(Non-State Torture, Gazette Vol.67, n°1 - 2005) La violence et la torture rituelles – Des crimes atroces

HjzqNtpzIZrjlkg_0F3Qvyqanh0

La violence et la torture rituelles

Vol. 67, N°1 – 2005

Des crimes atroces

La violence et la torture rituelles ne sont pas définies par le Code criminel canadien. Et jusqu’à maintenant, on ne tient aucune statistique à cet égard au pays. Mais il s’agit de crimes bien réels. Jeanne Sarson et Linda MacDonald, deux infirmières et enseignantes de la Nouvelle-Écosse, ont reçu le récit de plusieurs centaines de victimes ayant survécu à cette forme de violence familiale ou collective organisée. Dans le présent article, elles définissent ce que sont la violence et la torture rituelles et offrent des renseignements qui pourraient aider la police à repérer les victimes de ces crimes atroces.

Par Jeanne Sarson, inf., B.Sc.inf., M.Ed.

et Linda MacDonald, inf., B.N. M.Ed.

Le Comité canadien sur la violence faite aux femmes a été le premier à signaler l’existence de la violence et de la torture rituelles dans toutes les régions du Canada. Dans son rapport de 1993 intitulé Un nouvel horizon : éliminer la violence, atteindre l’égalité, le Comité a souligné que le Code criminel canadien n’avait aucune disposition sur ce genre de crime. On ne tient pas de statistiques à cet égard au pays ; par conséquent, ces méfaits demeurent méconnus.

JSIGaROTiGon10k2GsZE6qlHqlU

Dans ce dessin, la victime illustre le trafic dont elle a été victime chez elle. Lorsqu’elle était encore un bébé, son père la faisait asseoir sur le comptoir de son magasin pour la « louer » à des hommes et des femmes pédophiles.

L’année où ce rapport a été diffusé, Sara – un nom fictif – s’est adressée à nous pour obtenir de l’aide. Elle a expliqué qu’elle était issue d’une famille qui se livrait à la violence rituelle et que, même adulte, elle était encore captive et cherchait à s’affranchir de cette emprise. Incapables de déterminer des sources de soutien et de protection sûres et expérimentées pour Sara, nous avons entamé nos recherches, pour ensuite écrire sur le sujet et nous porter à la défense de ces victimes. Nous présentons le fruit de notre étude afin que d’autres – intervenants et victimes – puissent tirer parti de nos constatations.

Définition

La violence et la torture rituelles se définissent comme étant un crime d’intention perpétré par des familles intergénérationnelles ou des groupes aux vues similaires qui commettent des actes de torture déshumanisante, cause de souffrances intenses et de la désintégration de la personnalité chez la victime, et ce, dans les buts suivants :

  • maintenir un contrôle et un pouvoir totalitaire sur la victime – depuis l’enfance jusqu’à l’âge adulte – par la voie de menaces et d’intimidation, de la torture et de la violence ritualisée;
  • transporter et exploiter la victime, et en faire le trafic pour la jouissance et le divertissement des membres de la famille ou du groupe;
  • transporter et exploiter la victime, et en faire le trafic, pour la jouissance et le divertissement de tiers;
  • obtenir, directement ou indirectement, un avantage financier ou matériel quelconque.

On peut définir les rapports des familles ou des groupes se livrant à des actes de violence ou de torture rituelles selon une structure à trois modes. Des milliers d’heures de conversation avec des victimes nous ont révélé que les familles entretiennent des rapports distincts et uniques avec les membres de la collectivité, avec ceux de la famille même et avec un cercle d’initiés formé d’autres agresseurs ou tortionnaires rituels. Dans le récit suivant, qui s’apparente à celui de nombreuses autres victimes dans le monde, « Carrie » décrit  les atrocités qu’elle a dû supporter.

3liKyeLCO40bPquCeV2UxzHUAvk

Ce dessin réalisé par « Shelle » illustre la torture par chocs électriques dont elle a été victime ainsi qu’un autre instrument – la cage – utilisée par ses agresseurs rituels. La dissociation de son corps est ce qui lui a permis de survivre.

L’histoire de Carrie

Mon père avait la réputation d’être un être très sociable et d’un commerce agréable. Tout le monde l’adorait. Mais quelle savante mise en scène de sa part, de jouer le rôle d’un homme doux et affable au sein de la collectivité.

Mon enfance a été marquée par les colères de mon père sous l’empire de l’alcool. À six ans, lorsque ma mère nous a quittés, me laissant à la garde de mon père, celui-ci m’a violé après m’avoir enfoncé mon pyjama imprimé de chiens blancs et noirs dans la bouche.

Le cercle d’initiés comprenait mon père et environ 12 de ses connaissances – des hommes et des femmes, jeunes et vieux, provenant de diverses classes sociales. C’était des médecins, un avocat, une infirmière et un enseignant. Quelquefois, un seul des parents y prenait part ; d’autres fois, ils amenaient aussi leurs enfants.

Le rituel consistait à me forcer à m’enivrer, afin de pouvoir m’humilier de leurs rires méchants. Une autre petite fille et moi-même avions été attachées à des planches de bois, puis on nous avait barbouillées de sang et infligé des lavements. Tant de souffrance, d’horreur, de torture et de terreur. La torture ritualisée n’a pris fin qu’à 13 ans. Nous étions environ 14 – des bébés, des bambins et des jeunes enfants – filles et garçons.

Voici les catégories des actes de violence perpétrés par les agresseurs rituels :

Mauvais traitements faits à l’enfant : Agressions quotidiennes infligées à l’enfant au sein de sa famille tortionnaire. Les agressions peuvent également être circonstancielles, commises dans une institution comme l’orphelinat ou le foyer d’accueil.

Terrorisation : Menaces et actes de violence utilisés pour tenir la victime au silence et à l’esclavage. Par exemple, une enfant forcée de noyer son chat est menacée d’être noyée à son tour si elle révèle l’acte.

Rapports de cruauté entre animaux et humains : Ces actes comprennent la bestialité et la bestialité nécrophilique avec des chiens et autres bêtes.

Torture physique, sexuelle et spirituelle : Actes exercés aux fins de domination, de plaisir et de divertissement. La victime peut être suspendue par un membre, se voir infliger des brûlures de cigarettes ou d’ampoules électriques surchauffées, être rouée de coups, quasi-noyée, confinée dans une cage, privée de nourriture, violée par les membres de sa famille ou du groupe, ou menacée de mort.

Pédophilie : Actes pouvant survenir à n’importe quel moment à la maison, au domicile d’adultes de même disposition ou en tout autre endroit commode pour l’agresseur. La violence pédophile ou nécrosadique est emblématique de la torture commise aux réunions rituelles de la famille ou du groupe.

Actes nécrophiles ou de nature similaire : Actes perpétrés après avoir rendu la victime enfant ou adulte inconsciente par la drogue, par strangulation, par brutalisation, par quasi-noyade ou par suffocation.

Actes horrifiants : La victime est forcée d’assister à des actes de violence déshumanisante envers une autre victime, ou d’y participer.

Réunions organisées aux fins de violence au sein de la famille ou du groupe : Ces rencontres, qui sont des rituels, sont ce qui distinguent la famille ou le groupe des autres groupes criminels. Ces rencontres servent à renforcer les liens entre les membres et à induire une distorsion dans les rapports adulte-parent-enfant en normalisant le comportement tortionnaire.

Suicide et autres actes d’automutilation : Actes enseignés par la contrainte à l’enfant ou à l’adulte victime, sous l’ordre de les pratiquer dès que l’impulsion de dénoncer l’agresseur survient.

Exploitation et trafic : L’exploitation sexuelle dans la rue et ailleurs, y compris le fait de contraindre la victime à participer à la production de pornographie juvénile ou adulte. Lorsque la victime n’est plus attirante pour les pédophiles, elle peut être forcée à travailler dans la rue.

Pour reconnaître les signes

Les victimes ont souvent recours à un langage dissociatif. Elles parleront d’elles-mêmes en utilisant le « toi » au lieu du « je » ou du « moi ». De la même manière, « mon corps » deviendra « le corps ».

L’utilisation d’un langage codé est courante et varie d’une famille ou d’un groupe à l’autre. Voici quelques exemples des termes employés : le temple = le corps de la victime ; l’élu = la victime en particulier ; Kool Aid ou sucre = de la drogue.

Parmi les blessures physiques que peut subir la victime, citons : bleus, marques de strangulation, coupures, brûlures, lits d’ongles enflammés par suite de la perforation à l’aide d’aiguilles, démarche difficile et douloureuse à cause de coups à la plante des pieds, perte auditive résultant de gifles simultanées aux oreilles.

L’hypervigilance, une perception perturbée du temps et de l’espace, la perte de mémoire, la confusion, une pensée erratique, une expression ou un comportement reflétant le sentiment d’être coincé ou en fuite devant un danger inconnu peuvent donner à penser que la victime est tenue en captivité.

La perte fréquente d’un petit animal peut être le signe de violence familiale, car dans un tel foyer, les animaux vivent rarement au-delà de deux ans.

L’essentiel de la démarche consiste à bien saisir l’agression ou la torture rituelle comme sous-culture criminelle organisée qui implique toute une gamme d’actes malveillants infligés à une victime vulnérable. Toutefois, nous pouvons nous mettre à l’écoute pour connaître les supplices que des adultes ont subis étant enfants, et pour nommer le crime et réagir à cet égard. Cela signifie également de faire connaître nos constatations, de sensibiliser les jeunes et de leur manifester notre bienveillance.

Pour plus de renseignements, vous pouvez visiter le site instructif de Jeanne Sarson et de Linda MacDonald à
www.nonstatetorture.org

Laisser un commentaire