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Blog Médiapart Lanceur d’alerte puni à Orange ?

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Comment devient-on lanceur d’alerte? Acte civique, engagement militant, justicier /redresseur de torts, porte-étendard de la justice, se protéger des éclaboussures de trafics, défense individuelle de malversations collectives? Vraisemblablement autant de profils, de situations que de lanceurs d’alerte. Le sort d’un cadre d’Orange, Yves Garcia, apporte des éléments de compréhension.

Comment devient-on lanceur d’alerte? Acte civique, engagement militant, justicier /redresseur de torts, porte-étendard de la justice, se protéger des éclaboussures de trafics, défense individuelle de malversations collectives? Vraisemblablement autant de profils, de situations que de lanceurs d’alerte. Le sort d’un cadre d’Orange, Yves Garcia, apporte des éléments de compréhension quand le collaborateur bien noté, dévoile ce qui est occulté et dérange ainsi les petits accommodements entre des gens bien sous tout rapports!

En 2006, un expatrié travaillant pour France Télécom Orange -FTO- (chez Getesa) en Guinée équatoriale, on le nomme Don Didier, entretien des «relations sexuelles» avec une jeune fille de moins de 14 ans, Otilia, qui tombe enceinte, refuse de se faire avorter et donne vie à une petite fille, Carmen le 27 avril 2007. Quand elle vient à sa rencontre avec leur enfant au siège de l’entreprise, il gesticule beaucoup et menace avec l’aide de ses amis. Il finit par céder et un accord amiable est établi en mars 2008, reconnaissance de paternité et versement d’une pension mensuelle. Il semblerait que tout ceci a été signé dans le bureau du premier-ministre et en présence du Consul de France (c’est dire l’importance accordée en haut lieu).

A la demande d’un directeur d’Orange, c’est un autre cadre de l’entreprise, Yves Garcia, spécialiste en marketing, qui aurait été l’éminence grise de l’arrangement. Il s’avère que le médiateur Garcia est droit dans ses bottes, et va jusqu’à dénoncer des passe-droits fréquents dans l’entreprise. Son attitude n’est pas du goût du père déclaré ni des commanditaires de son rôle de tiers. Il outrepasse ce qu’on lui avait commandé et, dès Don Didier jusqu’à son hiérarchie, le bon cadre Garcia devient l’homme à abattre (au figuré, mais on ne sait jamais).

A ceci s’ajoutent des séquences étonnantes, notamment celle où le fils d’un ex-ministre est pris la main dans le sac pour vol de stocks importants de cartes téléphoniques en Guinée équatoriale. La justice locale engage des investigations, blanchi si on peut dire le fils du ministre, trouve les «bons coupables» et condamne trois français, dont Yves Garcia, en Centrafrique au moment des faits.

Pour discréditer le médiateur-Garcia, la maison mère laisse courir des allusions sur ses supposées relations avec la sœur aînée de la mineure victime des assauts du cadre FTO. En y ajoutant que la mineure ne l’était pas au moment de sa grossesse, ce qui est faux, comme l’attestent ses passeports. Manque de peau, revenu en métropole le Don Didier, toujours bien portant, est interpellé sur son lieu de travail, le 27 septembre 2012, à Issy-les-Moulineaux, menotté et mis en garde à vue. Ceci est le résultat d’une audition de la jeune Otilia par les enquêteurs du Groupe central des mineurs victimes de l’Office central pour la répression des violences aux personnes (OCRVP) de Nanterre, suite à une plainte pour viol.

L’Express, par la plume de Vincent Hugeux, avait bien développé l’affaire le 9 janvier 2013, Les gros pépins d’Orange en Guinée équatoriale. Gênée, mais sans complexes, la direction de France Télécom Orange a usé de son droit de réponse «[…] Tout d’abord, France Télécom-Orange souhaite rappeler que le salarié visé dans cet article pour des faits de « viol sur mineur », qui auraient été commis en 2006, n’a fait l’objet d’aucune condamnation à ce jour. Sans préjuger de l’issue de l’enquête pénale actuellement en cours, il doit dès lors bénéficier du droit à la présomption d’innocence[...]».

Revenu également en France,  Yves Garcia est mis à l’écart, luxe des grandes entreprises pour « enfermer » les indésirables, mesure humiliante pour chasser le trublion. Le Canard Enchaîné avait déjà fait état le 11 juillet 2012 des Étranges pépins d’Orange en Afrique.

Et c’est dans la dernière édition du Canard,  11 juin 2014, que la Déconfiture d’Orange se poursuit. Par la plume de Jean-François Juillard, il nous informe que Yves Garcia, cadre chez Orange depuis seize ans, a été convoqué le 23 mai 2014 en conseil de discipline qui aurait donné un avis favorable à son licenciement. Et, écrit le journal du mercredi, «sa faute? « Un comportement inacceptable à l’égard de l’entreprise » estime, sans donner plus de détails, un porte-parole d’Orange. Mais, selon son avocat [Me Norbert Tricaud] la goutte d’eau a été une «alerte anti-corruption» qu’il a lancé au sujet d’activités du groupe, à la fin des années 2000 en Guinée équatoriale».

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Dessin de Pig, syndicaliste de Sud

Comment devient-on donc, lanceur d’alerte ?

Quand le collaborateur zélé d’une entreprise, fait son job avec conviction, éthique et se rend compte qu’autour de lui il y a des choses qui ne vont pas, il cherche à alerter. D’abord en interne, parfois à la demande même de la hiérarchie. Restant ferme sur les principes il pense qu’il faut aller plus loin et là, tout bien côté qu’il soit, il devient emmerdant, ensuite agaçant, après dangereux et le processus de démolition s’enclenche. Et à un moment donné, après avoir été disqualifié et mis en quarantaine, le fonctionnaire est mûr et près à tomber. Sentence finale «comportement inacceptable envers l’entreprise».

Il est vraisemblable que Yves Garcia ait donné des arguments dont « l’accusation » s’en est servi, mais dans ce qu’on comprend de l’affaire, la direction veut surtout punir pour mieux museler au lieu de mettre à jour et sanctionner ce qui fait que ces dysfonctionnements ou ces crimes (s’il y a eu viol) puissent avoir lieu et, peut être se poursuivent dans le meilleur des mondes des intérêts financiers et diplomatiques.

Rappelons que le fils du Président de la République de Guinée équatoriale, a été mis en examen le 19 mars dernier dans l’affaire dite des «biens mal acquis». Un mandat d’arrêt internationale avait été lancé à l’été 2012 contre Teodorin Obiang après son refus de répondre à la convocation des Magistrats du fait de son statut de vice-président. Tout ceci, probablement, n’est pas indifférent aux «malheurs» du cadre Garcia, qui a osé soulever des malversations et des comportements inadmissibles. Mais Orange à d’autres pépins à fouetter…!

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