Blog Mediapart Marie-Christine Gryson Outreau – Enfants victimes et acquittés : deux vérités judiciaires incompatibles ?

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Que les vérités judiciaires, celle des acquittés et celle des enfants des procès d’Outreau soient apparemment incompatibles, c’est un constat qui a pu être fait, dès la date du verdict en Juin 2004. Les médias ont occulté cette seconde vérité judiciaire et sa mise en lumière reste encore problématique en 2013, comme le démontrent les réactions au film de Serge Garde « Outreau, une autre vérité » qui met l’accent sur le statut de victimes de 12 enfants.

Jusqu’en Octobre 2009, date de sortie de « Outreau la vérité abusée » avec en première de couverture l’annonce : « 12 enfants reconnus victimes » seuls les « initiés », à savoir les professionnels de l’affaire, connaissaient cette autre vérité.

L’omerta était solidement maintenue par le storytelling mensonger d’Outreau « Les enfants ont menti ils ont inventé des agressions et des viols parce qu’ils étaient carencés » qui a fait tous les dégâts que l’on sait relatifs à la régression de la prise en compte de la parole de l’enfant. Cette régression de la protection des enfants face à la pédo-criminlaité ne pouvait laisser indifférent quand on le constate au quotidien sur le terrain, comme c’est mon cas en tant que psychologue en libéral, formatrice et expert judiciaire à l’époque et aujourd’hui encore.

L’omerta des médias et le storytelling ne suffisant sans doute pas, dès 2006 lors de la commission d’enquête parlementaire, Eric Dupond Moretti installait un barrage dissuasif destiné à toute éventuelle allusion à cette vérité judiciaire, traitant de REVISIONNISTES les professionnels qui défendaient l’objectivité de leur travail – comme je l’ai fait – en évoquant la réalité du statut de victime de 12 enfants.

Donc silence radio et télévisé qui aurait dû cesser normalement avant la sortie de mon ouvrage, dès le début 2009 – c’est du moins ce que j’espérais – date de la comparution de Fabrice Burgaud devant le Conseil Supérieur de la Magistrature. Je m’attendais en effet à ce que Fabrice Burgaud puisse faire état du statut de victimes de nombreux enfants de manière à réduire la nouvelle montée de la vindicte populaire attisée par une certaine presse lors de cette comparution.

Le magistrat aurait été d’emblée réhabilité dans son honneur car le grand public aurait pu se dire qu’il avait permis à tous ces enfants d’échapper à leurs violeurs. Pourtant rien n’a été évoqué à ce sujet. Présente lors du dernier jour du procès disciplinaire, j’ai posé la question à ses avocats. Il m’a été répondu que devant le CSM,il s’agissait de défendre l’instruction et les décisions juridictionnelles, il n’était pas question d’évoquer les verdicts, c’était un autre sujet qui ne concernait pas son travail de Juge d’instruction.

Invraisemblable ! La rigidité de l’application des procédures permettait donc de maintenir l’omerta et d’ignorer tous les effets collatéraux en terme d’humanité ! Même les instances disciplinaires de la Justice ne pouvaient éclairer l’opinion publique sur le bien-fondé de l’instruction du Juge Burgaud au regard des médias qui en avaient fait un bouc émissaire.

J’en ai conclu dans mon ouvrage que :

« De manière tacite, il semble de plus en plus nécessaire que soit définitivement dissocié le sort des acquittés de celui des enfants victimes. Une coexistence incompatible avec le désinformation de la storytelling » P 245

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C’est la raison pour laquelle je décidai de le mettre en exergue sur la couverture de mon ouvrage.

C’est la raison pour laquelle j’ai utilisé le thème de la disparition de la vérité judiciaire des enfants, et l’installation du storytelling comme fil rouge me permettant de dénoncer la mystification d’Outreau . Cela me permettait, en tant qu’observateur privilégié du dedans et du dehors, de décrypter le pourquoi et le comment, les tenants et les aboutissants la manipulation de l’opinion qui en a suivi, en passant par la maltraitance durant les procès des enfants que j’avais expertisés.

Nouvelle omerta prévisible des médias (pas des professionnels) sur mon livre… à l’exception de femmes courageuses dès sa parution (Catherine Durand de Marie-Claire et Alexandra Guillet de Lci) et de Pierre Rancé (ex-Chroniqueur judiciaire sur Europe que je remercie encore).

Interview réalisé avec Alexandra Guillet :

(Cette interview est archivée ICI)

Pierre Rancé aujourd’hui Porte Parole de la Garde des Sceaux m’a fait l’honneur d’écrire en introduction de mon interview pour la Gazette du Palais, que dans ce travail je tentais « de rassembler tout ce qui a volé en éclat pour renouer le fil du débat, contradictoire et démocratique » (mai 2010, n° 120). La conclusion de l’éditorial de Eve Boccara pour ce même interview: « La machine judiciaire en supprimant les coupables, n’a t-elle pas aussi supprimé les victimes? » a été reprise par Pierre Joxe dans la Revue Après Demain ( N° 15, Juillet 2010).

Pierre Joxe m’a ensuite contactée et nous avons alors pu l’inviter à ce désormais célèbre colloque à Paris Panthéon-Assas du 24 Février 2011 organisé par le Dr Gérard LOPEZ à l’Institut de Criminologie et dont il m’a laissé suggérer l’intitulé « La parole de l’enfant après la mystification d’Outreau ».

Serge Garde, invité à projeter quelques minutes de son film et Jacques Thomet journaliste en retraite de l’AFP, étaient présents …

Aujourd’hui, « Outreau la vérité abusée » n’est plus le seul ouvrage du contradictoire, il y a le livre de Chérif co-écrit avec Serge Garde « Je suis debout », le film de Serge garde produit par Bernard de la Villardière « Outreau, l’autre vérité » et le livre de contre-enquête de Jacques Thomet ex-rédacteur en chef à l’AFP : « Retour à Outreau, Contre-enquête sur une manipulation pédo-criminelle ». Ils forment aujourd’hui les quatre piliers de la ré-information sur l’affaire d’Outreau, chacun d’entre eux renforçant l’autre par la complémentarité des visions croisés, des mises en perspectives et des démonstrations .

 

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