Le 17 août 1951 à Pont-Saint-Esprit, dans le Gard, le village entier semble pris de folie, après ce qui ressemble à une banale intoxication collective. Pendant une semaine, les scènes surréalistes s’enchaînent, avec des habitants en proie au délire et à des hallucinations. A l’issue de cette semaine, on déplore cinq morts et 300 malades, dont une soixantaine internée dans des hôpitaux psychiatriques. En 2009, le journaliste américain Hank Albarelli assure dans un livre que le village aurait été victime d’une expérience sur les effets du LSD, menée conjointement par l’armée américaine et la CIA. Une théorie qui prend place aux côtés de l’empoisonnement par l’ergot de seigle ou les mycotoxines dans le catalogue des hypothèses.
Le phénomène de dissociation avec les mémoires traumatiques provoquant des amnésies est quelque chose de très controversé au sein des institutions psychiatriques et judiciaires. Pourquoi ce domaine de la psychotraumatologie, pourtant très sérieux, est-il autant négligé et même discrédité au sein des institutions garantes de la justice, la sécurité et de la prise charge des victimes ? Pourtant les exemples concrets d’amnésies dissociatives ne manquent pas, tout comme les études sur cette fonction du cerveau humain.
Dans les dossiers de justice liés aux affaires de pédocriminalité, les éléments psychologiques (qui ne font évidemment pas office de preuves) sont systématiquement utilisés pour décrédibiliser la victime. Ils permettent ainsi de classer les affaires sans mener de véritables enquêtes qui pourraient justement déboucher sur des preuves. En effet, la personne qui dénonce les abus est jugée psychologiquement instable, voir complètement déglinguée (et pour cause), donc sa parole est d’emblée jugée non crédible devant la justice… c’est justement sur ce point qu’il faut faire changer les choses et c’est bien là que se trouve tout l’enjeu concernant la parole et les témoignages de survivants. Pourquoi la justice ignore-t-elle les avancées en matière de psycho-traumatologie pour traiter les dossiers ? Un domaine pourtant crucial pour pouvoir aider les victimes et enfin comprendre comment fonctionne le système pédocriminel…
Quelques jours sont passés depuis que le verdict du procès de Daniel Legrand est tombé, il est temps de faire le bilan. Dans notre belle démocratie où la justice est rendue au nom du peuple français, les citoyens n’ont pas le droit de critiquer une décision de justice, quand bien même elle serait ridicule. On n’y reviendra donc pas, pas plus qu’on est revenus sur la décision qui a mené à l’acquittement en masse des personnes dénoncées par 12 enfants reconnus victimes au procès de Paris.
Vendredi dernier s’est terminé à Rennes le procés Outreau 3, Daniel Legrand ayant été définitivement acquitté. Trois semaines de procès dont vous pouvez trouver le compte rendu au jour le jour ici ou ici.
Il y a tout juste un mois, la France commémorait le 70ème anniversaire de la libération des camps de concentration. Les cérémonies qui ont eu lieu à ce moment-là et les témoignages des survivants (tous enfants à cette période), pourraient laisser penser que parler de l’holocauste a toujours été possible. Ce serait une erreur. À la libération des camps, la majorité des déportés a été condamnée au silence, non seulement en raison de leurs propres difficultés à se dégager de l’indicible de ce qu’ils avaient subi mais surtout parce que personne ne voulait entendre ces récits de l’horreur.
Un être humain a un psychisme qui, grâce aux interactions extérieures, au fur et à mesure de sa vie, va construire une confiance en lui et en l’autre, qui va l’aider au cours de sa vie.
Se déroule actuellement à Rennes le « troisième procès d’Outreau » mettant en cause Daniel Legrand fils, un des acquittés. Jonathan Delay, un des enfants reconnu victime à l’époque du premier procès d’Outreau devant la Cour d’assises de Saint-Omer, revient aujourd’hui pour témoigner. Suite à son audition du 20 mai, il a été attaqué sur le manque de précisions concernant ses souvenirs d’abus sexuels, remontant à sa petite enfance. Le juge et la défense ont beaucoup insisté (à juste titre) sur la notion de souvenirs, en abordant la question comme s’il s’agissait de « souvenirs de vacances ». Malheureusement, personne n’était là pour venir expliquer devant la Cour le fonctionnement des mémoires traumatiques. Jonathan parlait bien de flashs, d’images, mais il a évidemment du mal à reconstituer un déroulement chronologique d’une scène en particulier car il s’agit d’un véritable puzzle mémoriel, et il semblerait que la défense, le juge et même la partie civile ignorent totalement cette facette du fonctionnement de la mémoire. Les avocats de Jonathan auraient éventuellement pu le soutenir en mettant en avant cette notion de mémoire traumatique, pouvant remonter des années plus tard sous forme de flashbacks avec des images et non forcément une scène de vie entière. Jonathan a déclaré: « je parle d’images que j’ai dans la tête, je ne parle pas de souvenirs », ou encore : « Présentez-moi la personne qui me permet d’aller dans mes souvenirs, moi, j’en suis incapable. »
Il fallait s’y attendre, à la veille du procès de Daniel Legrand, acquitté d’Outreau, la défense dévoile en filigrane sa stratégie, et c’est là où on rirait à gorge déployée si le sujet n’était pas si grave.
À tout point de vue, Eleanor Longden était comme les autres étudiants, se dirigeant vers l’université d’un pas alerte et sans le moindre souci. C’était avant que les voix dans sa tête ne commencent à parler. D’abord inoffensifs, ces narrateurs internes sont devenus de plus en plus hostiles et dictatoriaux, transformant sa vie en un cauchemar éveillé.