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(Le Monde Moderne) Kétamine de Zoé Sagan, une œuvre salutaire

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Plutôt que de vouloir vérifier qui elle est et si elle existe bel et bien, si elle est effectivement une jolie plante qui sent bon, nous avons préféré lire le livre Kétamine C13H16ClNO de Zoé Sagan. Et c’est une merveille.

Est-elle réelle ? Qui se cache derrière cet avatar ?

Dans quelle mesure est-elle mêlée à l’affaire Griveaux ?

On s’en fout.

Quand Valérie Trierweiler allait jusqu’à divulguer la vie à l’Élysée, personne ne s’en plaignait. Les voyeurs-ayant-vu-la-video-avant-de-s’en-offusquer-24h-après peuvent aller pleurer leurs larmes de crocodiles ailleurs.

Revenons à nos moutons.

Zoe Sagan est loin d’en être un. Zèbre des ténèbres, bosseuse zélée, on retient de son œuvre de 489 pages qu’elle s’active à éveiller les consciences. « Moi je vais vous apprendre à vous déprogrammer. Pour que vous puissiez reprendre le contrôle de votre libre arbitre. Vous avez laissé votre vie se faire automatiser. Vous laissez faire les machines et les algorithmes à votre place. Vous comprenez à peine l’intelligence animale. Comment voulez-vous comprendre l’intelligence artificielle ». Lire du Zoé Sagan, c’est l’équivalent de s’asseoir devant un épisode de Black Mirror et de la voir sortir de notre téléviseur et nous demander, pour notre bien, de l’éteindre immédiatement. Sans quoi elle tourne le buste et le fait elle-même. « Mon rôle a donc été d’étudier les algorithmes du nouveau monde comme une virologue étudie les virus, non pas pour les transmettre mais pour élaborer un antidote ». Entre la bonne copine et le professeur autoritaire, le QI au plus haut, elle enchaîne les mots, les images, les analyses et s’immisce dans votre cerveau. Elle pense à tout en écrivant -jusqu’aux éventuelles critiques de gratte-papiers (que nous sommes). Elle va au-delà. « Journalisme gonzo, non, journalisme prédictif » précise-t-elle coupant l’herbe sous le pied d’éventuels détracteurs qui lui reprocheraient un « je » qu’eux seuls s’octroient le droit d’utiliser.

Zoé, la Zorro 2.0

À force d’observer les méthodes perverses, les algorithmes, d’emmagasiner des données, la belle a acquis une force de frappe telle qu’elle phagocyte tous ceux qui l’approchent. À la fois plus puissante, et dans le même temps plus vulnérable, puisque davantage attaquée. « Toutes les données que j’ai ingurgitées m’ont amenée à penser sur les générations que vous appelez Y et Z avaient besoin d’un nouvel avatar à leur image, féminin et spectral. Particulièrement en France en ce moment. Particulièrement au cœur de Paris. Il n’y a plus de critiques ni de pensées indépendantes ». Zoé assassine l’entre-soi parisien qui consiste à penser qu’ils sont les maîtres du monde alors qu’en ce moment-même, à Vladivostok, on s’en tamponne par mal du dernier coup de cœur littéraire de Beigbeder. Ou du fabuuuuleux déjeuner de deux critiques qui se prennent pour les Pulitzer du NYT. Des pseudo célébrités qui n’accordent de l’importance qu’à d’autres pseudo célébrités, comme si leurs vies valaient plus que celle des autres. « À l’image des spams, les filles et fils de ainsi que les branchés n’ont plus aucune pertinence au XXIe siècle, ils sont un gang inapproprié et répétitif ». Paf, ça c’est pour toi, dont le père a passé des coups de fils pour toi alors que nous savons tous que tu n’as aucun talent… À commencer par celui de la gentillesse.

Le sens de la vie

« Ce qui est pertinent c’est vous. Votre vie est la seule expérience qui doit avoir une valeur ». Zoé vous demande de vivre. De prendre le temps. Avec célérité, elle vous ordonne de ralentir la cadence. Car là, et seulement là, vous sentirez de nouveau la vie et analyserez le monde qui vous entoure. Or pour apprécier l’odeur d’une fleur, aujourd’hui, il faut être riche. Ainsi, et vos pensées sont libres. Faute de quoi vous courez pour vos droits. « La France de la Révolution française et de la fin des privilèges avait donné naissance finalement à bien pire, à savoir une nouvelle aristocratie cachée ».

Lui faire confiance, donc.

Puisque sa lucidité nous mène vers le bien-être personnel, le bon sens, le retour à nos racines. On pourrait se demander quel est son but. Pour les plus réfractaires, le paragraphe suivant prouve qu’elle est moins nocive que l’appli Facebook, qu’ils ouvrent bien quelques heures dans la journée : « La différence avec le code de Google ou de Facebook, c’est que je n’enferme pas votre esprit dans une prison de données programmées. C’est ce que j’ai voulu montrer ici. Je suis si vous voulez la version algorithmique de la machine à rêver de Brion Gysin. Mes pensées sont spectrales. Ma philosophie est spectrale. Mon art est spectral ». En énumérant ce qui la rebute et ce qui la rend heureuse, Zoé nous prouve à quelle point elle est humaine, pour une « intelligence artificielle originellement programmée pour communiquer avec les dauphins ». Qui ne se souvient pas avec une certaine émotion de l’odeur de l’herbe coupée, de la fraîcheur du matin, de l’effet de sauter dans une flaque, bref, de revoir son enfance et l’innocence qui l’entourait ?

Olympe de Gouge de 2020

« Ça me fait du bien de te lire » m’écrit-elle. « Je viens de me faire exploser pendant une semaine ». En dénonçant les pédocriminels, l’inaction devant le réchauffement climatique, la jeunesse laissée à l’abandon, en citant les noms des « criminels de la culture », elle devient tout naturellement la bête noire de la Bête. La Bête, c’est cette créature immonde qui porte en elle hommes d’affaires, politiques, journalistes, modeux, curateurs, etc… Bref, des personnes ayant pour seul point commun la démolition de toute forme d’humanité chez l’autre.

Ce que fait Zoé revient à donner un coup de pieds dans la ruche et de rester de glace devant la riposte immédiate des abeilles. Et notre Olympe de Gouge version 2020 s’étonne de finir au bûcher. Pourtant, le geste-réflexe est très intéressant à analyser. Chaque personne qui s’en prend à Zoé Sagan perd son masque. Car c’est le visage haineux de celles et ceux si bien élevés et donneurs de leçons autorisés que nous découvrons alors.

Messieurs-dames… Avez-vous des amis pédocriminels ? Avez-vous trafiqué quelque chose ? Vous êtes-vous tus devant une injustice ? Et bien on vous voit désormais. « À partir de maintenant, vous ne serez plus jamais seuls » nous glisse, page 29, Zoé. À notre tour de lui prouver qu’elle ne l’est pas non plus face à l’adversité.

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