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(Dondevamos) Anneke Lucas: Un témoignage de l’intérieur sur le réseau pédocriminel belge

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 Parmi les témoignages à lire si l’on veut comprendre ce qu’il se passe dans la tête des enfants victimes de violences sexuelles et de sadisme, ceux qui sont victimes de réseaux de tarés, celui d’Anneke Lucas est incontournable. C’est un livre violent, à hauteur d’une fillette de 11 ans devenue adulte malgré elle, une pièce du puzzle de l’Etat profond belge, européen, et certainement mondial.

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Ce livre est le récit d’un traumatisme, des chocs successifs subis par cette fillette que sa mère a projetée dans les soirées glauques de la haute, comme on dit, parce qu’elle rêvait d’y avoir sa place. Sa fille a été la monnaie d’échange pour une vague considération, ni plus ni moins celle d’une proxénète d’enfant.

Le silence résonne dans tout le livre: celui des adultes qui étaient là et participaient, celui des adultes qui l’entouraient et ne voyaient rien, celui des adultes complices qui n’ont posé aucune question devant ce couple bizarre et démonstratif, d’une gamine de 11 ans et d’un jeune type à l’air de voyou âgé de 21 ans…

Nous avions déjà parlé de l’histoire d’Anneke Lucas, qui a été une des nombreuses victimes du réseau pédocriminel belge, celui de Dutroux, celui de Nihoul et de Vanden Boyenants. Mais l’objet de ce récit est d’abord de montrer l’ampleur de la destruction, et comment tout cela se passe sans que personne voie rien, ne dise rien.

Le livre s’appelle « Quest for love- Memoir of a child sex slave » (En quête d’amour – Mémoires d’une enfant esclave sexuel), et il est publié maitenant (en anglais, avis aux éditeurs français!) parce que les gens semblent davantage prêts à entendre et à comprendre le fonctionnement de ces réseaux qui infiltrent et vérolent nos systèmes politiques, économiques, et finalement l’ensemble de la société. « Beaucoup d’autres histoires ne pourront jamais être dites parce que les victimes sont mortes« , explique l’auteure.

On comprend que c’est aussi pour cela qu’Anneke Lucas a eu le courage d’écrire, réécrire et publier ce livre qui est aussi une forme de justice pour ces enfants qu’elle a vus massacrer sous ses yeux par les psychopathes de la haute, ceux du réseau qui est censé ne pas exister (on notera à ce sujet le dernier documentaire absolument inepte diffusé par Arte dans lequel il n’est même pas question du dossier bis, celui du réseau qui a été patiemment étouffé).

Car pour ceux qui me suivent ici, n’oublions pas la version officielle: Dutroux, Lelièvre et Martin étaient des prédateurs isolés et Nihoul n’avait rien à voir avec les enlèvements de mineures. Forcément: Nihoul était le pivot de l’organisation de certaines orgies, en contact à la fois avec Vanden Boyenants et les consommateurs principaux du réseau, et avec les pourvoyeurs d’enfants. Il ne fallait donc surtout pas qu’il soit impliqué.

 

« La pédophilie des élites est le secret le mieux gardé au monde« 

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Anneke Lucas explique comment ce réseau a ensuite attiré des mères maquerelles, les relais du réseau comme la femme de ménage qui l’y emmenée en premier, et autres jeunes truands, fonctionnant comme un miroir aux alouettes géant. Tant de gens sont impliqués à tant de niveaux que pour préserver cette omerta qui dure encore et encore il faut un réel système de corruption. « Ceux qui font ce qu’ils font pour appartenir à l’élite sont les plus perdus, les plus immatures émotionnellement, les plus brisés, et les plus démoniaques parmi nous« , écrit-elle.

Elle décrit le comportement de gens qui sur scène s’affichaient comme des notables au-delà de tout soupçon et en coulisses violaient et torturaient des enfants allant souvent jusqu’à les tuer, le tout dans le plus parfait sadisme. On s’étonne que la société dans laquelle nous vivons soit sens dessus-dessous? Que les valeurs soient inversées ? Que les masses soient perçues et traitées de plus en plus comme du bétail?

Si on veut comprendre, la plongée dans le fonctionnement de ces réseaux est hélas nécessaire. Cela dépasse l’imagination: même dans mes pires cauchemars je n’aurais pas pu inventer les scènes décrites par Anneke Lucas et d’autres victimes de réseaux de tarés.

Et ces gens ont pignon sur rue, ces gens ont des responsabilités et NOUS dirigent, et ces gens vivent dans la plus parfaite impunité parce que la plupart des citoyens ne veulent pas voir. Il est bien plus facile de considérer qu’il s’agit d’élucubrations, n’est-ce pas.

Anneke Lucas raconte comment sa mère, plus ou moins dans le dos de son beau-père, l’emmenait aux « soirées » contre rémunération mais surtout pour se faire bien voir des aristos du coin, totalement impliqués dans ce réseau et pratiquant la pédocriminalité et l’inceste depuis des générations, comme l’explique l’auteure. Sa mère était un personnage absolument détestable, superficiel, « morte à l’intérieur » comme l’écrit Anneke Lucas.

Enfant, elle savait que plus il y avait de personnalités à ces « soirées », plus le danger était grand. L’insécurité était énorme, lancinante, permanente. A chaque seconde lors de ces orgies, tout pouvait déraper dans l’horreur.

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Le patron du réseau et des orgies, c’était « Polo »: Paul  Vanden Boeynants, qui avait été premier ministre et était alors ministre de la Défense. Les faits se déroulent entre 1972 et 1974, alors qu’Anneke était déjà depuis 3 ou 4 ans dans le réseau. Les seuls problèmes qu’a eus VDB comme il était appelé dans les médias sont des procédures pour fraude fiscale. Pourtant c’était Polo qui était le chef d’orchastre des tortures, qui se montrait le plus sadique.

Anneke Lucas explique qu’il utilisait ces « soirées » pour inviter certaines personnalités politiques ou des hommes d’affaires avec lesquels il négociait des contrats, et qu’elle-même a servi de « cadeau » lors de négociation de contrats d’armes, notamment. Les orgies pouvaient aussi être organisées pour appuyer ou couvrir divers business. Nihoul a d’ailleurs été condamné plusieurs fois pour escroqueries.

Le réseau était pyramidal et international: Polo lui-même était bénéficiaire des largesses d’un type encore plus puissant au niveau international, qui lui était un véritable sataniste. Il y avait des connexions avec de nombreux pays, Anneke a été ammenée en Allemagne, aux ETats-Unis ou en Suisse notamment.

Quant à Nihoul, il était donc dans le réseau depuis le début des années 70 et « s’est rapidement rendu indispensable comme l’intermédiaire entre les enfants victimes, les maquereaux, les pédophiles et Polo » précise Anneke Lucas. Et la description qu’elle fait de cet individu obséquieux, la manière dont il s’exprime, correspondent tout à fait au Nihoul qu’on a vu régulièrement se lamenter sur son sort dans les médias. Maintenant, il est mort, je lui souhaite le retour de manivelle ailleurs puisque la « justice » belge a été incapable de faire quoi que ce soit.

Les enfants étaient fournis par des mères maquerelles, au sens propre, comme celle d’Anneke, celle de Regina Louf, de jeunes truands qui allaient chercher des enfants dans des familles précaires ou instables, ou encore des aristocrates: « Je n’ai jamais vu d’hommes d’affaures amener leurs propres enfants aux orgies. Mais les aristocrates considèrent les relations sexuelles avec leurs enfants comme une partie de leur culture, et n’avaient aucun scupule à exposer leurs enfants à leurs rites dépravés » précise Anneke Lucas au sujet des aristocrates qu’elle a croisés dans ce réseau. Dans ces orgies, les petits aristos agissaient en tant qu’hôtes des lieux et proies sexuelles.

 

Lavage de cerveau et conditionnement

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Toute une partie du livre porte sur l’aspect psychologique, difficile à saisir, de ces violences. Anneke Lucas parle de « lavage de cerveau », d’entrainements qu’on lui a fait subir en Allemagne auprès de politiciens élevés dans le réseau. Elle a ainsi été entraînée à laisser de côté ses espoirs, ses émotions, pour avoir l’air morte intérieurement.

C’est cela, explique-t-elle, qui lui donnait ce côté mature si recherché par les prédateurs, car il leur permettait d’oublier que c’est à une enfant qu’ils s’en prenaient. Mais cet entraînement n’a pas aussi bien fonctionné que prévu sur Anneke, car elle avait encore des émotions positives malgré les sombres délires des membres de ce réseau. Ce qui a probablement contribué à la sauver, en revanche, c’est qu’elle a réussi, à 9, 10, 11 ans, à jouer double jeu.

2019-03-03 17_02_09-Les confessions de Michel Nihoul_ _Mon plus grand regret, c’est de ne pas avoir

L’entraînement lui a aussi appris à tuer sur ordre, sans se poser de questions. Le cerveau de la jeune Anneke était en veille en permanence, quasiment en ébullition lors des moments les plus critiques.

Elle devait comprendre ce que voulaient les psychopathes, et pas ce qu’ils disaient, tout en ne montrant pas qu’elle avait sa lucidité. La force qu’il lui restait et que d’autres n’avaient pas était qu’à un moment, elle avait pensé qu’elle avait le droit d’être aimée.

Il y avait une gradation dans l’horreur et des violences, lors de ses premiers pas dans le réseau vers 6 ans elle a été envoyée des week-ends chez un couple de pédos et on a commencé par lui montrer le cadavre d’une jeune femme qui avait été torturé. Puis sa mère l’a emmenée elle-même aux orgies, faisant toujours comme si de rien n’était au retour, voyant même sa fille de 10 ou 11 ans comme une rivale en termes de sex appeal et de réseau relationnel.

Les premières violences étaient destinées à lui faire comprendre qu’elle ne valait rien dans le réseau, qu’on pouvait la tuer avec ou sans raison.

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Dans son souvenir, c’était devenu pour elle un réflexe de savoir comment satisfaire sexuellement les hommes, de savoir quelles pratiques ils voudraient.

L’objectif était qu’elle puisse les faire parler et tout répéter à celui qui la « possédait », un membre élevé du réseau qui la modelait pour en faire une esclave sexuelle star du show biz, capable de séduire des hommes puissants et de rapporter leurs secrets à son « propriétaire ».

Sa carrière était tracée.Une cérémonie qui commençait par une « performance » devant des proches du grand chef triés sur le volet, des stars, des intellectuels, « la crème du réseau », a même été organisée. « La partie suivante de l’événement m’a mise face au terrible prix que j’aurai à payer pour cette célébrité, une action pour sceller ma place dans le culte secret des élites mondiales. Même si je n’avais pas encore 10 ans, et même si je n’avais pas d’autre choix que de réaliser cette action, j’ai réalisé que c’était un prix trop élevé à payer« , écrit Anneke Lucas.

Ce week-end là, Anneke a du mettre en application son entrainement auprès de personnalités politiques.

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Les enfants dans le réseau étaient « dressés » à devenir de vrais petits sadiques. Lors d’une soirée, Nihoul leur montrait comment couper, entailler, écorcher pour faire le plus mal. Il a aussi organisé un repas où les restes des victimes étaient servis aux enfants pour les terroriser, et aussi pour punir Anneke d’avoir dit à quelqu’un après deux jours de violences sans manger qu’elle avait faim.

Au-delà des critiques et du dénigrement permanents, des pulsions suicidiaires lui avaient été implantées lors d’une session spéciale d’entraînement à l’étranger, où Anneke se rappelle être attachée à une table médicale dans un laboratoire, avec deux types en blouse blanche qui pratiquaient des actes sexuels et Polo lui hurlant en boucle qu’elle ne méritait pas de vivre si un homme la laissait tomber.

Et c’est ce qu’il se passait, de manière en fait automatique, dans ces circonstances.

La relation qu’elle avait avec un jeune de 21 ans, Patrick, montre aussi la perversité de ce milieu. Pédophile, violent, il avait lui-même été victime de son père et sa mère. Anneke avait 11 ans, et cette « love story » qui ne pouvait pas en être une a tout de même permis à Anneke de sortir du réseau.

C’est en la menaçant de mort lors d’une soirée que Polo a pu obliger Patrick à travailler pour lui en échange de la vie d’Anneke. Patrick, qui l’a avertie des heures sombres que la Belgique allait traverser et l’a enjointe à quitter le pays dès qu’elle le pourrait, était ce braqueur dont le nom revient dans l’affaire des tueries du Brabant, Patrick Haemers.

Ce livre est violent parce qu’on entrevoit l’état d’impuissance dans lequel étaient Anneke et les autres enfants. On comprend aussi à quel point un enfant est capable de s’adapter à tout, même à l’inimaginable. Bien-sûr les blessures physiques et psychiques restent, mais ces enfants, de l’extérieur, pouvaient sembler normaux bien qu’un peu tristes pour certains.

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Le chemin parcouru par Anneke Lucas, qui fut compliqué, est impressionnant. Depuis plusieurs années elle dénonce le développement de la prostitution de mineurs, apporte ce qu’elle peut à ceux qui en ont besoin avec le yoga notamment, parle de son histoire… Ce livre est courageux, aussi pour l’introspection et le recul qu’il a nécessité. Il a fallu faire un sacré chemin pour écrire un livre qui expose aussi bien les mécanismes d’emprise et de conditionnement.

Au-delà de contribuer à établir la vérité sur le volet « réseau » de l’affaire Dutroux, ce livre est surtout un document qui éclaire le fonctionnement de certaines élites dont les noms ne sont pas cités mais qui occupent des positions-clés dans la société, ogres qui dévorent l’enfance. Anneke Lucas lance aussi un appel à travers ce livre à faire attention au monde que ces gens modèlent pour nous, et finalement à cultiver les valeurs humaines telles que la liberté et l’empathie.

 

Le blog d’Anneke Lucas: https://annekelucas.com

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