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(Comité international pour la dignité de l’enfant & Jacques Thomet) CIDE : Priscilla Majani devrait être relaxée en appel mercredi d’après un spécialiste du droit pénal

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C’est la conclusion d’un avis de droit fourni par une éminence française du droit pénal, Bernard Bouloc, à la demande du CIDE (Comité international pour la dignité de l’enfant), présidé par Georges Glatz à Lausanne. J’y suis consultant (Jacques Thomet).
Voici le rapport complet de Bernard Bouloc:
Objet: dossier MAJANI- cour d’appel d’Aix-en-Provence
Paris, le 16 novembre 2022,
Je soussigné, Bernard Bouloc, professeur de droit privé et de sciences criminelles à l’Ecole de droit de la Sorbonne (Université Paris 1), consulté par Me Guedj Benayoun,
avocat au barreau de Toulouse, pour le compte de sa cliente, Madame Priscilla MAJANI, sur le fait de savoir si les deux jugements du tribunal correctionnel de Toulon du 16 septembre 2022 sont légalement fondés, émet l’avis suivant.
1-Les faits
1 – Madame L. MAJANI s’est mariée à M. Y le 22 mai 2004. De cette union est née une fille courant 2005.
Les relations entre les époux sont devenues conflictuelles, le mari se montrant violent. Aussi bien, Mme MAJANI a introduit une requête en divorce le 9 juillet 2008.
Avant qu’il ne soit statué sur la conciliation, M.Y. a fait assigner son épouse devant le Juge aux affaires familiales statuant en référé afin que soit fixé le lieu de résidence habituelle de sa fille qu’il n’avait plus vue depuis le 7 juillet 2008.
Le 29 septembre 2008, le Juge aux affaires familiales rendait sa décision, après avoir pris en considération les déclarations faites par les parties, mais en écartant les mains courantes invoquées, a fixé la résidence de l’enfant en alternance au domicile de chacun des époux du vendredi 18 heures au vendredi suivant à la même heure et a
dit quel’enfant devait être scolarisé à Carqueiranne.
2-Sur la requête en divorce introduite en juillet 2008 par M. Y, le Juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Toulon procédait à l’audition des époux. Ceux-ci ne s’étant pas réconciliés, ont demandé différentes mesures provisoires, sur
lesquelles le juge s’est prononcé.
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M.Y. demandait que la résidence de l’enfant soit fixée en alternance ou subsidiairement à son domicile, car il est très proche de sa fille, qui paraît être épanouie et heureuse, et qu’étant retraité li est davantage disponible.
Mme MAJANI a fait valoir que l’enfant présentait des signes de souffrance depuis la
mise en place de la garde alternée, et que le père souhaitait l’inscription de l’enfant à temps complet à la crèche.
Le juge a pris en considération l’examen psychologique ordonné en référé, qui a démontré que l’enfant présente une personnalité marquée par un sentiment général d’insécurité.
L’ordonnance de non-conciliation rendue le 9 décembre 2008 a en ce qui concerne l’enfant fixé la résidence habituelle au domicile de la mère et fixé un droit de visite et d’hébergement du père à des fins de semaine pour les 1ère 3ème et 5ème semaines et des milieux de semaine des 2° et 4e semaines, et à la moitié des vacances scolaires.
Sur appel de M. Y, la Cour d’appel d’Aix en Provence tenant compte des conclusions de l’enquête sociale sur les parents, qui tendaient à l’instauration d’une résidence alternée et à la mise en place d’une mesure de médiation, ainsi que des arguments des parties, a confirmé l’ordonnance de non-conciliation rendue le 9 décembre 2008, mais a fixé la résidence de l’enfant de manière alternée chez chacun de ses deux parents du vendredi 18 heures au vendredi qui suit à la même heure, et à compter du 19 février 2010 (arrêt du 4 février 2010).
Ultérieurement, une ordonnance de mise en état du 8 juillet 2011 a confié l’autorité parentale exclusivement au père et fixé la résidence de l’enfant au domicile du père. (arrêt de la Cour d’appel d’Aix en Provence du 18 septembre 2012).
3- Un an et demi plus tôt, intervenait un jugement correctionnel du tribunal de Toulon. La procédure a été engagée par le ministère public devant lequel Mme MAJANI avait été déférée le 25 février 2011. Le procureur lui a notifié les faits retenus à son encontre et l’a invitée à comparaître à l’audience du 24 mars (après l’avoir fait placer sous
contrôle judiciaire).
Mme MAJANI n’ayant pas comparu à l’audience, le tribunal a statué par jugement contradictoire à signifier…
Prévenue d’avoir depuis le 6 janvier 2011 jusqu’au 24 février 2011, refusé indûment de représenter sa fille à son père qui avait le droit de la réclamer, le tribunal au vu des
éléments du dossier l’a déclarée coupable, et a estimé nécessaire d’appliquer rigoureusement la loi pénale en prononçant une peine ferme d’emprisonnement, à savoir un an d’emprisonnement ce qui constitue le maximum prévu par l’article 227 -
5 C. pénal. Le tribunal a également délivré un mandat d’arrêt (jugement du 29 mars 2011).
4-Quatre ans plus tard, en mars 2015, le parquet a fait citer Mme MAJANI pour avoir à Hyères le 6 janvier 2011 et le 18 janvier 2011 dénoncé mensongèrement à l’autorité judiciaire des faits constitutifs de viol sur mineure de 15 ans par ascendant, et ainsi
exposé les autorités judiciaires à d’inutiles recherches, faits prévus par l’article 434 – 26 du C. pénal.
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Puisque le délit de non-représentation d’enfant se consomme à chaque obstacle mis au droit de visite de l’autre parent, la circonstance aggravante de l’article 227-9 du C. Pénal ne peut s’appliquer pour des faits qui n’ont pu être accomplis que le 26 février 2011.
28- Quant au délit de soustraction de l’enfant des mains du père de l’enfant, titulaire de l’autorité parentale, avec cette circonstance que le père, alors que l’enfant a été
retenu plus de cinq jours, n’a pas été informé de l’endroit où li se trouvait, le tribunal correctionnel l’a reconnu établi. Il a observé que le départ et la disparition de la mère et de son enfant avaient été préparés minutieusement.
La mère avait soldé un crédit immobilier par un remboursement anticipé en se domiciliant chez la sœur, laquelle s’était présentée à la banque en lieu et place de sa sœur pour effectuer des opérations bancaires. En outre, des virements sur le compte de la mère de Mme MAJANI avaient été effectués en mai et septembre 2011.
Lors d’une perquisition effectuée en mars 2011 au domicile de la mère, de nombreux éléments démontraient une organisation de la fuite. Une perquisition menée chez la sœur de Mme MAJANI permettait de découvrir l’ancien véhicule de la mère de l’enfant, son ordinateur et des facturettes d’achat de vêtements pour une fillette de 6 à 8 ans.
Eu égard à ces éléments d’information et aux auditions de la mère et de la sœur lors de leur mise en examen par le magistrat instructeur (en juin 2011 pour la mère et en mars 2013 pour la sœur), le tribunal a considéré que Mme MAJANI avait volontairement organisé la fuite et la clandestinité dans laquelle elle-même et sa fille
ont vécu pendant toutes ces années.
Il a écarté les explications de l’avocat de Mme MAJANI faisant état d’attestations
révélant que le père serait un tyran domestique afin de justifier d’un état de nécessité, car à aucun moment d e la procédure il n’a été fait état du comportement violent d e la
part du père.
Aussi bien, pour le tribunal le délit de soustraction d’enfant est caractérisé en tous ses éléments puisque Mme MAJANI a refusé de représenter l’enfant à son père et l’a soustrait de ses mains pour le conduire dans un endroit inconnu de lui où elle l’a
maintenu durant plus de dix ans.
29 – Que Mme MAJANI ait refusé de présenter sa fille à son père, cela est certain, mais le fait de continuer à garder sa fille avec elle ne constitue pas un acte matériel
de soustraction, lequel implique un acte positif consistant à appréhender l’enfant qui serait entre les mains de son père. Puisque l’enfant était avec sa mère, il n’y a pas eu d’acte matériel d’appréhension en l’absence d’un déplacement. (c f A. Gouttenoire et
M.C. Guérin, Ref Dalloz de Droit Pénal Ve, Atteintes à l’autorité parentale: non- représentation d’enfant et soustraction de mineur, n°42).
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30 – Pas davantage, on ne saurait considérer qu’il y ait séquestration, car la séquestration s’entend du fait de retenir, en un lieu quelconque contre son gré la
personne séquestrée. (cf Cass. 12 juin 1981, n°81-90284, Bull n°198) Or dans le cas présent, Mme MAJANI n’a pas retenu contre son gré sa fille pas plus qu’elle ne l’a
retenue en un lieu quelconque, puisqu’elle a voyagé en France et en Europe, avec sa fille.
Il n’y a donc pas eu séquestration ni soustraction au sens de l’article 227-7 du code pénal.
Sans doute, pendant leur voyage, le père n’a pas été informé du lieu où se trouvait l’enfant. Mais, s’agissant d’une circonstance aggravante du délit de l’article 227-7 du C. Pénal, elle ne peut être retenue si le délit de base n’est pas juridiquement établi.
Eu égard aux observations précédentes, la cour d’appel d’Aix-en-Provence ne peut que relaxer Mme MAJANI du délit de soustraction de sa fille des mains de M.Y, père de l’enfant titulaire de l’autorité parentale.
31 – Du fait que le tribunal correctionnel retenait les deux délits dont il était saisi et
que Mme MAJANI avait été aidée par sa mère et sa sœur pour l’accomplissement des
faits, il avait prononcé une peine ferme d’emprisonnement au maximum légal soit trois années d’emprisonnement.
Comme Mme MAJANI avait déjà été condamnée à des peines d’emprisonnement ferme et comme rien ne permettait de la soustraire à la peine maximale, le tribunal
avait considéré que les faits relevaient d’une particulière gravite, s’agissant d’un enfant âgé de cinq ans au moment où elle avait été enlevée à son père par une mère dont les experts décrivent la violence extérieure et dont le comportement est jugé extrêmement dangereux pour l’enfant.
Du fait que Mme MAJANI avait été arrêtée et détenue depuis son retour en France, puisqu’elle a été placée sous mandat de dépôt le 4 août 2022, il aurait été possible d’envisager une étude sur sa situation matérielle, familiale et sociale.
Mais statuant sur opposition, le tribunal correctionnel a jugé que la condamnation prononcée doit être fixée à l’aune de la gravité des faits et à celle du préjudice causé au père et indirectement à l’enfant puisque celui-ci ne veut plus avoir de contact avec son père et dits a haine à son égard. De plus, comme la mère a fui la France, si elle
n’était pas condamnée à un emprisonnement ferme, la peine ne serait pas exécutée.
Une telle motivation ne saurait être retenue par la cour d’appel. Les délits retenus ne
prennent pas en compte le préjudice causé au titulaire de l’autorité parentale, et l’enfant mineure n’a pas été entendue.
La cour d’appel d’Aix-en-Provence ne saurait confirmer la décision de condamnation à trois années ferme d’emprisonnement qui ne satisfait pas aux exigences de l’article
132-19 al.2 et 4 du code pénal. Elle devrait tenir compte de la situation matérielle, familiale et sociale de Mme MAJANI.
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CONCLUSION
32 – Pour les raisons ci-dessus exposées il est permis de conclure :
a) S’agissant du jugement rendu sur opposition au jugement du tribunal correctionnel de Toulon du 3 avril 2015, que la cour d’appel d’Aix-en-Provence ne peut que constater la prescription de l’action publique, puisque la citation délivrée le 9 mars 2015 est intervenue plus de trois ans après les faits des 6
janvier 2011 et 18 janvier 2011. En conséquence,elle ne peut que relaxer Mme
MAJANI.
b) S’agissant du jugement rendu sur opposition du jugement du tribunal
correctionnel de Toulon du 3 novembre 2016, Mme MAJANI peut tenter de demander un contrôle de l’ordonnance de renvoi du juge d’instruction, en invoquant la jurisprudence Poitrimol de la Cour européenne des droits de l’Homme.
Mais surtout, Mme MAJANI peut contester la double déclaration de culpabilité du fait de l’arrêt du 8 janvier 2020 de la cour de cassation (supra n°26) et
contester le bien-fondé de délits reprochés.
En particulier, s’agissant du délit de soustraction de l’enfanta son père, titulaire de l’autorité parentale, li ne peut être retenu par la cour d’appel, car Mme MAJANI ne l’a pas soustrait aux mains du père, pas plus qu’elle n’a séquestré sa fille. La relaxe devrait intervenir sur ce délit. En conséquence, la cour d’appel ne saurait maintenir la condamnation à un emprisonnement ferme de trois ans, au demeurant insuffisamment motivée.
Paris, le 16 novembre 2022.

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