(Marianne) (Procès Dolto/Lang) Tribune pro-pédophilie : au tribunal, Jack Lang en prend pour son grade

       Ce jeudi 17 juin, l’ex-ministre de François Mitterrand était jugé pour « diffamation », après ses propos sur la fille de la célèbre psychiatre Françoise Dolto. Sur Europe 1, Lang a prétendu qu’elle avait, comme lui, signé une tribune pro-pédophilie.

Les murs du Tribunal de Paris en tremblent encore, ou presque. « C’est honteux ce que vous avez fait ! », s’époumone l’avocat de Jack Lang. En face, son confrère, avocat de l’écrivaine Catherine Dolto, regagne son siège à la 17e chambre correctionnelle, ce 17 juin. Devant les juges, le vieux pénaliste vient de donner une estocade sanglante à l’ancien ministre socialiste, « pas à une imposture près », « condamnable moralement », rempli de « pensées immondes »… « N’importe quoi », s’insurge le premier.

À l’origine de cette passe d’armes ? Des propos tenus par Jack Lang le 18 janvier dernier. À cette époque – nous sommes peu après la publication de La Familia grande de Camille Kouchner – la France découvre de terribles affaires d’incestes. « Chacun est sommé de se positionner sur ce sujet », rappelle la procureur de la République dans son propos liminaire. Ce jour-là sur Europe 1, au micro de Sonia Mabrouk, l’ancien ministre de la Culture est questionné au sujet d’une tribune pro-pédophilie qu’il a signée en 1977. Le poète Louis Aragon, l’écrivain Gabriel Matzneff et des dizaines d’autres signataires y réclamaient de la clémence pour trois auteurs d’actes de pédophilie : « Trois ans de prison pour des caresses et des baisers, cela suffit », écrivaient-ils.

« C’était une autre époque, c’est une connerie, s’excuse à la radio l’ancien maire de Blois. On était très nombreux à l’époque à signer ça. » Puis, poursuivant : « Nous n’étions pas seuls à dire cela. Il y avait même des personnes éminentes, je pense à Catherine Dolto, même si elle était prudente. » Catherine Dolto n’en croit pas ses oreilles. Le sang de cette médecin et écrivaine de 74 ans ne fait qu’un tour. Elle réplique, dénonce dans nos colonnes un « mensonge éhonté », attaque l’ex-ministre en « diffamation ». Dans une lettre qu’il lui expédie plus tard, Lang reconnaît sa confusion : à ce moment, il songeait en fait à sa mère, Françoise Dolto. Une célèbre psychanalyste décédée en 1988. Sauf qu’elle non plus, n’a pas signé cette tribune…

« Pensées immondes »

Entre-temps, le mal était fait. La presse, dont Marianne, relaie largement la bisbille. Six mois plus tard, le litige se règle à la « 17e ». Mais en l’absence des deux intéressés, la joute se fait par avocats interposés : Me Christian Charrière-Bournazel, 75 ans, ancien bâtonnier de l’Ordre des avocats du barreau de Paris, charge son fusil, tire à balles réelles. « Pour se dédouaner de ce qu’il est, c’est-à-dire quelqu’un de condamnable moralement – et sans doute pénalement – il amalgame à ses pensées immondes, des personnes comme Christine Dolto, ou sa mère », clame l’avocat. A ses yeux, Jack Lang, en apposant sa signature à cette tribune, souhaitait « que les majeurs puissent faire ce qu’ils ont le goût de faire sur des mineurs ». Plus de quarante ans plus tard, dans une époque où la pédophilie scandalise à tous égards, « sa technique, c’est de se réfugier derrière des personnalités publiques ». Selon lui, l’ancien ministre de Mitterrand aurait voulu allumer un contre-feu, à heure de grande écoute. « Il n’y a eu aucun repentir public », dit-il en concluant cette plaidoirie aux hormones, estimant que l’honneur de sa cliente, auteur de livres sur l’enfance, a été sali.

Dans ses réquisitions, la procureure de la République ne dit pas autre chose. Elle mène, à son tour, l’offensive contre cet ancien cadre socialiste, « habitué à s’exprimer publiquement, à réagir à brûle-pourpoint ». Selon elle, « rien ne l’obligeait à citer une personne précise ». Elle pointe son impardonnable « manque de prudence », « tout particulièrement » dans ce contexte de libération de la parole sur l’inceste – et donc la pédophilie. La « réputation » de Catherine Dolto ayant selon elle été entachée, elle requiert une condamnation de la part du tribunal. Sans préciser de peine.

Un « procès ridicule »

Me Laurent Merlet, avocat du mis en cause, semble se frotter les yeux. « C’est surréaliste. » Il fustige « un procès ridicule », « un procès de n’importe quoi ». Son client reconnaît sans ambages une « erreur d’homonymie ». « Qui peut croire qu’il parle de Catherine Dolto en 1977, qui n’a alors que 31 ans et n’est pas connue ? », interroge l’avocat. Si, du reste, Jack Lang reconnaît s’être trompé dans la liste des signataires, il persiste : Françoise Dolto a bel et bien signé, en 1977, une autre tribune, qui prône que soit « allégé » le dispositif pénal régissant les relations (notamment sexuelles) entre adultes et enfants.

C’est ensuite sur un terrain complexe, celui du droit de la presse, que s’aventure Me Merlet. Sur une décision en effet curieuse de Catherine Dolto, les propos poursuivis ne sont pas directement ceux prononcés par Jack Lang à l’antenne d’Europe 1. Mais ceux reproduits… dans Marianne, qui reprenait ces propos sous forme de citation. Cet article publié sur notre site Internet s’est donc retrouvé au cœur des débats. « Jack Lang n’est pas responsable du montage de ses propos dans Marianne », argue le pénaliste, qui rappelle qu’une question posée par la présentatrice ne figure pas dans l’article. Du fait de cette situation, l’ex-ministre de la Culture ne pourrait être poursuivi qu’au titre de « complicité » de diffamation, dit-il en citant la « jurisprudence ». Ce point de procédure jouera-t-il en faveur de Jack Lang ? Jugement attendu le 23 septembre.

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