Depuis deux ans, Hélène ne confie plus sa fille à son ancien compagnon qu’elle soupçonne d’inceste. Ce mercredi 7 juin 2023, elle a été jugée en appel à Reims pour non-représentation d’enfant. Elle risque jusqu’à un an de prison et 15 000 euros d’amende. Nous avons suivi l’audience.
« On n’est pas manipulatrices, on est protectrices ». Elles étaient une dizaine à venir soutenir Hélène S., émue, sur le parvis de la cour d’appel de Reims (Marne), ce mercredi 7 juin 2023. Cette mère de famille est jugée en appel pour non-représentation de sa fille à son ex-conjoint, qu’elle soupçonne d’inceste. En première instance, elle avait été condamnée à six mois de prison avec sursis.
« Papa m’a mis un doigt dans la minette »
Dès l’ouverture des débats, des échanges houleux ont rapidement pris le dessus avec un « Hélas ! », lancé par l’avocat général à l’évocation des quatre témoins du côté de la défense.
En janvier 2021, Benoit V. porte plainte une première fois pour non-représentation d’enfant. « Je voulais protéger ma fille de son papa légalement », a déclaré Hélène S. à la barre. En août 2019, alors que Rose*, trois ans, revenait d’un week-end passé chez son père, elle révèle à sa maman qu’elle aurait été victime d’une pénétration digitale de la part de son père, qui n’a plus aucun contact avec sa fille depuis juin 2021. « Elle m’a dit : « Papa m’a mis un doigt dans la minette, très loin et ça m’a fait mal ».
Depuis trois ans, la jeune enfant aujourd’hui âgée de sept ans tient le même discours. « Je ne peux pas regarder ma fille en lui disant : « oui, je t’ai entendu, mais tu dois aller chez ton père », si c’était une adulte, on ne lui dirait pas ça », souligne la mère de famille en pleure en ajoutant : « Elle m’a également dit que son père l’avait frappée et enfermée à clé dans une pièce ». Au moment des faits, elle ne dépose pas plainte car « je n’ai pas voulu y croire. C’était plus facile de penser qu’il aurait eu un geste un peu brutal en la lavant », reconnaît-elle.
Faire le tour de l’appartement pour vérifier qu’il n’y a personne
Mais ni certificat médical, ni examen gynécologique peuvent prouver les faits. L’enfant commence à se faire pipi dessus la nuit, le jour, à faire des terreurs nocturnes, de l’eczéma… « Le médecin m’a dit que je n’avais pas écouté ses mots et donc que son corps parlait ». Hélène S. se souvient particulièrement d’une scène dans le couloir de leur appartement. « Ma fille s’est fait pipi dessus et m’a dit : « tu ne comprends pas que papa est méchant avec moi ? ».
Quand Rose se réveille d’un cauchemar la nuit, Hélène doit lui faire faire le tour de l’appartement pour lui montrer qu’il n’y a personne d’autre, l’entrée du logement est également bloquée par le vélo et l’étendoir à linge « pour être sûr que papa ne rentre pas » dira la fillette à sa maman.
Lorsque Blandine, psychologue, rencontre Rose, l’enfant présente de nombreux troubles post-traumatiques. « Quand elle est venue pour la première fois au cabinet, elle se recroquevillait contre sa mère, elle ne me répondait pas », se souvient l’intéressée. « Ce n’est pas normal qu’un enfant de son âge suçote, se recroqueville. Elle avait très peur des autres », admet la psychologue, interrogée comme témoin à la barre. Pour Audrey, chargée de mission du collectif Féministe contre le viol, « on entend beaucoup que les enfants mentent, mais d’après des études, 98% d’entre eux ne mentent pas. On constate que la parole des enfants n’est pas entendue ».
« Manipulation ou aliénation parentale ? »
À la barre, Benoit V., qui a été placé sous le statut de témoin assisté, reconnaît que « beaucoup de mensonges ont été dits précédemment ». « Le calvaire de mon client et de Rose n’est pas près d’être terminé », a déclaré Maitre Ammoura pendant sa plaidoirie dans laquelle il dénonce « des bobards » dans les propos d’Hélène S. Il continue : « La presse s’est emparée de l’histoire, il y a des soutiens… Mais est-ce de la manipulation ou une aliénation parentale ? », s’interroge l’avocat de la partie civile.
« Combien de fois Rose va-t-elle devoir répéter : « Papa m’a mis un doigt dans ma minette ? » Elle l’a dit au médecin, à son institutrice, à ses copines… », relate l’avocate de la défense, Maître Pauline Rongier, en ajoutant : « Il ne faut pas condamner sa maman, il ne faut pas condamner la personne qui la protège. »
Les mamans protectrices n’ont pas à aller en prison pour protéger son enfant.
Florence
Émilie*, venue soutenir la prévenue, vit une histoire similaire, alors pour elle « c’était très important d’être là en soutien. C’était une évidence ». Florence, elle, vient de Paris. « Aujourd’hui, je ne comprends pas que l’on puisse ne pas écouter un enfant. Pourtant, médecins et psychologues ont constaté des choses ». Elle ajoute : « Les mamans protectrices n’ont pas à aller en prison pour protéger son enfant. L’état de nécessité existe. Nous, le seul intérêt qu’on a, c’est de protéger nos enfants », précise-t-elle.
Aujourd’hui, Hélène S., en arrêt depuis deux ans, a été reconnue en état post-traumatique et handicapée. L’avocat général a requis la confirmation de condamnation. Elle risque jusqu’à un an de prison ferme et 15 000€ d’amende. La décision sera rendue le 5 juillet 2023.