle répond qu’ « ils auraient inventé si les récits étaient récités, l’expert ne pose aucune question, le récit des enfants est spontané »

Le magistrat insiste: « l’enfant, voyant qu’il brille enfin dans vos yeux d’experte, vous qui enfin le croyez, n’a t il pas envie de vous dire ce que vous avez envie d’entendre ? Pour vous faire plaisir »

Puis nouvelle question « on sait que les enfants Delay regardaient énormément de pornos, cela n’a t il pas pu les traumatiser ? »

On comprend bien qu’il est question de faire dire qu’il y a eu une « contamination » (un mot qui va beaucoup revenir) dans les souvenirs des enfants.

A cette question, Marie-Christine Gryson répond: « oui choquant mais il n’y a pas d’identification, il ne le vit pas sur lui, une scène porno entre adultes ne peut pas être vécue par un enfant, même par procuration ».

Récidive avec la même question, plus insistante: « lorsqu’un enfant a été traumatisé de voir une scène ignoble, tel qu un porno, n’y a t il pas une chance ou un risque que ce même enfant relate cette même scène en donnant l’impression de la revivre ? Etat de sidération »

Mais la psychologue reste sur sa position, qui n’est pas une lubie mais le fruit de son expérience: « impossible, je vous le répète il ne peut pas se projeter »

Maître Forster, avocat de Chérif, l’interroge à son tour: « y a t il une possibilité de superposition d’image, c’est à dire, attribuer des actes ou propos à quelqu’un alors que c’est une autre personne qui agit ? »

« En situation d’examen psychologique, un enfant avec des éléments physiques, sensoriels, est en mesure de dire qui est son agresseur, j’ai vu 600 enfants environ, pour chacun j’ai établi une quarantaine de critères qui permettent d’établir avec certitude qu ils ont été violés, chez les enfants qui mentent c’est à peine 5 critères sur ces 40, il y à eu une période à laquelle on m’emmenait des enfants menteurs et ceux çi sont vite démasqués », répond Marie-Christine Gryson, « pour moi les enfants ont été entendus dans des conditions d’éxpertise qui permettaient d’authentifier leurs dires »

Selon elle, « Chérif n’a rien d’un mythomane. Il aun sentiment de culpabilité qui montre qu’il est bien construit psychologiquement : il s’en voulait de ne pas avoir protégé ses freres »

« Il faudrait que le statut de victime soit protégé comme celui d’acquitté et qu’on ne puisse pas dire dans la presse qu’ils mentent », explique-t-elle encore. Une phrase qui lui vaudra d’être traitée de folle par l’avocat de Dominique Wiel. D’ailleurs, les attaques violentes n’ont pas manqué dès le soir-même, sur Twitter où le fan des acquittés s’excite depuis plusieurs jours, et dans la presse.

Marie-Christine Gryson évoque ensuite l’expert Hubert Van Ghijsghem pour qui les victimes n’ont pas de troubles après les viols. Hubert Van Ghijseghem est un des chantres de la théorie des faux souvenirs.

Marie-Chistine Gryson explique que ces enfants victimes, et les Delay notamment, ont besoin d’une reconnaissance de leur statut de victime par la justice, mais aussi par la société.

L’avocat général, toujours prompts à attaquer les témoins des parties civiles, fait mine de s’indigner que les expertises disent ou non que c’est la vérité.

L’experte répond que d’autres experts ont confirmé cet avis: un deuxième groupe de psychologues a examiné les enfants avant le procès en appel. Elle rappelle encore une fois qu’un enfant n’est pas mythomane.

« Tous les discours des enfants étaient cohérents et concordants » par rapport aux aveux de Delplanque,Legrand et Badaoui.

La défense et l’avocat général se mettent à poser des questions en même temps.

Me Vigier, avocat de Legrand, tente de jouer sur les mots et de faire dire à Marie-Christine Gryson qu’elle a parlé en termes de vérité et de mensonges, sans la laisser répondre. MCG : « posez moi une question claire sans détourner les mots que j’ai dits ».

Pour Me Vigier, « les psychologues » ça doit être Paul Bensussan et ses théories anti victimaires. Les autres ne comptent pas.

Après moult question insipides sur l’expertise et les experts, il l’attaque sur le fait que l’expertise des enfants a été faite à deux. Suite à ‘laffaire d’Outreau l’autre expert, Jean-Luc Viaux, n’a pas renouvelé son agrément pour être expert auprès des tribunaux.

Puis Me Berton lance des attaques personnelles contre Marie-Christine Gryson, l’accusant d’avoir quitté les assises de Saint-Omer, sans préciser que c’est après avoir été attaquée d’une manière ignoble par les avocats de la défense.

« J’ai quitté au 3 e jour, avec l’accord du président des assises, car M Berton ici présent m’a insultée me traitant de femme malhonnete, et je considérais qu’il n’était plus possible de déposer sereinement. On dit que je suis la seule à dire qu’on oublie les victimes, mais personne ne sait qu’il y a 12 enfants victimes à Outreau. En 20 ans d’expertise je n’ai jamais vu un procès comme cela. J’ai eu les excuses du 1er président de la cour d’appel de Douai sur la manière dont les experts ont été traités ».

En effet, les avocats de la défense l’avaient accusée d’être de parti pris parce qu’elle travaillait dans une association d’aide aux victimes. Ils lui ont reproché d’avoir suivi gratuitement les enfants Delay en thérapie, ce qui était faux mais s’est retrouvé dans la presse le lendemain. Et qui a encore été dit à cette audience, puisqu’on n’en est plus à un mensonge près.

Les avocats de la défense font encore monter la pression, Berton en tête, revenant sur l’accusation bidon comme quoi Marie-Christine Gryson travaillait pour le conseil général. Mais elle a beaucoup de mal à répondre: on ne la laisse pas parler.

Elle rappelle que M. Houilllon, le député rapporteur de la commission d’enquête parlementaire, a du s’excuser aussi pour avoir fait une erreur dans son rapport, au sujet de la validité des expertises de Marie-Christine Gryson.

Et c’est de nouveau le cirque dans la salle d’audience, on attaque Marie-Christine Gryson mais on ne la laisse pas s’exprimer. Encore une fois on répète des mensonges, on les cire même, histoire d’étouffer tout débat. Mais, Marie-Christine Gryson, très calme, attend qu’on la laisse parler pour, encore une fois, dire ce qu’il en est vraiment.

Berton réattaque sur Caprouille, un blog qui selon eux est une horreur parce qu’il critique leur version des choses.

4. Jean-Luc Viaux

En fin d’après-midi, Jean-Luc Viaux est entendu par visioconférence, toujours en présence de Marie-Christine Gryson. Cet expert a complètement retourné sa veste, et parlé de « confusion » dans la mémoire des enfants Delay, bref tout peut être pris avec des pincettes dans leurs déclarations, du meurtre de la petite fille aux détails sur les objets qu’on leur introduisait. Cela, bien qu’il ait relevé de nombreux signes assez évidents de maltraitances graves.

Il revient sur les expertises des enfants Delay. Chérif avait un retard cognitif, et a beaucoup parlé de son sentiment de culpabilité, de ses peurs.

Au moment des expertises il ne mettait en cause Daniel Legrand. Il n’a pas accusé en bloc tous les gens qu’on lui montrait. Il a dit être allé une fois en Belgique, mais en fait il signifiait juste qu’il est allé loin. Il avait un « vécu très morbide » de ce qu’il avait vécu. Il était en colère contre Dimitri parce qu’il avait parlé, tout en disant que si Dimitri n’avait parlé, « ils seraient tous morts ».

Il avait aussi relaté des souffrances par rapport à la médiatisation de l’affaire, et à ses conséquences pour eux.

Il n’a mis en cause que 3 personnes en dehors de ses parents lors de cette expertise.

Dimitri avait près de 10 ans au moment de l’examen. Il avait quelques difficultés à l’école et n’arrivait pas à suivre le rythme de la classe. Avec les tests lon voit qu’il a subi des agressions. Il avait beaucoup de mal à s’expliquer, ne savait pas quelle était la différence entre les filles et les garçons.

Il a donne quatre noms d’abuseurs, dont son père. « On note plusieurs étapes dans les déclarations de Dimitri », mais il n’a pas de tendance à l’affabulation. Pour Jean-Luc Viaux, Dimitri a probablement eu des problèmes de mémoire dissociative et ne se rappelait pas de tout tout le temps. « Au sujet de Jonathan, il est absolument incapable de construire un récit », explique M. Viaux, qui a estimé que c’était « un enfant en grande insécurité ».

Viaux a demandé à Jonathan s’il savait pourquoi il venait le voir. Il a dit que c’est parce que Daniel Legrand avait dit que c’était faux pour la petite fille. Il mélangeait un peu certains faits, ne parle que de petits morceaux des faits à chaque fois, et là aussi « le récit se construit au fur-et-à-mesure ».

L’expert a aussi dit que les enfants n’avaient pas dénoncé Daniel Legrand alors que dans son expertise il a écrit lui-même que l’un d’eux l’avait désigné.

Dylan avait près de 6 ans quand il a vu les experts. Il distinguait bien le vrai du faux. Il a peu parlé, évoquant seulement ses parents, mais il s’est avéré évident qu’il avait subi des agressions ou maltraitances avec « une connotation sexualisée ».

Le président évoque la fois où Chérif s’est accusé d’avoir commis le meurtre d’une fillette, en 2012. Jean-Luc Viaux explique qu’après avoir vécu des difficultés, Chérif « peut avoir eu l’angoisse d’avoir commis un meurtre ». Marie-Christine Gryson précise qu’à l’époque Chérif était sous psychotropes, et qu’on ne sait pas trop quels effets cela peut avoir.

Marie-Christine Gryson lit la déclaration de Jonathan, où il parle du meurtre de la fillette: « La petite fille je la connaissais j’y étais. Je la comprenais pas elle parlait pas français ». Il raconte qu’elle a été frappée « elle saignait à la jambe, elle hurlait, mon père a continué et elle est morte ». Puis la nuit il dit que « la petite fille était emballée dans la ballatum », et qu’il y avait plein de sang sous son lit.

Il a cité Jean-Marc et le Dr Leclercq « qui faisait comme s’il nous soignait » mais commettait sur eux des actes sexuels.

Plus tard, il dira que ce n’était pas son père mais le père de Daniel Legrand qui avait tué la petite fille.

Selon M. Viaux « il y a probablement du vrai dans ce que raconte Jonathan, mais quelle part de vrai. Il aurait fallu éclaircir cela il y a 12 ans ».

L’avocat général prend une page d’un livre cité parmi toute la bibliographie ajoutée au rapport d’expertise de Jean-Luc Viaux, puis un autre chapitre du même livre, puis un rapport rédigé par Jean-Luc Viaux, pour chercher la petite bête.

Celui-ci finit par rappeler que « On continue à s’appuyer uniquement sur un rapport d’expertise psychologique pour dire on continue une enquête ou on l’arrête ». Mais ce n’est pas une expertise qui permet de fonder un jugement.

Les avocats de la défense ont cherché à souligner les désaccords entre les deux experts. Le but ? Pouvoir critiquer Marie-Christine Gryson Dejehensart de manière isolée.

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