Après avoir dénoncé une série de soupçons de malversations au sein de son entreprise, Yves Garcia est menacé par une procédure disciplinaire. Il est convoqué lundi 30 juin à l’inspection du travail, Orange ayant demandé son licenciement.
Comment devient-on lanceur d’alerte? Acte civique, engagement militant, justicier /redresseur de torts, porte-étendard de la justice, se protéger des éclaboussures de trafics, défense individuelle de malversations collectives? Vraisemblablement autant de profils, de situations que de lanceurs d’alerte. Le sort d’un cadre d’Orange, Yves Garcia, apporte des éléments de compréhension.
Le procureur de Paris et la division de la Commission européenne chargée des affaires intérieures, présidée par Cécilia Malmström, devraient être saisis, cette semaine, d’une plainte de Me Norbert Tricaud concernant le groupe France Télécom-Orange (FT). Cet avocat parisien, défenseur d’Yves Garcia, un cadre de la direction Afrique/Moyen-Orient et Asie (AMOA) du groupe français de télécoms et délégué syndical, entend alerter sur des « présomptions de malversations comptables graves ». Auditeur interne à FT alors qu’il avait des responsabilités dans les filiales centrafricaines et équato-guinéenne, Yves Garcia, qui agit en qualité de témoin direct, attire depuis plusieurs mois l’atention de sa hiérarchie sur des comportements qu’il juge « anti-déontologiques ». Concernannt la société la société Getesa, filiale de FT en Guinée équatoriale, il s’appuie sur un audit effectué par Deloitte en 2009, dont les conclusions sont accablantes. Pour cette seule année, le cabinet note « un dépassement budgétaire de 2.5 milliards F CFA sans autorisation » ; « un dispositif interne de contrôle inexistant » ; « des factures d’achat dont les montants sont nettement supérieurs aux bons de commande » ; « des détournements ou vol des stocks marchands », etc. D’autres soupçons concernent les filiales en côte d’Ivoire, au Niger et en Centrafrique. Yves Garcia demande la réalisation d’un audit sur l’utilisation des subventions que l’état français, actionnaire de FT à hauteur de 26.97%, a versé ces dix dernières années à l’opérateur. En vain. Comme seul réponse, il a reçu de la direction des ressources humaines de FT une menace de sanction pouvant aller jusqu’au licenciement pour « accusations mensongères, atteinte à l’image de FT, discrédit et atteinte à la réputation de (sa) hiérarchie ». Le 29 novembre 2012, Norbert Tricaud a interpellé la Cour des Comptes. Plusieurs courriers ont par ailleurs été adressés au patron de FT, Stéphane Richard. Faute de recour, Me Tricaud veut faire monter la pression d’un cran en s’adressant au procureur de la République et aux instances européennes.
Affaire de moeurs, guérilla judiciaire interne, contentieux avec les autorités de Malabo: l’aventure du géant des télécoms dans un pays qui faisait figure d’eldorado vire à l’aigre.
Pour conserver l’un de ses plus rentable contrat africain, Orange ex-France Telecom, s’est livré à des forfaits, pas seulement téléphoniques … Là il ne s’agit pas de panne. L’histoire se passe en Guinée Equatoriale, petit Etat pétrolier. En 1984, la dictature au pouvoir (toujours dirigée pas Teodoro Obiang) désigne France Telecom comme seul opérateur privé du pays, les militaires percevant 60% des profits réalisés.
Stéphane Richard, le patron de l’opérateur français de télécommunications Orange, a fait de l’Afrique une vraie priorité pour ses actions de développement et d’investissement à travers le programme « Conquêtes 2015 ». Adopté l’an dernier, ce plan d’action doit parallèlement permettre de « faire évoluer la gestion des ressources humaines » en interne. Or, sur le sol africain, cette politique semble loin d’ateindre ses objectifs. Focus sur la Guinée équatoriale.